NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

En France, des milliers de femmes n’ont pas droit à la PMA. Pour avoir un bébé, elles empruntent des parcours illégaux, quitte à se retrouver dans des situations compliquées.
 
Fin juin, le comité d’éthique rendait un avis favorable pour l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires. "Après quatre années de réflexion et un engagement de la part d’Emmanuel Macron, nous considérons que cet avis clôt la phase de réflexion et qu’il existe désormais un consensus et une attente de la société", avait alors expliqué Claire Guiraud, secrétaire générale du Haut Conseil à l’Egalité. Et d’encourager désormais "à passer à l’action et donc à la phase législative".
 
Mais depuis, plus rien. Dans l’attente d’une loi sur la PMA pour toutes, des milliers de femmes ne répondant pas aux critères français choisissent des voies parallèles. Insémination à l’étranger, méthode artisanale ou fraude à la sécurité sociale… Selon leur âge ou leur situation, leurs parcours pour enfanter diffèrent. Et ce n’est pas sans conséquences sur leur vie ou leur porte-monnaie.
 
Recours à l’insémination artisanale
 
L’argent est en effet une question centrale lorsque l’on touche à la PMA. Camille* en sait quelque chose. A 28 ans, la jeune femme a décidé de faire un bébé toute seule, mais n’a pas les moyens d’avoir recours à l’insémination artificielle avec don de sperme à l’étranger. Elle opte donc pour une insémination artisanale avec dons de sperme dits "sauvages". Une pratique non médicalisée, très risquée quand on n’est pas en mesure de vérifier l’état de santé du donneur.
 
Elle convient d’un arrangement avec Pierre*, un trentenaire qui vit à quelques kilomètres de chez elle. Rencontré sur un forum spécialisé, il accepte de lui donner son sperme sans faire partie de la vie de l’enfant et sans contrepartie financière. Chez lui, il lui présente ses résultats d’analyses médicales et lui donne un bocal de sperme. Elle s’insémine avec une seringue et tombe enceinte. Mais le donneur change finalement d’avis, la harcèle et reconnaît l’enfant de manière anticipée, dans le dos de Camille. "J’ai changé de numéro de téléphone et demandé la mise en place d’un protocole pour accoucher anonymement."
 
Son fils vient au monde, mais, conformément à la loi, il porte le nom de son géniteur, qui a entre-temps trouvé l’hôpital où elle se cachait. Confinée dans la maternité, Camille trouve finalement refuge chez ses parents puis s’installe avec son nouveau compagnon. "Mon fils et moi vivons très bien et je suis heureuse, même si je crains qu’il n’use de son statut légal de père pour récupérer mon fils à la crèche ou à l’école."
 
Congeler ses ovocytes en Espagne, pour plus tard
 
Contrairement à Camille, Anne a préféré attendre le bon partenaire avec qui vivre l’aventure de la parentalité. Mais à 35 ans, l’occasion ne s’est pas encore présentée. Elle a donc décidé de faire congeler ses ovocytes avant que leur qualité ne baisse. La procédure étant interdite en France -malgré l’avis favorable de l’Académie de médecine-, Anne s’est rendue dans une clinique privée de Barcelone pour procéder à la vitrification de ses ovules, en vue d’une possible insémination artificielle, à l’avenir. Une façon pour elle d’avoir "la garantie de préserver une continuité génétique sans passer par un don d’ovocytes" dont le fonds est en constante pénurie. "Les couples demandeurs doivent parfois attendre des années," explique la jeune femme.
 
L’intervention est simple, mais elle a un coût: 2200 euros, auxquels s’ajoute le prix important des médicaments pour stimuler l’activité ovarienne. Pour l’aider, sa gynécologue les lui a prescrits en France afin qu’elle soit partiellement remboursée. "J’ai économisé environ 800 euros, même si je ne suis pas fière d’avoir triché avec la couverture sociale."
 
Tous les soignants ne sont pas complices
 
Lorsqu’elles se sont lancées dans l’aventure, Cindy et son épouse n’ont pas rencontré une soignante aussi compréhensive. "Ma gynécologue craignait d’être pénalisée [le texte de loi a été abrogé depuis]. Nous nous sommes donc rapprochées de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) pour trouver quelqu’un qui accepterait de me suivre en France." D’autres parents lui donnent les coordonnées d’un médecin qui la prend alors en charge, ainsi que d’une clinique privée de Gérone, en Espagne, où sont faites les inséminations artificielles grâce à un don de sperme anonyme. "Nous avions un désir d’enfant depuis quatre ans. Ça a fonctionné au deuxième essai."
 
Neuf mois plus tard, leur fils vient au monde. Mais le plus compliqué reste à venir. "Même si nous sommes mariées, ma femme doit adopter son fils pour être reconnue comme représentante légale, ce qui prend une année à Montpellier où nous vivons." Tout un parcours que le couple juge illogique. "Dans plusieurs pays voisins, la PMA se fait ‘à domicile’ sans que cela ne pose de problème. Pourquoi n’est-ce pas le cas en France?"
 
Déboutée après des examens préliminaires
 
Royaume-Uni, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Espagne. En refusant la PMA aux couples homosexuels et aux femmes célibataires, la France fait figure d’exception au milieu de ces pays européens. "Quasiment tous les jours, et parfois plusieurs fois dans la journée, je suis obligé de dire à des patientes qu’elles doivent aller à l’étranger pour leur projet d’enfant car c’est impossible en France," explique le professeur Jean-Marie Antoine, gynécologue dans le service de médecine de la reproduction à l’hôpital Tenon à Paris.
 
Une suggestion faite y compris aux femmes qui entrent dans le cadre de la loi française, mais dont les chances de tomber enceinte sont moindres.
 
Le remboursement différencié, "une discrimination"
 
La PMA à l’étranger représente un tout autre budget. Pour chacune de ses inséminations, Cindy a déboursé 980 euros, alors qu’en France, la procédure est intégralement remboursée. Ce régime ne devrait cependant pas s’appliquer de la même façon, selon les situations, si la "PMA pour toutes" vient à être votée. En effet, les rapporteurs du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ont d’ores et déjà annoncé qu’ils envisageraient une "prise en charge différenciée" établie "en fonction des revenus".

"La PMA pour les couples homos doit être la même que pour les couples hétéros," tonne Joël Deumier, président de SOS Homophobie, auprès de L’Express. "Un remboursement différent selon la nature du couple serait une discrimination injustifiée sur la base de l’orientation sexuelle." Cindy s’en indigne également: "L’égalité doit être complète, tant pour la PMA que pour sa prise en charge," indique la jeune maman. "Si le remboursement différencié est réellement mis en place, alors l’injustice persiste."