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 d’ADHEOS

C’est bien en raison de sa religion qu’une élue marseillaise musulmane a refusé de marier deux femmes, le 16 août, à la mairie des 15e et 16e arrondissements de Marseille, déléguant cette mission à un conseiller d’arrondissement qui n’était en réalité pas habilité à procéder à cet acte d’état civil.
C’est ce qui ressort de l’enquête diligentée par le procureur de Marseille, alors que les deux femmes sont convoquées dans quelques jours par une chambre civile du tribunal de grande instance qui prononcera l’annulation du mariage.
 
A l’époque engagée dans une campagne difficile pour les sénatoriales, la maire (PS) de ces deux arrondissements des quartiers nord, Samia Ghali, avait elle-même alerté, début septembre, les deux mariées et le procureur de l’existence d’une difficulté.
 
« Elle a subi des pressions »
 
Les épouses devront repasser devant le maire. Elles ont, par ailleurs, fait part au Monde, jeudi 30 octobre, de leur intention de citer devant le tribunal correctionnel de Marseille l’élue qui ne les a pas mariées.
 
C’est Sabrina Hout, un agent hospitalier de 38 ans, onzième adjointe et déléguée à la famille, qui devait célébrer l’union. A la dernière minute, Christian Lancien, conseiller d’arrondissement, avait dû se substituer à sa collègue pour unir les deux Marseillaises, sans en avoir l’autorité.
 
« Mme Ghali m’a informé que Mme Hout s’était expliquée en disant qu’elle avait subi des pressions », a rapporté une des deux mariées. Le 12 septembre, recevant le couple, l’élue précisait même que « Mme Hout avait été contrainte par ses frères de ne pas célébrer ce mariage contraire à leur religion ».
 
Cette union était la première de l’après-midi et Sabrina Hout, selon les deux fonctionnaires de service ce samedi, s’était rendue dans une pièce attenante à la salle des mariages pour préparer son remplacement avec M. Lancien. Mme Hout avait auparavant signé les copies de l’acte de mariage et le livret de famille, ce qui constitue l’infraction de faux dans un document administratif.
 
« Elle m’a dit qu’elle était désolée et, parce qu’elle était pratiquante, elle ne se sentait pas de faire un mariage homo par rapport à sa religion qui est l’islam », a expliqué l’une des deux employées municipales. Sa collègue, officier d’état civil, évoque cette même motivation : « Elle est entrée dans la salle des mariages en déclarant qu’elle ne voulait pas faire ce mariage, que c’était contre ses convictions religieuses et qu’elle irait en enfer si elle le faisait. Elle était très excitée, elle tapait des pieds. »
 
« Un simple rappel à la loi, ça ne passe pas »
 
Sabrina Hout s’est défendue de toute discrimination, justifiant son retrait par « des problèmes personnels assez importants ». Elle avait néanmoins assuré les quatre autres mariages de la journée et savait depuis dix jours qu’elle aurait à procéder à l’union de deux femmes. « Je ne suis homophobe. Je suis pratiquante de l’islam et en aucun cas, j’ai fait cela par rapport à ma religion. En prenant ma fonction, je savais que j’allais marier des homosexuels et cela ne posait pas de problème. »
 
Samia Ghali a signé, le 20 octobre, un arrêté de retrait de la délégation à la famille confiée, en avril, à son adjointe. Cette sanction satisfait le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, qui convoquera Mme Hout pour un rappel à la loi afin de « lui rappeler la gravité de ces faits inadmissibles ». Le magistrat estime qu’« elle n’a pas eu l’intention de commettre ces faux. Elle a eu peur de se mettre en porte à faux par rapport à son environnement ».
 
Cette issue « écœure » les deux mariées, âgées d’une cinquantaine d’années, pour lesquelles « un simple rappel à la loi, ça ne passe pas ». « Un élu qui n’a pas son libre arbitre, cela me choque », dit l’une d’elles, regrettant que Mme Hout n’ait pas « fait cela proprement ». « Elle serait venue nous le dire, on aurait trouvé une solution, retardé le mariage d’une heure pour trouver un autre élu. Il ne faut plus que ça arrive. » Pour leur avocate, Me Catherine Martini, « ce qui est dérangeant, c’est qu’au-delà de leur propre préjudice, celui que subit la société ne peut être balayé ainsi ».
 
En réparation, Mme Ghali a proposé de procéder elle-même à la nouvelle union et d’offrir le cocktail aux invités parmi lesquels de nombreux policiers, l’une des mariées étant fonctionnaire de police. En revanche, l’argent du voyage de noces prévu en octobre passera dans les frais de procédure.