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 d’ADHEOS

Rencontre avec Hamed Sinno (photo) le très sexy chanteur gay de Mashrou’ Leila, excellent groupe libanais de rock jazzy. Très engagé, il raconte la situation des homos dans son pays, et chante son amour des garçons.
 
Mashrou’ Leila («projet d’une nuit») est un groupe libanais composé d’étudiants en architecture et en graphisme de l’Université Américaine de Beyrouth. Cinq garçons et une fille. Le chanteur, Hamed Sinno (photo), est ouvertement gay. Il écrit en arabe sur sa vie, ses déceptions amoureuses et les maux des jeunes de sa génération. Un son rock jazzy, des paroles tendres et révoltées, des nappes électro et une voix douce et éraillée font de Mashrou’ Leila un ovni dans le paysage musical arabe. Avant leur concert unique à la Cigale le 3 octobre, le très sexy chanteur du groupe s’est confié à TÊTU.
 
TÊTU: Est-ce facile d’être un chanteur ouvertement gay au Liban?
Hamed Sinno: Je pensais être mieux loti que n’importe quel autre mec ouvertement gay dans les autres pays du Moyen-Orient, mais les choses changent. J’ai le sentiment qu’un jour ou l’autre cela va me retomber dessus. Les agressions verbales dans la rue continuent mais j’y suis habitué, tout comme l’idée que certaines personnes refusent d’écouter notre musique parce que je suis gay. Au Liban, si tes parents savent que tu es gay, ils ne t’en parlent jamais. Si tes cousins sont au courant, ils évitent le sujet. Dans mon cas, les journaux mentionnent mon homosexualité en permanence. Cet été, notre participation au Festival de Baalbeck a été énormément critiquée à cause des paroles des chansons et de mes préférences sexuelles. C’est une forme d’homophobie, non?
 
Comment as-tu réagi après la diffusion du reportage dans l’émission de Joe Maalouf sur Murr TV et les arrestations qui ont suivi au Ciné Plaza à Beyrouth?
En lisant l’information dans le journal, j’étais partagé entre la nausée, la peur et la colère. D’abord, il faut se poser la question de la conscience journalistique. La délation pratiquée par la chaîne en laissant ce reportage passer à l’antenne porte atteinte à la dignité de l’être humain. Ensuite, c’est une violation des droits de l’homme à plusieurs niveaux: au moment du tournage, lors des arrestations et enfin dans la manière pratiquée par la police pour les tests. C’est tout simplement un viol. Voilà pourquoi certaines personnes quittent le Liban.
 
Quels thèmes abordes-tu dans les albums de Mashrou’ Leila?
En règle générale, j’écris sur tout ce qui me passe par la tête et sur ma propre expérience. Au moment du premier album intitulé Mashrou’ Leila, j’avais 20 ans, j’étais à la recherche de mon identité et de mes croyances politiques. J’ai fait mon coming out en chansons. Sur le deuxième album, Al Hal Romancy, c’est plus introspectif sans que cela soit toujours autobiographique. On me reproche souvent la tristesse des chansons; je suis un peu drama queen, je l’avoue! 
 
La chanson Shim El Yasmine est une belle déclaration d’amour à un garçon…
C’est sûrement la chanson la plus honnête. Je raconte l’histoire d’un garçon que je trouvais parfait à l’époque. Pendant des mois, j’ai fait le ménage chez lui, j’ai cuisiné pour lui, je me suis occupé de ses enfants. Je rêvais d’être sa maîtresse de maison. En écoutant la chanson, il m’a trouvé pathétique. Ce n’est pas grave, c’était il y a longtemps.
 
Qui est ce personnage qui parle avec un accent sur la chanson Habibi?
A la sortie de notre premier album, la presse a énormément critiqué mon niveau d’arabe. En effet, j’ai fréquenté un lycée anglophone puis l’Université américaine. J’ai donc un certain accent en arabe mais cela ne me posait pas de problème puisque ma grande source d’inspiration est l’Islandaise Björk qui parle avec un accent très prononcé en anglais. Mon côté drama queen est ressorti, alors j’ai inventé ce personnage un peu über-bourgeois avec un accent terrible qui le rend très séduisant pour son amant.
 
Pourquoi la question du genre est-elle omniprésente dans tes chansons?
Je suis gay et j’aime parler de ce sujet qui me touche. Dans notre groupe, chacun a une partie queer en lui. Même lorsque tu es hétérosexuel, si tu te retrouves face à quelqu’un qui pratique une sexualité disons «alternative», cela t’oblige en quelque sorte à te poser des questions sur la construction de ta propre sexualité. Le genre est un sujet immense et fascinant. Si je pouvais, je n’écrirais que sur le genre!
 
En concert à La Cigale le 3 octobre à 20h00.