A l’heure où l’assassinat d’un militant gay à Yaoundé provoque un tollé mondial, un homosexuel de 23 ans menacé de mort se voit refuser un visa humanitaire pour la Suisse. Un avocat porte l’affaire devant la plus haute instance helvétique.
Le Tribunal administratif fédéral devra statuer sur le cas d’un jeune universitaire actif auprès d’une association de lutte contre le VIH. Cet homme de 23 ans implore la protection de la Suisse – en vain – depuis plus de sept mois. Il est menacé par sa propre famille en raison de son homosexualité. Son avocat genevois, Me Philippe Currat, vient d’adresser une lettre (à lire en pdf) à la conseillère fédérale en charge de la politique migratoire, Simonetta Sommaruga, relève «Le Temps». Il souligne que les autorités helvétiques n’ont pas daigné entendre son client. La demande, déposée en décembre 2012, a été rejetée par l’Ambassade, puis par l’Office fédéral des migrations (ODM) au motif de «l’absence de garantie de retour au pays à la fin du séjour légal». Or, pour Me Currat, ce type de condition ne peut s’appliquer aux visas humanitaires, en principe réservés aux personnes «exposées un danger imminent». C’est manifestement le cas du jeune Camerounais, martèle l’avocat genevois. Il rappelle que son client vit sous la menace «quotidienne, réelle, concrète, pour sa vie et sa sécurité» – il a été battu cette semaine encore par des membres de sa famille, et blessé à l’épaule. L’homosexualité est passible de 5 ans de prison au Cameroun, où les homosexuels peuvent être l’objet de dénonciations, de procédures douteuses, ainsi que de violences qui s’exercent en toute impunité, comme le rappelle tristement le cas d’Eric Lembembe, un militant gay torturé et assassiné à Yaoundé, en fin de semaine dernière.
Compte-gouttes
Dans le cadre de la dernière révision de la Loi sur l’asile, le Gouvernement s’était engagé à renforcer l’octroi de ces visas. Ceci après qu’il est devenu impossible de déposer des demandes d’asile auprès des représentations diplomatiques suisses. Or dans les faits, note «Le Temps», ces sésames ne sont accordés qu’au compte-gouttes: 12 en neuf mois. Dans le cas du jeune militant camerounais, Berne a également justifié son refus par une étonnante distinction. Pour l’ODM, ce n’est pas l’homosexualité en tant que telle qui est réprimée au Cameroun, mais «l’activité sexuelle avérée entre personnes du même sexe». Me Philippe Currat déplore une décision qui témoigne d’une «méconnaissance crasse de la réalité du terrain qui confine à l’arbitraire, et d’une franche homophobie, qui constitue une discrimination contraire à notre Constitution.»
- Source 360 CH