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 d’ADHEOS

Condamnée pour incitation à la haine en décembre 2015 pour ses propos associant l’homosexualité à «une abomination», l’ex-ministre était absente de son procès en appel ce mercredi.
 
Pour son procès en appel, ce mercredi, on pensait croiser l’ex-présidente du Parti chrétien démocrate (PCD), Christine Boutin dans les couloirs du Palais de justice. Elle a préféré déserter le banc des accusés, occupé par son avocat, étrangement seul face à la dizaine de militants associatifs LGBT venus assister à l’audience à la 7e chambre de la cour d’appel de Paris. Pour mémoire, en décembre 2015, l’ancienne ministre du Logement, figure cathodique de l’opposition aux droits des personnes gays, lesbiennes, bis et trans depuis 1999, a été condamnée par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris à une amende de 5000 euros pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle.
 
En face d’elle, les trois associations constituées parties civiles, l’Inter-LGBT, le Refuge et Mousse, lui reprochent ses propos tenus en avril 2014 dans une interview accordée au trimestriel Charles: «L’homosexualité est une abomination». Des propos qu’elle a reconnu avoir tenu en première instance, et qui tombent sous le coup de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
 
A 14h35, lorsque l’audience démarre, malgré la chaleur qui fait pioncer quelques membres de l’auditoire, on débat d’abord de la recevabilité de deux des associations parties civiles. Selon l’avocat de Christine Boutin, la recevabilité de «l’association LGBT» (il parle en fait de l’Inter-LGBT) est contestable parce qu’elle n’a pas fourni plusieurs documents. L’avocate de l’interassociative, Me Karine Geronimi, conteste : l’irrecevabilité ne s’est faite que sur «l’omission» d’un document, elle demande donc la régularisation de le recevabilité.
 
Suivent les pladoiries des avocats des parties civiles. Premier à passer à la barre, Me Charles Bernier, l’avocat du Refuge (association qui recueille les jeunes LGBT rejetés par leur famille), débute par une pique : «Aujourd’hui, il y a un vide lié à l’absence de Mme Boutin.» Il poursuit sans s’interrompre : «Pour moi les faits sont très simples. "L’homosexualité est une abomination", recevoir ces mots de la bouche d’une ancienne ministre de la République est quelque chose de choquant car l’homosexualité n’est pas un comportement, ni un choix, c’est être tel que l’on est. (…) C’est d’une violence inimaginable, avec ces propos vous confortez les gens dans la certitude de ce qu’il faut haïr et condamner. Tout le travail du Refuge est mis à néant par ce type de propos.»
 
«Une violence inimaginable»
 
Dans un tout autre style, la voix mielleuse, Me Etienne Deshoulières, l’avocat de l’association Mousse déroule une argumentaire sur «la haine de soi que génèrent les propos de Christine Boutin». «Lorsque le comportement est inhérent à l’appartenance du groupe, la critique du comportement est une critique du groupe», plaide-t-il. Depuis le départ, la défense de l’ancienne ministre repose sur l’idée que ce ne sont pas les homosexuels qui ont été visés dans ses propos, mais bien une pratique l’homosexualité. «Le langage ce ne sont pas des mots qui flottent, ajoute encore Me Deshoulières. Quand on est homosexuel, on se construit par des représentations discursives. Il est grand temps de dire que les chrétiens peuvent vivre librement leur homosexualité, que les homos peuvent vivre librement leur spiritualité et que ce n’est pas une abomination.» L’avocate de l’Inter-LGBT assène le coup de grâce : «Les propos de Mme Boutin sont haineux. Elle a la haine de l’homosexuel, d’ailleurs elle se bat contre leurs droits depuis 1999».
 
 
Jugeant la défense des associations «malhonnête», l’avocat de Christine Boutin sort les classiques sur la liberté de la presse pour plaider la relaxe. «Si vous confirmez que ma cliente n’a pas le droit de porter un jugement moral sur l’homosexualité, alors vous fragilisez le droit, et alors il sera logique de retirer des étagères la nouvelle édition de la Bible et les ouvrages anciens», met-il en garde. La procureur, incisive, n’entend pas ses arguments et pointe la responsabilité de l’accusée. «L’abomination est un terme d’une violence incroyable. Ce n’est pas une notion abstraite comme l’entend la défense et il faut assumer les propos que l’on a pu affirmer. Qui plus est, Mme Boutin est une femme politique, elle a conscience de la portée des mots qu’elle peut prononcer», déroule la magistrate, avant de requérir la confirmation de la culpabilité et de la peine.
 
A la sortie de l’audience, les représentants des associations parties civiles soufflent un bon coup. «On espère une condamnation, mais on reste prudent», avance Jérôme Beaugé, président de l’Inter-LGBT. «Depuis la relaxe de Marc-Yvan Teyssier (ndlr, le président du Parti chrétien démocrate du Rhône a été blanchi par le tribunal correctionnel de Lyon en janvier 2016 dans une affaire similaire), on est dans une configuration nouvelle, la cour d’appel va devoir trancher. Rien n’est donc fait», concède Me Deshoulières. Décision le 2 novembre.