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 d’ADHEOS

INTERVIEW. Les deux Parisiennes ont participé à la dernière saison de «Koh-Lanta», diffusée il y a quelques mois. Si elles sont ouvertement lesbiennes, il n’a pourtant jamais été question de leur homosexualité dans l’émission de télé-réalité de TF1. Pourquoi? Comment? Elles expliquent tout à TÊTUE.
 
Vous avez peut-être suivi Koh-Lanta La Revanche des Héros, la saison 12 de l’émission de télé-réalité d’aventures diffusée en avril et mai dernier sur TF1. Elle réunissait, au Cambodge, des candidats qui ont déjà pris part au jeu par le passé, qui n’ont pas gagné et viennent tenter de prendre leur revanche…
 
Dans l’équipe des rouges alias les Nekmao, il y avait deux Parisiennes ouvertement lesbiennes, qui, aujourd’hui, sont très amies. Guénaëlle (à droite sur la photo ) avait été finaliste de la toute première saison de Koh-Lanta, en 2001. Cette directrice artistique est fan de sports de glisse et anime un blog dans lequel elle croque avec humour sa vie de lesbienne. Marine, elle, avait participé à la dixième saison de l’émission, en 2010. Elle est hôtesse de l’air et pratique le trapèze et le roller derby (d’où son maquillage ci-dessus). Pourquoi n’a-t-il jamais été question de leur homosexualité dans le jeu de TF1, où les candidats ont pourtant l’habitude de se raconter leur vie devant les caméras? Comment ont-elles géré cela auprès de la production et avec les autres candidats? La télé-réalité a-t-elle un rôle à jouer pour casser les clichés sur les homos? Guéna et Marine racontent leurs Koh-Lanta et donnent leur point de vue à TÊTUE.
 
TÊTUE: Lors de vos différents passages télé, il n’a à aucun moment été question de votre homosexualité. Vous aviez réfléchi à la question de votre coming out médiatique?
Guénaëlle: En fait lors de mon premier Koh-Lanta, en 2001, j’étais hétéro (rires)! En ce moment sur mon blog y’a plein de nanas qui me disent «On avait vu dès le début que t’étais lesbienne», ce qui est très drôle car moi-même je ne le savais pas et je ne me doutais pas une seule seconde que je pouvais tomber amoureuse d’une femme!
Marine: Exactement pareil, j’étais hétéro. C’est en revenant du premier Koh-Lanta que les choses ont changé pour moi à ce niveau-là.
 
Vous êtes en train de me dire que Koh-Lanta peut servir de révélateur? Ou est-ce que c’est juste un hasard?
Guéna: C’est une aventure physique, psychologique et mentale dans laquelle les rapports humains sont très forts. On a le temps de réfléchir sur soi-même, de faire le point. Je pense que c’est la même chose pour tous ceux qui vivent une aventure très forte! Je me rends par exemple compte que tous ceux qui étaient avec moi dans Koh-Lanta 1 ont radicalement changé de vie à leur retour… Ça a été un déclencheur pour tout le monde.
Marine: Personnellement je n’y ai pas du tout réfléchi pendant mon aventure, je ne m’en doutais pas du tout. Pour ma part, c’est plutôt le milieu du roller derby, dans lequel il y a beaucoup de lesbiennes, qui a servi de révélateur!
 
C’est donc avant d’intégrer votre second Koh-Lanta que la question du «Je le dis ou je le dis pas?» s’est posée?
Guéna: Au quotidien, je n’ai jamais eu de problème avec ça. A partir du moment où je suis sortie avec une fille, deux semaines après je le disais à tout le monde! Dans Koh-Lanta, les gens parlent beaucoup entre eux, se racontent leur vie au coin du feu. J’en ai donc parlé à la prod, en leur disant que je ne souhaitais pas que les discussions liées à ma vie privée apparaissent à l’écran, que je ne souhaitais pas que mon homosexualité apparaisse dans le portrait vidéo qui allait être fait sur moi. Ça a été entièrement respecté.
 
Pourquoi ce choix, alors que tu es ouvertement et publiquement lesbienne sur ton blog?
Guéna: En fait déjà car ça n’avait pas lieu d’être dans cette émission. Ça n’apportait rien! Ensuite, je préfère m’afficher moi-même dans mon blog plutôt qu’on le fasse à ma place: j’ai toujours peur que ce soit mal fait…
 
C’est à dire? Tu avais peur qu’ils dressent un portrait de toi rempli de clichés?
Guéna: Oui, par peur des clichés, et puis par peur des conversations tenues sur l’île à ce sujet – pas toujours très intelligente il faut bien le dire (sourire) – qui aurait pu être diffusées. Car je ne me suis jamais cachée auprès des autres candidats! En fait, je n’avais pas envie que soit dit n’importe quoi et n’importe comment, j’avais envie de rester maître.
 
Marine, est-ce que tu as effectué une demande similaire auprès de la production?
Marine: En fait c’est directement la prod qui m’en a parlé au casting! Ils s’étaient renseigné sur moi et savais que je m’étais mise au roller derby. Ils m’ont demandé «Il y a pas mal de lesbiennes dans ce sport… Et toi, tu dirais que tu es quoi?» Je leur ai donc répondu. Mais je ne leur ai donné aucune consigne car je savais que dans le portrait de Koh-Lanta on n’abordait pas les questions de famille et de vie privée. C’est l’aspect sportif qui prime.
 
