Sur les 24 concerts prévus pour la tournée du groupe de rap, 16 sont déjà annulés. Un quasi-consensus contre le groupe, qui commence à infléchir son discours, en présentant des excuses…
Conférence de presse surréaliste, hier à Nantes. Les membres de Sexion d’Assaut, de retour du Zénith à Paris (lire article), échouaient là en route sur le chemin vers Caen, pour un concert qui n’aura jamais lieu puisqu’il avait été annulé quelques jours plus tôt. Mais c’est aussi une ville où une option à été prise pour un concert l’an prochain au Zénith local, une salle bien plus importante que celle qui avait refusé leur présence…
En première ligne donc, Lefa, celui-là même qui avait asséné le «on est 100% homophobes et on assume» et «l’homosexualité est une déviance qui n’est pas tolérable» lors d’une interview. Il semble, pour la première fois, faire une sorte d’amende honorable: «Les associations qui luttent contre l’homophobie que nous avons rencontrées nous ont bien expliqué: (…) il y a des homos qui se font tabasser, défigurer, tuer; c’est quelque chose de très grave.» Il assure: «Ce n’est pas une démarche pour sauver les concerts. Qu’il y ait des annulations, on le comprend.» Mais il maintient: «Ce que je voulais dire (en disant que j’étais «homophobe»), c’est que nous étions 100% hétéros»…
«On regrette»
Pour la première fois à cette occasion, Lefa s’exprimait sur les incitations à la haine homophobe chantées dans le passé: «Ce sont des textes écrits il y a plus de six ans, on était jeunes et on disait beaucoup de conneries. (…) On a grandi, on a mûri et on regrette.»
Sauf que la chanson Cessez le feu, dans laquelle Maska rappait «Lointaine est l’époque où les homos se maquaient en scred. Toutes ces pratiques ne sont pas saines. La mort ne sera qu’une passerelle» est toujours commercialisée, dans l’album Ecrasement de tête qui date de… 2009.
«Ils continuent de se moquer du monde!»
D’ailleurs, ces nouvelles déclarations ne convainquent guère les directeurs de salles et les municipalités, qui ont continué, après ces déclarations, à annoncer de nouvelles annulations (à ce jour, les dates à Caen, Tours, Le Mans, Guipavas près de Brest, Rennes, Angers, Nantes, Saint-Etienne, Angoulême, Strasbourg, Montpellier, Marseille, Clermont, Lyon, Nancy et Lille sont annulées). «Ils continuent de se moquer du monde!» lâche François Delauney, codirecteur artistique du Chabada, à Angers, après avoir vu la vidéo. «On ne sent aucune sincérité, ils continuent d’associer “homophobie” et “hétérosexualité”!»
Et même si certains gays, comme le militant Alexandre Marcel, ont envie de dire «J’excuse Sexion d’Assaut», et que le directeur du Ramier, à Toulouse, assume d’avoir simplement loué la salle, les responsables qui ont annulé disent n’avoir «aucun regret». «Je suis contre la censure, mais quand j’ai découvert les frasques de ces nazes, je n’ai pu que faire ce choix» explique Paul Morizeau, directeur artistique d’une salle près de Nantes, qui avait lui aussi simplement loué la salle et qui a pourtant fait le choix d’annuler hier son invitation. «Vu le contexte tendu, des spectateurs auraient pu se battre devant nos portes. Il y avait donc un vrai risque pour la sécurité du public.»
«Pas un échec»
Un public très jeune, d’environ 13 ou 14 ans, estime Olivier Colin, directeur du Fil à Saint-Etienne, qui estime que sa décision d’annuler a suscité chez eux des réactions intéressantes. «Ce n’est pas un échec si cela permet de déclencher quelque chose», dit-il. Mais, pour sa part, le porte-parole de la Fédération LGBT, Stéphane Corbin, veut que la décision d’interrompre les concerts viennent des tourneurs eux-mêmes: «S’ils veulent vraiment être cohérents, au vu de l’émotion suscitée, il faut qu’ils mettent la tournée en stand-by, et qu’ils travaillent avec nous sur du durable, comme la signature d’une charte contre l’homophobie.»