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 d’ADHEOS

Faire absolument moins bien que les autres : une exception française ?
 
En juin dernier, le Danemark a voté sans problèmes une loi permettant aux personnes transgenres de disposer sur simple demande de papiers d’identité conformes à leur identité de genre. Uniquement sur déclaration fondée sur un sentiment d’appartenance à l’autre sexe, leur état civil peut ainsi être modifié. Après ce premier pays européen à s’inscrire dans la voix du changement d’état civil libre et gratuit, il nous paraissait logique que la France, se revendiquant pays des droits de l’Homme, lui emboite le pas en faisant aussi bien, voire mieux que ce Royaume. En prenant exemple sur la loi argentine…
 
Ou comment éviter de parler de l’identité de genre…
 
Un groupe de travail de l’Assemblée nationale composé d’élus socialistes travaille depuis plusieurs mois sur la rédaction d’une proposition de loi fixant les nouvelles conditions de changement d’état civil des personnes transgenres. L’Etat français soumet toujours cette population à l’obligation de fournir aux tribunaux des preuves de stérilisation et des certificats psychiatriques attestant d’un pseudo « transsexualisme » pour obtenir un changement d’état civil.
 
L’Association nationale transgenre avait, à de multiples reprises, demandé à être reçue par le PS afin de faire bénéficier ces parlementaires de son expérience et de son expertise. Peine perdue. Mais quelle ne fut pas notre surprise lorsque ce projet de loi nous a été transmis ! On y parlait d’identité sexuelle, de souffrances psychologiques, de documents médicaux, mais aussi de Procureur de la République, et de doute sérieux sur la réalité de la transition ! Pas une seule fois les mots « identité de genre » ne sont utilisés, sciemment. Le Danemark a fait un grand pas en avant, mais en France, on reste figé au siècle dernier.
 
Judiciarisation et médicalisation teintées de rose et bleu pour les personnes transgenres !
 
À lire la PPL du PS, on cherche encore où sont les avancées ! La démarche commencerait par le dépôt, par la personne concernée, d’une demande au Procureur de la République, qui sera seul à décider, au vu de documents fournis, si la personne sera habilitée à obtenir son changement d’état civil, ou renvoyée devant le Tribunal de Grande Instance ! Le fait du prince… sur dossier.
 
Les documents sur lesquels s’appuierait le Procureur seraient « au choix » : des témoignages attestant d’un
« comportement social adapté au sexe revendiqué » (nous apprécierions de savoir quels seraient les bons critères comportementaux exigés par le Procureur !), des attestations prouvant que la personne a engagé ou achevé un parcours médical (Lequel ? Jusqu’où ?), des décisions judiciaires attestant de discriminations, de documents administratifs ou commerciaux.
 
Ainsi, pour être certaine d’avoir son changement d’état civil, la personne transgenre devrait fournir des témoignages prouvant qu’elle se conforme à des modèles masculins et féminins stéréotypés, plus ou moins sexistes et totalement subjectifs (style et couleur des vêtements, maquillage, longueur de cheveux, type d’activité professionnelle, hobby, etc.), qu’elle donne des certificats attestant d’un parcours médical (bienvenue à la psychiatrisation !), qu’elle soit de préférence victime de discriminations et de violences attestées par un jugement (encore un petit tour devant les tribunaux !), et enfin qu’elle ait effectué un changement de prénom en espérant que ce même Procureur de la République le lui permette. Sans oublier la fourniture d’attestations médicales prouvant son adaptation à l’apparence physique du sexe revendiqué, et la stérilisation de préférence (pour devancer l’interprétation du Procureur, on ne sait jamais !).
 
Comme on le voit, la rédaction de ce projet laisse la porte ouverte à tout et n’importe quoi, fragilisant encore les personnes transgenres prisonnières de critères laissés à la libre interprétation de chaque Procureur de la République. En attendant, rien ne les protègerait dans la loi, pas même le critère de l’identité de genre pourtant adapté à leur situation et grand absent de ce projet.
 
Au final, contrairement à ce qui figure dans l’exposé des motifs, les textes internationaux comme « Les Principes de Jogjakarta » ou la Résolution 1728 (2010) du Conseil de l’Europe ne sont absolument pas respectés. On est loin de la loi votée par les parlementaires danois dont le seul point commun avec le projet français est… l’oubli manifeste d’y inclure les mineures transgenres, discrimination fondée sur l’âge de la personne, et donc totalement interdite par l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales !
 
Nous réclamons toujours l’ouverture d’un dialogue avec les élus PS, et nous sommes prêts à les aider à rebâtir un vrai projet de loi !
 
L’ANT réitère aux élus en charge de la rédaction de ce projet, que nous espérons n’être qu’un brouillon, sa demande d’être impliquée dans l’écriture d’une bonne loi sur le changement d’état civil. Mesdames et Messieurs les député-e-s Pascale CROZON, Erwann BINET, Michèle DELAUNAY ainsi que les membres du groupe socialiste, républicain et citoyens qui le signeront, seule une loi mettant en avant un changement d’état civil libre et gratuit auprès d’un officier d’état civil, une loi ambitieuse et républicaine, serait en mesure, sur ce dossier, de redorer le blason du « pays des droits de l’homme ». Nous voulons encore y croire !
 
  •  Pour l’Association Nationale Transgenre, Delphine Ravisé-Giard  Porte-parole