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 d’ADHEOS

La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) a publié un rapport dénonçant les atteintes envers la communauté LGBTI au Cameroun.
Le Cameroun, État d’Afrique de l’Ouest peuplé de 20 millions d’habitant.e.s et présidé par Paul Biya, est l’un des 38 États africains disposant d’une législation criminalisant l’homosexualité et ce depuis 1972. L’article 347 bis du Code Pénal punit d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans «toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe».
La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) a publié le 25 février 2015 un rapport intitulé Cameroun: Les défenseurs des droits LGBTI confrontés à l’homophobie et la violence, dans lequel elle dénonce les intimidations, persécutions, menaces de mort et meurtres auxquels sont confronté.e.s les militant.e.s LGBTI camerounais.es. La mission s’est déroulée du 6 au 16 janvier 2014 et s’appuie sur de nombreux témoignages des autorités camerounaises, des défenseurs et défenseuses des droits LGBTI, mais aussi des ambassades étrangères sur place et des médias locaux.
Le rapport montre que les atteintes aux droits des défenseurs des personnes LGBTI se sont multipliées ces dernières années, et ce dans l’indifférence voire avec le soutien des autorités administratives, policières et judiciaires. Parmi les exemples emblématiques, ceux d’Éric Lembembe et Benoît Kédé.
En juillet 2013, Éric Lembembe, journaliste et militant des droits homosexuels, est retrouvé mort à son domicile de Yaoundé. «Il avait le cou et les pieds brisés, ses mains et ses pieds avaient été brûlés avec un fer à repasser et son domicile saccagé», ont décrit des témoins. Éric Lembembe dirigeait l’association Camfaids (Camerounian fondation for AIDS) et était devenu en quelques mois l’un des militants LGBT les plus en vue au Cameroun. L’enquête stagne et aucun suspect n’a été identifié à ce jour.
Benoît Kédé, militant pour les droits des LGBT au Cameroun, a quant à lui été arrêté en mai 2013 dans le sud du pays après avoir reçu deux SMS de la part d’un homme. Le rendez-vous qui lui était fixé était en réalité un guet-apens. Il s’est retrouvé en détention provisoire avant d’être condamné à un an de prison avec sursis. Son délit? «Tentative d’homosexualité».
Le pays serait le détenteur du record du plus haut taux d’arrestation de personnes LGBTI au monde, selon l’association Alternatives Cameroun citée par le rapport. Et pas question de compter sur la justice pour se défendre. Sur les 2500 avocat.e.s que compte le Barreau du Cameroun, seul.e.s 4 ou 5 acceptent d’assurer la défense de justiciables poursuivis sur le fondement de l’article 347 bis du Code pénal. Les militant.e.s ne sont pas les seul.e.s visé.e.s par les actes homophobes. Alice Nkom, lauréate du prix Amnesty International des droits de l’Homme en 2013 et connue pour être «l’avocate des gays», reçoit régulièrement des insultes et des menaces de mort, de même que Michel Togué par exemple.
UNE SOCIÉTÉ HOMOPHOBE
Le rapport indique également que les médias locaux ne font qu’aggraver la situation et concourent à l’augmentation des agressions. En 2006, trois journaux ont publié un «Top 50» des personnalités camerounaises (leaders politiques, chefs d’entreprise et artistes) présumées homosexuelles. Aujourd’hui encore, on peut lire dans la presse camerounaise des articles présentant les relations homosexuelles comme une déviance issue du monde occidental, ou assimilant l’homosexualité à la sorcellerie, à une maladie, à la pédophilie et au viol, voire à une dérive sectaire ou franc-maçonnique. Alex Gustave Azebaze, ancien président et conseiller honoraire du Syndicat national des journalistes du Cameroun, dénonce ainsi le manque de formation des journalistes camerounais.es ainsi que la recherche du sensationnel dans le but d’augmenter les ventes.
Les églises camerounaises relayent également les propos homophobes et attisent «la chasse aux personnes homosexuelles», selon la FIDH. Simon-Victor Tonyé Bakot, l’ancien archevêque de Yaoundé, s’est illustré par plusieurs déclarations clairement homophobes. «Les homosexuels, du fait des hautes fonctions qu’ils occupent au sein de notre administration, sont responsables de la misère des camerounais et du chômage de nos diplômés», avait-il notamment soutenu lors d’une messe en 2005.
LES ASSOCIATIONS DANS LE VISEUR
Les organisations travaillant avec la communauté LGBTI reçoivent régulièrement des menaces, souvent mises à exécution. En juin 2013, le siège de l’association Alternatives Cameroun qui milite pour la défense des droits de l’homme et propose des dépistages du VIH gratuits, a été incendié. Les locaux du Réseau de défenseurs des droits humains en Afrique centrale (coalition de huit pays du continent établie à Douala) a quant à lui été attaqué par des individus non identifiés.
Le co-fondateur de l’association Camfaids, s’est exilé en France il y a deux ans. Il s’interroge.
«Aujourd’hui, au Cameroun, l’homosexuel est traité comme l’était un noir en Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Va-t-il être pourchassé et anéanti comme un juif pendant la Shoah?»
UNE INSÉCURITÉ CONSTANTE
La FIDH conclut son rapport par un constat: «la pénalisation de l’homosexualité et l’homophobie attisée par les déclarations de représentants des autorités politiques, religieuses et les médias, placent les défenseurs des droits des personnes LGBTI dans une insécurité légale et physique constante».
L’organisation émet quelques recommandations comme l’abrogation de l’article 347 bis du Code Pénal criminalisant l’homosexualité. Elle appelle également les autorités camerounaises à «tenir un discours public sur l’homosexualité fondé sur la non-discrimination, la non-violence et la liberté d’association et d’expression» ainsi qu’à «assurer un accès à la justice égalitaire».