Les rapports annuels du département d’État américain sur la situation des droits humains dans le monde ont subi cette année une censure indédite. L’édition 2024, publiée avec plusieurs mois de retard, a ainsi vu disparaître des sections entières consacrées aux violences visant les personnes LGBTQ+, mais aussi les femmes, les minorités raciales ou les populations autochtones.
Établis depuis 1977 à la demande du Congrès, ces documents sont une référence internationale. Ils servent aux diplomates, aux ONG et aux tribunaux d’immigration, aux États-Unis comme à l’étranger, pour évaluer les demandes d’asile liées à la persécution politique, religieuse ou à l’orientation sexuelle.
Un outil décisif fragilisé
Jusqu’ici, le rapport détaillait les discriminations et violences subies dans chaque pays, permettant à un demandeur ou une demandeuse d’asile de démontrer une “crainte fondée de persécution”. L’effacement de ces passages compromet désormais ces procédures.
« C’est une suppression délibérée qui va coûter des vies », alerte Jessica Stern, ancienne envoyée spéciale des États-Unis pour les droits LGBTQI+, dénonçant « l’abandon des survivants » et un signal d’impunité envoyé aux auteurs de violences.
Des alliés ménagés
Les omissions les plus marquantes concernent des États proches de l’administration Trump. Le rapport sur l’Ouganda ne mentionne plus la loi anti-homosexualité, pourtant l’une des plus répressives au monde, qui prévoit la prison à vie ou la peine de mort pour les relations entre adultes de même sexe.
Le chapitre sur le Brésil, pays où les meurtres de personnes trans sont les plus nombreux, ne comporte plus aucune référence aux violences visant cette population. En Hongrie, les discriminations contre les Roms ou l’interdiction des événements LGBTQ+ sont passées sous silence.
Une rupture avec la décennie précédente
L’intégration systématique des droits LGBTQ+ dans ces rapports ne date que de 2011, sous la présidence Obama, lorsque la secrétaire d’État Hillary Clinton avait imposé leur prise en compte. Depuis, ces données avaient permis à de nombreuses personnes menacées d’obtenir l’asile.
Une politisation assumée
Plusieurs anciens hauts responsables du département d’État, ayant servi sous Obama et Biden, estiment que cette révision s’inscrit dans une stratégie politique : réduire la portée des droits humains pour privilégier les intérêts diplomatiques et économiques immédiats de Washington.
« Ce qui devrait être une évaluation objective est devenu un outil politique », dénonce Scott Busby, ex-sous-secrétaire adjoint à la démocratie et aux droits humains.
Des répercussions mondiales
Ces rapports ne sont pas de simples publications symboliques : ils servent de base dans des procédures d’asile en Europe, y compris en France, et influencent la politique étrangère de nombreux pays. Leur affaiblissement fragilise également les outils de protection à l’échelle internationale.
Le Canada ou le Royaume-Uni s’appuient eux aussi sur ces données. Leur suppression risque d’exposer davantage les minorités aux persécutions.
Pour Jessica Stern, ce virage envoie un signal inquiétant :
« Les personnes LGBTQ+ ne disparaissent pas parce qu’on les efface des pages. Mais leur souffrance, elle, risque désormais de rester invisible, et donc impunie. »
- SOURCE STOP HOMOPHOBIE