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 d’ADHEOS

La Haute Cour du Kenya a refusé vendredi d’abroger les lois criminalisant l’homosexualité, douchant ainsi les espoirs de la communauté LGBTQ, qui estime que ces sections du code pénal entretiennent la haine des homosexuels dans un pays où ils sont encore largement stigmatisés.
 
Les plaignants, des associations de défense des droits des homosexuels, espéraient que le Kenya emprunterait la voie choisie par certains pays africains qui ont décriminalisé l’homosexualité, sur un continent où elle reste illégale dans plus de la moitié des États.
 
Mais un panel de trois juges de la Haute Cour en a décidé autrement, axant son jugement principalement sur la culture traditionnelle kényane et la définition de la famille telle que formulée dans la Constitution de 2010, adoptée par référendum.
 
"Nous estimons que les sections contestées (du code pénal) ne sont pas inconstitutionnelles", a déclaré la juge Roselyne Aburili, devant une salle d’audience bondée dans laquelle avaient notamment pris place des couples homosexuels se tenant la main et brandissant des drapeaux arc-en-ciel.
 
Les plaignants demandaient l’invalidation de deux sections du code pénal, datant de la colonisation britannique. L’une prévoit que quiconque a une "connaissance charnelle… contre l’ordre naturel" peut être emprisonné pour 14 ans. Une autre prévoit cinq ans de prison pour les "pratiques indécentes entre hommes".
 
La juge Aburili a considéré que même si les plaignants ne réclamaient pas le droit de se marier avec une personne du même sexe, l’abrogation des lois contestées entraînerait inévitablement la cohabitation de couples homosexuels et "ouvrirait indirectement la porte à des unions entre personnes du même sexe". Elle a estimé que la question de l’homosexualité avait été évoquée au moment de la rédaction de la Constitution et que l’article 45 portant sur la définition de la famille spécifie notamment que "chaque adulte a le droit de se marier avec une personne du sexe opposé".
 
"Le désir des Kényans est reflété dans la Constitution", a-t-elle conclu, alors que l’homosexualité au Kenya est souvent décrite par des politiques comme une pratique importée de l’étranger.
 
Peur pour ma vie
 
A l’issue du jugement, plusieurs couples homosexuels se sont étreints, essuyant quelques larmes. Les plaignants n’ont pas encore indiqué s’ils comptent interjeter appel. "La discrimination (des homosexuels) vient d’être légalisée par une cour de justice", s’est exclamé Alvin Kevin Okello, un des plaignants, auprès de l’AFP.
 
Jordan Zeus, un homosexuel présent au tribunal, a déclaré: "J’ai peur pour ma vie, mais nous ne nous découragerons pas dans la lutte pour nos droits".
 
La Haut-Commissaire de l’ONU pour les droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a immédiatement exprimé sa "déception", soutenant que la criminalisation de l’homosexualité "encourage l’hostilité, voire la violence, contre les LGBT". L’ONG Human Rights Watch a elle regretté que les juges aient "relégué" les homosexuels "au rang de citoyens de seconde classe".
 
De leur côté, les associations opposées à la décriminalisation de l’homosexualité ont affiché leur satisfaction. A l’extérieur du tribunal, une chorale chrétienne a entonné des chansons et brandi une bannière affirmant notamment: "Dieu l’interdit et nous y disons non!". "Le peuple du Kenya est heureux que les tribunaux n’aient pas été manipulés pour tenter d’introduire des lois auxquelles la majorité des Kényans et leurs institutions sont opposés", a déclaré Charles Kanjama, avocat pour le Forum des professionnels kényans chrétiens.
 
Chantage
 
Les condamnations dans le cadre de ces anciennes lois sont rares au Kenya, mais les membres de la communauté LGBTQ sont souvent victimes de chantage, d’expulsions forcées, de licenciements, renvoyés de l’école ou violentés en raison de leur orientation sexuelle. Dans ces cas-là, il leur est impossible d’aller demander justice sans tomber sous le coup de la législation contre l’homosexualité.
 
Après le jugement, l’agence onusienne chargée de coordonner les programmes de lutte contre le sida, Onusida, a déploré que pour des raisons similaires, "la criminalisation empêche les gens d’avoir accès et d’utiliser" les traitements contre cette maladie.
 
Vingt-huit pays sur 49 en Afrique sub-saharienne ont des lois pénalisant les relations homosexuelles, selon Neela Ghoshal, une chercheuse de Human Rights Watch spécialisée dans les droits des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels.
 
La peine de mort est même prévue, selon la loi islamique, en Mauritanie, au Soudan et dans le nord du Nigeria, même si aucune exécution n’a été officiellement enregistrée ces dernières années. L’Angola, le Mozambique et les Seychelles ont abrogé des lois pénalisant l’homosexualité ces dernières années. A contrario, le Tchad et l’Ouganda ont durci leur législation.