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 d’ADHEOS

Ibrahim, cofondateur de l’initiative Solidarity with Egypt LGBTQ, revient sur la condamnation d’une quinzaine d’homosexuels présumés au Caire en novembre…
Fin novembre, seize hommes ont été condamnés au Caire pour « incitation à la débauche » et « relations sexuelles anormales » à trois ans d’emprisonnement. Un total de 48 ans de prison pour punir une homosexualité officiellement légale en Egypte. C’est la pire répression policière contre la communauté LGBT depuis 2001, lorsque la police égyptienne avait arrêté 52 personnes en une seule nuit, dans un night club flottant sur le Nil. Ibrahim, cofondateur de l’initiative Solidarity with Egypt LGBTQ, tire une analyse plus large.
 
 
 
TÊTU : Assiste-t-on à une escalade de violences de la part des autorités égyptiennes contre les personnes LGBT ?
 
Solidarity with Egypt LGBTQ : Par provocation, le régime militaire égyptien réprime tous les aspects des droits humains. Les droits LGBT sont l’un de ces aspects.
 
Il semble que le concert de Mashrou’Leila, pendant lequel un drapeau a été agité, soit l’élément déclencheur de ces arrestations par dizaines (plus de 70 depuis septembre, ndlr). Comment expliquez-vous cette répression ?
 
Depuis la révolution de 2011, toute forme de publicité effraie les systèmes dirigeants en Egypte. Ils savent que la publicité peut conduire à l’acceptation de certains sujets qui sont ici considérés comme tabous. Or casser ces tabous, c’est retirer à ces systèmes leur capacité de contrôle – qu’ils exercent grâce à la structure de pouvoir en place dans la société. Ce qui est arrivé au concert de Mashrou’Leila, c’était une mise au défi exceptionnel de cette structure. C’est pourquoi le retour de flamme est si fort.
 
À l’issue de ces arrestations, seize personnes ont été condamnées à trois ans de prison chacune. Ce type de condamnation est-il commun ?
 
Tout à fait. Selon nos informations sur les affaires similaires qui se sont déroulées au cours de ces trois dernières années, les victimes LGBT font généralement face à des accusations multiples qui vont de la promotion de la débauche à sa pratique, en passant par la perturbation des mœurs publiques. D’habitude, chaque accusation peut entraîner des condamnations allant de une à trois années. Alors si on les combine toutes, on peut arriver à des peines bien plus sévères, comme ce fut le cas dans une affaire antérieure, où deux personnes ont écopé de 12 ans de prison et quatre autres ont été condamnées à des peines allant de 4 à 8 ans de prison.
 
Les seize hommes condamnés fin novembre ont été libérés sous caution (5 000 livres égyptiennes soit environ 240€, ndlr) et vont faire appel de la condamnation. Ont-il leur chance en deuxième instance ?
 
En général oui, mais tout va dépendre de « l’humeur » du juge et de son professionnalisme. La plupart des affaires devraient être rejetées en première instance car dans la majorité des cas, les preuves qui ont conduit au jugement sont factices et illégales.
 
Certains médias parlent d’une « purge ». Trouvez-vous cette définition adéquate pour qualifier la situation actuelle ?
 
Je dirais qu’on a plutôt affaire à une propagande qui cherche à gagner en notoriété et qui détourne le regard de la véritable crise que traverse notre pays. À côté de ça, le système cherche le moyen de contrôle plus encore la population en n’accordant plus le moindre espace à une quelconque sorte de liberté sociale ou privée.
 
Vous publiez régulièrement des nouvelles de Sarah Hijazi, arrêtée le 2 octobre 2017 après « l’affaire du drapeau », et qui pourrait être la première femme condamnée en Egypte dans ce type de procès. Que risque-t-elle ?
 
Sarah Hijazi est toujours en détention. Ahmad Alaa et elle on été arrêtés pour leur activisme et c’est la toute première affaire du genre. Ils sont accusés d’avoir « prétendument rejoint un groupe interdit visant à interférer avec la constitution » et ils sont retenus dans des conditions cruelles. Ils ont tous les deux été maltraités à plusieurs reprises par le personnel pénitentiaire et par les autres détenus. Et nous sommes encore plus inquiets pour leur sort sachant que ni la police ni le procureur n’ont exprimé leur volonté d’assurer leur protection. Cela fait partie de la torture et de l’humiliation systématique que le régime égyptien exerce contre les activistes politiques et les militants des droits humains. (…)