Avant d’intégrer ce Koh-Lanta La Revanche des Héros, vous vous étiez croisées une fois, lors d’un week-end qui réunissait des anciens participants de l’émission. C’est à cette occasion vous aviez découvert votre point commun, à savoir que vous aimiez toutes les deux les femmes… Sur l’île, est-ce que vous pensez que votre gaydar aurait fonctionné l’une sur l’autre?
Marine: Je pense que je m’en serais rendu compte dès que Guéna aurait dit «Un trou est un trou»! (Elles éclatent de rire). Non, plus sérieusement je n’ai aucun gaydar, je n’aurais pas su.
Guéna: Pareil, je n’ai aucun gaydar. Et puis, ça va peut-être décevoir certains fans de Koh-Lanta, mais on est tellement fatigué et crade dans cette émission qu’il ne se passe jamais rien de sexuel!
 
La télé-réalité a-t-elle, selon vous, un rôle à jouer pour faire progresser les mentalités, pour casser les préjugés liés à l’homosexualité?
Guéna: La télé en général oui!
Marine: Oui, les gens n’ont pas encore l’habitude de voir des homos à la télé. La preuve pendant la cérémonie d’ouverture des JO de Londres, on a vu une micro seconde de baiser lesbien et ça a énormément buzzé.
Guéna: C’est vrai qu’à mon retour de Koh-Lanta beaucoup de gens m’ont écrit pour me demander pourquoi je ne l’avais pas dit pendant l’aventure. Je préfère largement qu’ils le découvrent après et se fasse la réflexion «Ah en fait, elle aurait très bien pu être hétéro, elle ressemble à tout le monde.»
 
«Les gens n’ont pas encore l’habitude de voir des homos à la télé», d’où l’intérêt de le dire, non? Emilie de Secret Story 6 a par exemple reçu beaucoup de lettres de jeunes femmes qui la remerciaient…
Guéna: Et oui mais Emilie était dans un appart’, moi j’étais dans la forêt, comment tu veux que je le dise? J’allais pas bouffer des moules toute la journée, et arriver avec un rainbow flag au Conseil avant les éliminations (rires)! Les gens se diraient: «Mais elle se prend pour qui?» Et puis, surtout, je ne peux pas me permettre de parler au nom de la communauté homo.
Marine: Mais c’est super important que, depuis leur salon à la télé, les gens puissent voir deux garçons s’embrasser et qu’on leur fasse comprendre que ce n’est ni mal, ni sale.
 
La production a choisi de vous réunir toutes les deux dans un même Koh-Lanta et de vous mettre dans la même équipe… C’est un hasard?
Guéna: Honnêtement je ne sais pas.
Marine: Je ne pense pas que ce soit un hasard…
Guéna: Je pense qu’ils nous ont plutôt réuni pour nos caractères. La preuve, on s’entend super bien, et si tu avais été hétéro on se serait également super bien entendu!
Marine: Ils se sont peut-être dit «Et si on a de la chance elles vont se gouiner le soir, on filmera discrètement!» (Elle éclate de rire). Et ben c’est raté!
 
Comment ça s’est passé avec les autres candidats?
Guéna: Personnellement, sur l’île j’étais out, je ne me voyais pas inventer que j’étais en couple avec un garçon. Et dans les deux émissions auxquelles j’ai participé, je n’ai jamais senti qu’un candidat était homophobe.
Marine: (Elle ne dit rien mais fait la moue).
Guéna: Bon, il y a des gens qui nous ont posé des questions bizarres parce qu’ils ne connaissaient pas du tout ce milieu. Mais ce n’est pas de l’homophobie!
 
Guéna, lors du Koh-Lanta La Revanche des Héros, tu as eu droit de téléphoner à un proche. La plupart des candidats avaient alors appelé leurs conjoints. A l’époque tu avais appelé quelqu’un qui était présenté comme «une collègue». Est-ce que c’était ta petite copine?
(Elles rient)
Guéna: Ah non, c’était réellement une personne avec qui je bosse! Elle a été présentée à l’antenne comme «une collègue», mais c’est une de mes meilleures potes en fait. En revanche, à cette amie pendant la conversation, j’ai glissé un «Embrasse qui tu sais» (rires). C’était super drôle, parce que toutes les lesbiennes ont compris de qui il s’agissait, mais pas les autres!
 
De votre aventure commune est née une belle amitié. Vous ne vous quittez plus!
Guéna: Oui! J’ai gardé des liens très forts avec les gens du premier Koh-Lanta. Avec le second c’est différent, c’était une revanche, on était davantage dans la hargne. Mais du coup avec Marine on a continué à se lancer dans des aventures, d’ailleurs on va faire équipe pour un Raid Amazones à l’île Maurice, fin novembre. C’est multisports: VTT, canoë, course à pied, tir à l’arc…
 
Guéna, depuis cinq ans tu tiens un blog de dessins très drôle, dont le sous-titre est «Mes amis, mes amours, mes emmerdes…»
Guéna: Oui, j’ai toujours utilisé le dessin pour faire passer des messages! Au bout de cinq ans de vie homo, j’ai commencé à faire ça pour faire marrer mes potes, parce que je voyais bien que quand je leur racontais mes histoires ça les faisait rire! Mon message, c’est qu’on a tous les mêmes galères et que nous, homos, nous ne sommes pas différents. Pourquoi pas, plus tard, sortir un bouquin.
 
Tu as aussi beaucoup dessiné à propos de tes aventures dans Koh-Lanta. Il y a un strip hilarant dans lequel on te voit galérer pendant des heures pour obtenir un tampon hygiénique auprès de la production. Ça se passe vraiment comme ça sur l’île?
Guéna: Tout ce que je dessine est vraiment arrivé! Quand je ne dessine pas mon personnage qui décrit ce qu’il se passe autour, j’ai vraiment du mal. Il faut que je vive les trucs!