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 d’ADHEOS

Le conseiller national valaisan Mathias Reynard fait le point sur la création d’une norme pénale condamnant l’homophobie en Suisse.
Le socialiste Mathias Reynard est, à 27 ans, le benjamin du Parlement fédéral. Cet élu du peuple valaisan, s’y engage, notamment, pour la cause homosexuelle. Récemment, son initiative parlementaire 13.407 «Lutter contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle» a obtenu le soutien de la Commission des affaires juridiques du Conseil national. Le texte, s’il est accepté, permettrait à la Suisse de se doter d’une norme pénale pour lutter contre les propos homophobes. Interview.
 
– Mathias Reynard, quel est votre regard sur la trajectoire de votre initiative parlementaire?
Mathias Reynard – Je pense que l’on se trouve aujourd’hui dans une situation de changement. La décision de la Commission des affaires juridiques du Conseil national a surpris, car il y a déjà eu des propositions similaires déposées durant les législatures précédentes. Elles ont toujours été refusées. On sent aujourd’hui un courant plutôt favorable: la majorité a été nette, mais tout est encore à faire au Conseil des Etats. On dit parfois que la Chambre des cantons est plus conservatrice, mais j’ai fait mes calculs. Je pense que l’initiative a de bonnes chances.. Dans le cas où la Commission des affaires juridiques des Etats donnerait son aval, un projet concret pourrait alors être rédigé et on irait jusqu’à un vote devant les deux Chambres. On devrait être fixés d’ici un mois.
 
– Vous avez su convaincre en commission. La situation sera-t-elle la même devant l’ensemble des députés et des sénateurs?
– En général, quand on obtient une majorité assez claire en commission on s’assure un résultat assez satisfaisant au plénum. Je crois que l’on peut imaginer un résultat positif au Conseil national en tous cas. Cette initiative parlementaire a été signée par des gens d’à-peu-près tous les partis. Il y a notamment beaucoup de libéraux-radicaux romands qui l’ont signée, alors que ce n’est pas forcément le parti qui le soutien en commission. On peut donc espérer un score encore meilleur au plénum. L’incertitude vient plutôt du résultat du Conseil des Etats aujourd’hui.
 
– Pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour cette thématique?
– Il y a plusieurs raisons. Il y a déjà un aspect qui me semble assez fort: le fait que cela vienne d’un élu d’un canton plutôt conservateur comme le Valais. Quand ce sont des parlementaires genevois ou zurichois qui font ce genre de proposition, cela étonne un peu moins. Et pourtant, je pense au contraire que c’est dans des cantons comme le mien où l’on a le plus de boulot à faire dans cette thématique. C’est également quelque chose qui me tient à cœur pour des questions de valeurs. Mon engagement est fondé sur la lutte contre les discriminations et la lutte contre les incitations à la haine. La Suisse s’est construite sur le respect des minorités et j’aimerais bien que cela continue. Et puis, évidemment, au niveau personnel, j’ai aussi dans mon entourage des personnes qui ont eu beaucoup de difficultés à vivre leur homosexualité via leurs familles. Elles vivent très violemment les attaques, le propos incitant à la haine.
 
– Il faut dire qu’en Valais on est plutôt habitué à des Oskar Freysinger, Grégory Logean ou Jörg Meichtry. Que pensez-vous de ces personnages?
– Quand on entend des propos ouvertement homophobes, ouvertement discriminatoires à l’égard des homosexuels, j’ai souvent l’impression que derrière ces paroles se cache le mal-être des personnes qui tiennent ces propos. Et puis au-delà de ça, il y a énormément de souffrance qui est générée. Ces personnages le font en général pour apparaître dans les médias. Pour choquer. Mais ils ne se rendent pas forcement compte du mal qui est fait. Vous savez, en Suisse, un jeune homosexuel sur cinq fait une tentative de suicide. C’est beaucoup plus élevé que chez les jeunes hétérosexuels et cela doit évidemment nous pousser à nous poser des questions. A nous demander pourquoi nous en sommes là; et si nous ne pouvons pas agir là-contre.
 
– Comment expliquer le retard pris sur cette question par la Suisse?
– Je pense qu’il y a beaucoup de tabous, beaucoup de non-dits. En Suisse tout va également plus lentement. Je pense, par ailleurs, que les recommandations qui nous ont été faites lors l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme ont touché des personnalités politiques.
 
– Vous êtes enseignant et membre de la Commission de l’éducation. Pour vous est-ce que l’école doit être un levier pour pouvoir parler plus ouvertement diversité sexuelle?
– Certainement que mon initiative parlementaire ne réglera pas tout. Elle fixe un cadre. Elle donne un signal. Il s’agit de dire: «En Suisse les propos incitant à la haine envers les homosexuels ne sont pas les bienvenus.» Ensuite, il y a tout un travail de prévention à faire. Bien sûr que l’école joue un rôle central. Je me rends compte des souffrances, des douleurs, des non-dits qui existent autour de cette question. Et je crois qu’il y a aussi un vrai travail qui doit être fait par l’école.
 
– Quel est votre position sur le mariage gay et l’adoption?
– Je considère que tous les individus sont égaux et doivent être traités de manière égale. Donc sur le fond, j’y suis favorable. Mais j’entends aussi beaucoup de personnes dans mon entourage qui me disent: «Ce n’est pas forcement quelque chose que l’on veut.» Je crois que l’on doit donner ce droit. C’est quelque chose qui me semble important. Je ne pense pas que pour qu’un enfant soit heureux et se développe bien le primordial soit l’orientation sexuelle de ses parents. L’essentiel, c’est l’amour qui est donné à l’enfant. Le reste, c’est surtout une question de temps, je crois.