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 d’ADHEOS

Ce jeudi, les députés auditionnaient les psychanalystes au sujet du projet de réforme du mariage pour tous et de l’ouverture du droit à l’adoption aux couples de même sexe : l’occasion de découvrir les arguments hallucinants des psys opposés à la réforme. Bruno Roger-Petit, chroniqueur au Plus, revient sur leurs propos.
 
Les psychanalystes ont défilé ce jeudi devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale afin de préciser ce que les uns et les autres pensaient, jugeaient, auguraient de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Autant le dire sans attendre, ce sont les arguments des psychanalystes opposés au projet de loi qui étaient les plus instructifs. (Ces échanges ont été rapportés par le journaliste de "Mediapart", Mathieu Magnaudeix, merci à lui)  
 
Non pas tant sur le plan de la pertinence de l’analyse (si l’on peut dire) que sur le plan de la confirmation que la conservation bourgeoise judéo-chrétienne du mariage n’est pas l’apanage des catholiques intégristes.  
 
La commission a pu ainsi entendre deux psychanalystes particulièrement opposés au projet de mariage pour tous. Christian Flavigny et Pierre Levy-Soussan.  
 
Pierre Levy-Soussan, pedopsychiatre et psychanalyste, a dénoncé "cette loi [qui] attaque le noyau constitutif de l’adoption", ce "projet succinct et simpliste" qui établit une "filiation unisexe, sans sexe, pour tous", "au nom d’une modernité régressive pour les droits de l’enfant". En guise de conclusion, il a décrété que l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe détruirait les liens de filiation établis entre les enfants déjà adoptés. Car, soucieux d’avoir une père et une mère, le fait d’inscrire dans le code civil "un mensonge" – à savoir l’adoption par des couples homosexuels – les déstabiliseraient durablement. "L’adoption repose sur l’appropriation par l’enfant d’une conception crédible de sa naissance", a-t-il proclamé, sous entendant que des couples homosexuels adoptant des enfants nuiraient à l’équilibre psychique.  
 
Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychanalyste, a fustigé pour sa part les "700 études paraît-il" consacrées à l’homoparentalité, car selon lui, "elles ne posent pas le problème de l’enfant", et le projet de mariage pour tous est "porteur de grave déstabilisation de la vie de toutes les familles" dans la mesure où il remet en cause "l’interdit de l’inceste". Dans son élan, Christian Flavigny, profitant de son quart d’heure de gloire, en a même profité pour vanter la sortie de son dernier livre, au titre évocateur : "Je veux papa et maman" (éd. SALVATOR).  
 
"La peur de la contagion"
  
Les arguments de ces deux psys, de plus en plus convoqués à la télévision et dans les radios pour y représenter la troisième branche des opposants au mariage pour tous (aux côtés des branches religieuse et anthropologique) mettent à jour le nouvel élément de langage désormais déployé par TOUS les opposants à cette réforme. 
 
Comme il convient de mobiliser en jouant de la peur de la contagion, les uns et les autres ont centré le débat sur l’adoption en jouant sur deux leviers : les enfants confiés à des couples homosexuels seraient en danger du fait de l’homosexualité de leurs parents et, pire encore, à les entendre, la possibilité d’adopter qui serait accordée à ces couples – innovation introduite dans le code civil – engendrerait des dommages considérables quant à l’équilibre psychique des enfants déjà adoptés.  
 
Une fois de plus, l’évidence s’impose. Les uns et les autres ont beau proclamer que leurs arguments n’ont rien à voir ni à faire avec une intime homophobie, secrètement dissimulée dans les replis de leur conscience, tout ce qu’ils avancent, émettent et tentent de démontrer renvoie à nier toute évolution du droit civil du mariage et de l’adoption en faveur des personnes homosexuelles, parce qu’elles sont homosexuelles.  
 
Prisonniers de cette ontologie argumentaire dont ils ne peuvent se défaire, leur astuce consiste, psychanalystes, religieux ou/et tenants de l’anthropologie, à déplacer le débat sur l’enfant, les droits de l’enfant, l’intérêt de l’enfant, la protection de l’enfant, etc.  
 
Une dialectique monstrueuse  
 
De fait, cette posture homophobe initiale et inavouée se double désormais d’une interrogation induite qui consiste à se demander si l’adoption par des couples homosexuels ne représente pas un danger ou une menace pour des enfants, y compris ceux qui déjà adoptés par des couples hétérosexuels. Cette interrogation est insupportable : y répondre par l’affirmative consiste à accuser du pire les personnes concernées, alors même que rien ne permet de l’établir. Cette dialectique est monstrueuse, et pourtant, elle inonde les antennes.  
 
Le plus cocasse et le plus triste à la fois, est de constater que ceux qui passent en boucle à la télévision, qui noircissent des colonnes et des colonnes afin de multiplier les accusations les plus insensées, les plus infâmes et les plus sordides à l’égard des personnes homosexuelles, sont les premiers à s’indigner que l’on puisse leur mettre leur nez dans leur homophobie, que celle-ci soit parée des atours onctueux de la bienveillance religieuse ou des élucubrations analytiques de psys qui semblent estimer, tel Freud dans les années 1900, que la sodomie est une intolérable perversion.  
 
Ces gens-là, à l’instar de Flavigny ou Levy-Soussan s’estiment autorisés à accuser les futurs couples mariés de même sexe en capacité d’élever des enfants de "briser le tabou de l’inceste" ou de nuire à l’équilibre psychique des enfants déjà adoptés, en modifiant quelques articles du code civil. Mais ils ne supportent pas que l’on qualifie comme il se doit leur délire homophobe. Car comment qualifier la conclusion de Serge Flavigny : "les homosexuels sont des personnes dont la vie affective les met en impasse d’avoir des enfants" ? 
 
Il faut relativiser  
 
Heureusement que d’autres psychanalystes, tels Elisabeth Roudinesco et Serge Hefez, étaient là pour rappeler quelques vérités élémentaires à leurs illuminés confrères. 
 
Le premier a souligné que rapporter les débats sur le mariage pour tous et l’adoption à la question de l’inceste était "indigne". La seconde a rappelé les conditions dans lesquelles Cosette fut adoptée par Jean Valjean, première adoption monoparentale de l’histoire de la littérature, jusque-là encensée par tous, et qui, si l’on écoute aujourd’hui ceux qui décrètent que la famille monoparentale, conduit à l’inceste et à l’apocalypse, est désormais une lecture qui mériterait d’être interdite aux moins de 18 ans. Quant à Susann Heenen-Wolff, psychanalyste belge, elle s’est contentée de rappeler dignement que : "parler d”inceste’ dans ce débat n’est ni plus ni moins que convoquer des stéréotypes homophobes". Ce qui tombe sous le sens.