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 d’ADHEOS

Lanah, transgenre, sera sur scène cet après-midi à l’Espace Franquin. Dans un "Manifeste des diversités" qui rassemble une trentaine de personnes. Spectacle-défilé contre les discriminations.
 
Cet après-midi, Lanah le criera sur la scène de l’Espace Franquin: "I want a new skin." Elle veut une nouvelle peau et le Manifeste des diversités, organisé dans le cadre du Forum santé, est là pour la lui donner. Un avant-goût en tout cas. L’occasion pour ceux qui vivent à l’ombre des préjugés de s’exprimer (lire ci-dessous). Même avec une voix un peu bricolée par la machine. "J’ai encore une voix très masculine qui me donne des complexes", avoue Lanah. Un nouveau nom pour celle qui revendique l’appartenance au troisième genre. Ni masculin, ni féminin. Trans. "Parce que dire que je veux être une femme comme les autres ne signifierait pas grand chose", dit cet ancien éducateur auprès de sans-abris et d’enfants manifestant des troubles du comportement.
 
Elle a démarré sa transition il y a un an. Après un divorce et une dépression. Urgence identitaire. "A l’adolescence, j’ai refoulé certains signes, l’envie de me maquiller, le goût du travestissement… ça m’est revenu en pleine figure après mon divorce. Je culpabilisais, j’ai perdu 20 kg en trois mois !" Elle est suivie par un psychiatre, entame un traitement hormonal, androcure, estrevia… Un peu comme un accouchement. "Les six premiers mois sont assez hards, avec des chutes et des montées de tension, des émotions changeantes comme une femme enceinte. Tout bouge en soi et à l’extérieur." Avec une vie affective source d’angoisse.
 
Dans un monde binaire qui se rassure avec des cases, où ranger Lanah ? Homme, femme, hétéro, homo, bi… ? "Je me retrouve à 47 ans comme quelqu’un de vierge pour qui la sexualité est un mystère. Je mets ma vie affective de côté le temps de la transition." Au quotidien, il y a des situations délicates. "Comme dans la salle d’attente de Pôle emploi quand on appelle monsieur…"
 
Lanah a fait refaire sa carte d’identité avec une photo plus récente. Reste son nom masculin, comme une trace indélébile. "En France, le changement d’identité était conditionné par une opération, un changement de sexe. Aujourd’hui, les jugements diffèrent selon les régions, les tribunaux… C’est le flou total."
 
On est encore loin de l’Allemagne qui vient de reconnaître le troisième genre, donnant de fait un statut aux hermaphrodites ou intersexuels. Posant le genre ressenti et vécu comme un droit humain de base. "Je me sens comme à l’époque où Galilée affirmait, seul contre tous, que la terre était ronde", glisse Lanah, qui veut démonter "les fausses évidences".
 
N’empêche, dans la rue, on l’appelle "madame". "Même l’ophtalmo chez qui j’étais arrivé en retard et pas rasée !" Avec ses cheveux longs, son béret et sa jupe en laine, elle passe inaperçue. ça fait un mois seulement qu’elle ose sortir ainsi. "J’étais dans une solitude absolue jusqu’à ce que je rejoigne le collectif l’Egalité Ni+ Ni-, avoue Lanah. J’ai trouvé des gens qui m’acceptaient comme je suis. Ça m’a beaucoup aidée à m’accepter moi-même."
 
Sa famille, comme la plupart de ses amis l’acceptent aussi. Elle a quitté son travail, "parce que le changement de genre aurait été trop déstabilisant pour des enfants déjà perturbés", dit celle qui vient de reprendre un statut de photographe, auteure, compositeure, interprète. Pour se lancer dans l’inconnue cet après-midi au chant et à la guitare électrique… "Un défi, lance Lanah. Je me dis à moi-même: ‘‘Si tu montes sur scène, tu seras vraiment une femme qui a des couilles!’’" On ne naît pas rockeuse, on le devient.
 
Trop ronds, trop moches, trop zarb
 
C’est un vrai spectacle qui est offert au grand public aujourd’hui à 15h à l’Espace Franquin, dans le cadre du Forum Santé, avant des tables de discussions sur les discriminations. Un Manifeste des diversités concocté par une cinquantaine de bénévoles, des associations et organismes rassemblés autour du CIJ. Avec le soutien artistique de Renata Scant et de Gérard Chauvin.
 
Où des anonymes montent sur scène, sur Batard de Stromae ou Grand Corps Malade, reprennent C’est ma vie, d’Adamo. Des «trop ronds, trop mous, trop bêtes, trop moches, trop secs, trop zarb», à l’instar des petits pois qu’une enfant jette rageusement de son assiette dans un petit film percutant.
 
Un spectacle à la tonalité rock, auquel collaborent des ados de Cognac, entre travail d’écriture et marionnettes. Un spectacle avec l’entrée en scène de l’auteur de BD Fabrice Naud, qui invite, en Monsieur Loyal, à «venir voir les invisibles, les transparents» et à changer «notre regard quelques instants». Ils et elles défilent, Clémentine, Jean-Pierre, Fanta, Damien… Sur deux pieds, avec une canne ou en fauteuil roulant. Proclamant «je suis dans la vie, pas dans la déprime» ou «ça roule pour nous».
 
«Manifeste des diversités», aujourd’hui à 15h à l’Espace Franquin. Gratuit. Accueil des enfants de moins de 10 ans de 14h30 à 17h30, à la bibliothèque Saint-Martial.