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 d’ADHEOS

Le premier ministre britannique a conclu en avril un accord avec le Rwanda pour envoyer dans ce pays d’Afrique de l’Est les migrants en attente d’un statut de réfugié.

« Tuez-moi ou condamnez-moi à mort au lieu de m’envoyer au Rwanda. » Demandeur d’asile ayant fui l’Irak où il était persécuté car homosexuel, Hadi a traversé l’Europe pour rejoindre le Royaume-Uni. Il craint désormais d’être expulsé vers le Rwanda. Dans le cadre d’une nouvelle loi controversée, le Royaume-Uni prévoit d’envoyer à partir de mi-juin des demandeurs d’asile arrivés illégalement sur le sol britannique au Rwanda, pays d’Afrique de l’Est situé à 6 000 kilomètres de Londres.

Assis dans un parc du « Gay village » de Manchester, en plein cœur de la ville du nord de l’Angleterre, Hadi – le nom a été changé à sa demande – raconte fébrilement son parcours, celui d’un homosexuel en Irak ayant fui tentatives de viol et persécutions dans son pays.

n Irak, on a « tenté de me violer », témoigne en arabe le jeune homme d’une vingtaine d’années, les cicatrices de son agression toujours visibles sur sa peau. « J’ai été frappé au bras et au dos et j’ai perdu connaissance à cause de la douleur. » Alors, quand il apprend que le Royaume-Uni, où il a demandé l’asile en janvier 2022 après avoir traversé l’Europe d’est en ouest, veut envoyer au Rwanda des migrants, Hadi craint de revivre ses pires cauchemars.

Le projet britannique vise à dissuader les traversées clandestines de la Manche, qui ne cessent d’augmenter malgré les promesses du gouvernement conservateur depuis le Brexit. Il suscite de vives critiques des groupes de défense des droits humains, de personnalités de l’opposition dans les deux pays et même des Nations unies. Un premier vol est censé décoller mardi mais des associations ont déposé un recours devant la justice.

« Nous avons souffert et échappé à la mort, nous avons traversé la mer, tout cela pour être envoyés au Rwanda ? Tuez-moi ou condamnez-moi à mort au lieu de m’envoyer » là-bas, affirme Hadi à l’AFP. « C’est une condamnation à mort pour tous les réfugiés », ajoute-t-il, suppliant le premier ministre Boris Johnson et la ministre de l’intérieur, Priti Patel, à abandonner leur projet.

Suivi impossible

Car si l’homosexualité n’est pas interdite au Rwanda, les personnes LGBTQ + y sont fréquemment victimes de discrimination : licenciées, reniées par leurs proches, privées de soins médicaux ou même passées à tabac.

e Home Office lui-même a admis dans un rapport avoir des « préoccupations » concernant le traitement des personnes LGBTQ + dans le pays d’Afrique de l’Est. « Même dans le rapport du gouvernement, le Rwanda n’est pas un endroit tolérant pour les personnes LGBTQI, alors pourquoi voulez-vous les expulser vers le Rwanda ? Afin qu’elles soient davantage persécutées ? », s’interroge auprès de l’AFP Aderonke Apata, qui a fondé en 2014 l’ONG The African Rainbow Family.

Elle-même ancienne demandeuse d’asile nigériane et lesbienne, elle aide désormais avec son association les migrants LGBT dans leurs démarches et leur intégration dans la société anglaise. Hadi « vit dans la peur à chaque seconde », affirme Mme Apata : « Il pensait que le Royaume-Uni respectait les droits des homosexuels (…) Maintenant qu’il y est, il est soudainement confronté à la perspective d’être expulsé. On parle de gens qui ont été persécutés dans leur pays, qui ont réussi à fuir et à trouver refuge au Royaume-Uni, et maintenant le gouvernement britannique veut les expulser et les envoyer dans des pays homophobes où on ne surveillera pas ce qui se passe pour eux. »

Selon elle, les mécanismes de suivi prévus par la loi et censés être mis en place au Rwanda ne sont pas réalistes. « Ici, au Royaume-Uni, j’ai personnellement subi des attaques homophobes quand j’étais en centre de détention. Rien n’a été fait et c’était ici au Royaume-Uni (…) Maintenant expliquez-moi, si on les envoie au Rwanda, qui va protéger » les demandeurs d’asile ? « Le gouvernement britannique est en train de se débarrasser de ses obligations concernant les conventions qui garantissent les droits des réfugiés », conclut-elle.