Le chanteur avait été victime d’un déferlement de messages haineux, certains homophobes, après un concert dans une église parisienne en juin 2021. A partir de ce lundi, 17 hommes sont jugés au tribunal correctionnel de Paris
Avec un piano au bout des doigts et un micro au bout des lèvres, Eddy de Pretto chante une rupture : celle de la religion et de son homosexualité. Le moment est émouvant. Et symbolique puisque le chanteur interprète son titre «A quoi bon» dans l’église Saint-Eustache de Paris dans le cadre du festival «Qui va piano va sano» en juin 2021. Pendant sa prestation -qu’il relaie sur son compte Instagram- l’artiste a toutefois un malheur. Celui de prononcer le mot de «sodomite». Dans les jours qui suivent, ce seul mot lui amène plus de 3 000 messages de haine et d’insultes sur les réseaux sociaux.
«Tu vas retourner à l’église mais dans une petite boîte», «gros sac à merde à souiller notre religion, gare à toi qu’on te chope pas sale pédale», «crève en enfer sale chien»… Loin de se laisser intimider, l’homme de 29 ans – dont les textes sont connus pour exposer des problèmes de société tels que l’homophobie, les comportements sexistes et la virilité abusive – décide de déposer plainte le 24 juin 2021. Et ce lundi, il se rend au tribunal correctionnel de Paris pour assister à l’ouverture du procès qui se poursuivra les 4, 6 et 7 octobre. En tout, 17 personnes sont jugées pour des chefs de harcèlement en ligne, avec interruption totale de travail (ITT) de plus de huit jours. Six parmi elles sont également accusées d’avoir commis ce harcèlement en ligne en raison de l’orientation sexuelle de la victime.
Que des hommes et beaucoup de cathos
Etienne Deshoulières, l’avocat de l’association Stop Homophobie qui demande également des dédommagements aux accusés dans cette affaire, remarque auprès de Libé : «On est face à un profil de cyberharceleurs un peu particulier». Les 17 personnes qui défileront devant le juge sont des hommes. Celles également poursuivies pour des propos homophobes sont toutes âgées d’une «petite vingtaine d’années» et bien souvent «issues des beaux quartiers». En parcourant son dossier, Etienne Deshoulières marmonne les lieux de résidence de certains : Paris 3e, Saint-Germain-en-Laye, IIIe arrondissement de Lyon… «La plupart sont entre autres des catholiques intégristes», conclut l’avocat.
Tous les accusés avaient été interpellés et placés en garde à vue en mars 2022 à la suite d’une enquête ouverte par le Pôle national de lutte contre la haine en ligne du parquet de Paris. Dans un article de BFM, on apprend ainsi que face aux enquêteurs, la plupart d’entre eux avaient exprimé leur indignation vis-à-vis du concert d’Eddy de Pretto. «Honte», «provocation», «blasphème» et «prestation blessante» sont autant de termes revenus durant les interrogatoires. L’un d’entre eux, Elliott N., avait envoyé «la hache pour toi» à l’artiste. Selon le média, le garçon de 20 ans aurait affirmé avoir été «blessé» dans sa foi, condamnant des «obscénités chantées dans une église». Simon N., 20 ans, aurait quant à lui martelé que l’église n’était pas un lieu pour «ce genre de spectacle».
«Il a été énormément choqué»
Face à cette haine, Eddy de Pretto avait posté un message fédérateur sur son compte Twitter en juin 2021 : «Ces homophobes, royalistes, anarchistes d’extrême droite ne gagneront jamais. L’amour gagne toujours 🏳️🌈». Toutefois, comme le souligne Etienne Deshoulières auprès de Libération, le chanteur a bien pâti de ce déferlement haineux en ligne. «Il a été énormément choqué et atteint par cet épisode», dénonce l’avocat.
Trouble du sommeil, crainte pour sa vie, garde du corps… Une expertise psychologique met ainsi en avant les conséquences que cet épisode a eues sur son bien-être. Selon BFM, l’artiste aurait même déménagé. Outre des amendes de plusieurs dizaines de milliers d’euros et des peines de prison, Eddy de Pretto «sollicitera la réparation de son préjudice. Les dommages-intérêts qui pourraient lui être alloués seront reversés à des associations de lutte contre le harcèlement et l’homophobie», ajoutent les avocats du chanteur dans un communiqué consulté par TF1.
- SOURCE LIBERATION