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 d’ADHEOS

Courriers d’ADHEOS adressés à Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs de l’ex région Poitou-Charentes et ex Limousin,

Objet : Soutien d’ADHEOS à la proposition de loi portant réparation pour les personnes condamnées pour homosexualité, entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982, et demande de co-signature.

 Mesdames Messieurs les Députés et Sénateurs, 

Le sénateur de l’Hérault, Hussein BOURGI, a déposé, samedi 6 août 2022, une proposition de loi portant réparation pour les personnes condamnées pour homosexualité, entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement pendant le régime d’occupation et de collaboration, Philippe Pétain, alors « Chef de l’Etat français », s’inspirant du paragraphe 175 du droit pénal allemand, signait la loi du 6 août 1942 modifiant l’article 334 du code pénal concernant les peines encourues par l’auteur d’incitation à la débauche de corruption d’un mineur de moins de 21 ans. Cette loi instaurait une discrimination entre l’âge de la majorité sexuelle des hétérosexuels (15 ans) et des homosexuels (21 ans), les pénalisant si l’un des partenaires était mineur.

Ces 6 ans de différence de majorité sexuelle allaient permettre en France, la mise en place d’un système répressif policier et judiciaire envers les personnes homosexuelles, ou présumées telles. 40 ans durant, nos aîné-es subiront harcèlement, fichage, contrôles d’identité, rafles, voire de la violence physique, avec pour conséquences, entre autres, perte d’emploi, opprobre sociale et clandestinité [1].

A la Libération, le gouvernement provisoire d’union nationale abrogera les lois du régime de Vichy, à l’exception notable de cette loi du 6 août 1942. Cette pénalisation sera également maintenue malgré l’abaissement de la majorité à 18 ans en 1974.

40 ans après, le 4 août 1982, était promulguée la loi Forni N° 82-683 votée le 4 août 1982, rapportée par Gisèle Halimi et soutenue par Robert Badinter, le Garde des Sceaux. En abrogeant l’alinéa 2 de l’article 331-2 du code pénal, héritage de la loi de Vichy, la France dépénalisait définitivement l’homosexualité en alignant la majorité sexuelle à 15 ans, quel que soit le sexe des partenaires.

Sur la base de la loi précitée de 1942 et des suivantes, on estime qu’au moins 10 000 personnes homosexuelles, hommes et femmes, furent condamnées en France pour délit d’« homosexualité », principalement à des peines de prison. La région Poitou-Charentes n’a pas été épargnée par ces condamnations [1].

80 ans plus tard, c’est l’heure de la réparation et d’une avancée pénale

La proposition de loi mémorielle du sénateur Hussein BOURGI [2] a pour fondement :

  • la reconnaissance de la responsabilité de la France dans les persécutions subies par les personnes LGBT [3] entre 1942 et 1982, découlant de l’application des dispositions – depuis abrogées – des articles 330 et 331 du code pénal,
  • l’introduction dans le droit français d’un délit pénal venant réprimer les propos visant à nier la déportation subie par les personnes LGBT au cours de la Seconde Guerre mondiale, opérée depuis la France,
  • la réparation des personnes – lorsque celles-ci en feront explicitement la demande – ayant fait l’objet d’une condamnation au titre des peines prononcées au nom de la loi de 1942 et suivantes,
  • la constitution d’une commission indépendante visant à évaluer les demandes en réparation.

ADHEOS soutient cette initiative et cette proposition de loi sénatoriale.

Nous venons aujourd’hui vous interroger pour savoir si vous accepterez de co-signer cette proposition de loi mémorielle, de vous engager, avec votre groupe, à lui trouver un avenir parlementaire prochain, et à soutenir ce texte lors de prochains débats dans votre hémicycle ?

La grandeur d’un pays consiste à regarder son passé en prenant de la hauteur et du recul, pour le faire avec lucidité et objectivité. Par votre signature et votre vote, nous rendrons justice aux dernières victimes encore en vie de cette législation scélérate ; ces personnes ont vécu une large part de leur existence avec le poids d’une condamnation dégradante et infamante. En leur accordant justice et réparation, c’est leur identité que nous respecterons et leur dignité que nous restaurerons. Ce faisant, c’est la France que vous grandirez.

Cette proposition de loi ne revêt pas d’aspect polémique et peut rencontrer un très large consensus politique, puisque que les travaux scientifiques des historiens et des sociologues permettent aujourd’hui d’affirmer que la déportation pour homosexualité depuis la France, zone annexée, occupée et libre comprises, a bien été une réalité pendant la Seconde Guerre mondiale, et de retracer les persécutions subies [4].

L’entrée en vigueur de cette loi ne sera pas coûteuse, parce qu’elle intervient malheureusement très tardivement et que nombre de victimes sont aujourd’hui décédées. Reste des figures comme Michel CHOMARAT [5] qui s’est battu publiquement contre cette loi, et a été condamné pour homosexualité à l’occasion du procès dit du Manhattan en 1977.

Le discours de politique générale de la Première ministre Élisabeth BORNE et les engagements pris à cette occasion dans la lutte contre les discriminations LGBT permettent d’espérer et de présager un accueil favorable par l’exécutif, avec votre soutien, de cette initiative et des mesures qu’elle contient.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs, l’assurance de notre respectueuse considération.

FREDERIC HAY 

Président D’ADHEOS

[1] voir en annexe carte parue dans l’ouvrage de Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen, Les sexualités « contre-nature » face à la justice pénale. Une analyse des condamnations pour « homosexualité » en France (1945-1982).

[2] Proposition de loi du sénateur de l’Hérault, Hussein BOURGI, portant réparation pour les personnes condamnées pour homosexualité, entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982.

[3] LGBT : lesbiennes, gays, bi·es, transidentaires.

[4] Arnaud BOULIGNY, Les homosexuel·le·s en France, du bûcher aux camps de la mort, Histoire et mémoire d’une répression, Éditions Tirésias-Michel Reynaud, novembre 2018.
Jean-Luc SCHWAB, La répression de l’homosexualité en France entre 1940 et 1945, Open Edition, 24 décembre 2021, et Recherches dans les archives départementales 04, 06, 31, 32, 34 & 38, statut juillet 2021, publication à venir.
Plainte d’ADHEOS et de cinq autres associations contre Éric ZEMMOUR, du chef de contestation d’un crime contre l’humanité.

[5] Michel CHOMARAT. Têtu – article du 15 juin 2022