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 d’ADHEOS

Des couples d’hommes dansant sensuellement ont bousculé la tradition au Mondial de tango de Buenos Aires, un univers plutôt macho et conservateur renvoyé à ses origines.
 
Pour la première fois de l’histoire de cette compétition phare, où se pressent les meilleurs danseurs du monde, trois couples d’hommes et un de femmes, briguent le titre le plus prestigieux de la planète tango.
 
Les spectateurs avisés de la 11e édition du Mondial ont ovationné Juan Pablo Ramirez et Daniel Arroyo, alors qu’un classique des années 1940 résonne dans l’immense Centre municipal des expositions.
 
Né dans les bordels de Buenos Aires à la fin du 19e siècle, le tango était dansé à cet époque entre messieurs soucieux de s’aguerrir avant de danser avec les prostituées. D’abord méprisé, considéré comme une danse des bas quartiers, ce n’est qu’à la fin des années 1910 que le tango gagne en respectabilité en Argentine.
 
«Il y a une culture machiste. Mais des personnes âgées apprécient. Nous ne sommes pas dans la transgression, la société n’est pas prête. Le changement se fait lentement», estime Daniel Arroyo, 18 ans, sous le regard bienveillant de son partenaire depuis six mois, Juan Pablo Ramirez, un danseur professionnel de 34 ans.
 
«Nous respectons les codes et nous fréquentons les milongas (les salons traditionnels où on danse le tango, ndlr) sans les mouvements de jambes entre-mêlées. Notre but (c’est qu’on oublie que nous sommes un couple d’hommes) et qu’on nous dise: +quel talent!+».
 
Les deux hommes ont vécu en couple mais leur séparation sentimentale n’a pas mis en péril le duo de danseurs. Pas de postures lascives ni de jambes entre-mêlées, pour ne pas heurter les sensibilités, les deux hommes dansent sobrement.
 
«Une liberté»
 
Dans une Argentine où le mariage gay a été légalisé en 2010, des milongas gays ont vu le jour à Buenos Aires. Aussi, le directeur du Mondial de tango Gustavo Mozzi, également compositeur et musicien, s’attendait à voir des couples d’hommes pointer le bout de leurs souliers, car aucune règle ne les a jamais empêchés d’y participer.
 
«Cela signifie qu’il y a une ouverture dans le circuit tango, remarque-t-il. De nouvelles générations prennent leur place; évolution, changement, vitalité».
 
Si les couples d’hommes participant au Mondial appartiennent à la communauté homosexuelle, ce n’est pas le cas de Marlene Heyman, vendeuse de chaussures de danse de 31 ans, et Lucia Christe, professeur de violon de 32 ans. Elles se sont mises à danser ensemble, faute de prétendants.
 
«Personne ne nous invitait à danser. Pour ne pas rester assises à boire du vin, on s’est dit: +on va s’amuser, et passer un bon moment+. On a commencé comme cela et la passion nous a gagnées», relate Marlene Heyman.
 
On leur renvoie des «que vous êtes courageuses», de «bonnes vibrations». «Le regard des autres nous importe peu», assure Lucia Christie.
 
Les deux femmes sont vêtues à l’identique de pantalons noirs et de chemisettes à manches courtes dans des tons pastel.
 
Marcelo Siufe, un infirmier de 41 ans, enfile ses chaussures à talon, indice traduisant qu’il sera conduit par son partenaire. «La danse n’a pas de sexe. Autrefois, (le tango) se dansait entre hommes. Je peux danser avec ma sœur ou ma mère. Le tango est passion et fantaisie», dit-il avant de monter sur scène.
 
Le tango, inscrit en 2009 au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco, «est sentimental, amoureux, dramatique, c’est un art, une liberté», résume Juan Pablo Ramirez.