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 d’ADHEOS

TEMOIGNAGE – Le projet de loi sur le mariage pour tous est présenté mercredi en conseil des ministres. PMA, adoption… Marie, en couple avec Stéphanie, explique à TF1 News pourquoi, selon elle, le texte ne va pas assez loin.
 
Marie, 29 ans, vit avec Stéphanie, 36 ans, depuis quatre ans. Il y a deux ans, le couple, qui réside en région parisienne s’est pacsé "parce qu’à l’époque, il n’y avait rien de mieux pour officialiser notre union". Aujourd’hui, les deux femmes aspirent "simplement" à pouvoir bénéficier des mêmes droits que tout citoyen. A la veille de la présentation du projet de loi sur le mariage pour tous devant le conseil des ministres, Marie témoigne pour TF1 news. Mariage pour tous, adoption, virulence du débat… Voici son avis. 
 
Le mariage pour tous, la bonne nouvelle…
Avancée indéniable, ce projet de loi est évidemment une bonne nouvelle. C’est quelque chose qui nous tient à cœur et pour laquelle on s’est beaucoup investi pendant la campagne. Le mariage pour tous a une portée symbolique très forte mais pas seulement. Il offre une vraie protection que le Pacs ne garantit pas actuellement notamment en matière de succession. Mais cette loi à venir va reconnaître le couple, pas la famille. 
 
…Puis le désenchantement
Nous regrettons que ce projet de loi comprenne uniquement le mariage et l’adoption. Personnellement, après plus de 10 ans de droite assez conservatrice sur le sujet, j’attendais d’un gouvernement socialiste qu’il parle d’égalité pour de bon. Cette déception est à la hauteur des attentes car la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem s’était clairement engagée en faveur de la procréation médicalement assistée (PMA). Nos attentes étaient donc légitimes, là, nous allons devoir continuer à aller faire nos enfants à l’étranger. 
 
Les allers-retours en Belgique tous les mois
Voilà 18 mois que nous essayons, ça commence à faire long. Quasiment tous les mois, nous partons en Belgique. Là-bas comme en Espagne, les cliniques nous accueillent simplement d’un "Bonjour mesdames, vous êtes donc un couple qui veut faire un enfant". Cela fait toujours bizarre parce que nous ne sommes pas vraiment habituées à un tel accueil ! Comment ça se passe ? Notre médecin généraliste -conciliant- nous prescrit les traitements. Nous faisons prises de sang et échographies en France et l’analyse des résultats et l’opération ont lieu en Belgique. Tout cela est coûteux, moralement et financièrement. Tandis que la PMA est remboursée par la Sécurité sociale en France, nous, nous devons tout payer. Pour cette raison, certaines femmes choisissent de faire des inséminations artisanales. Elles ont recours à un donneur, prennent son sperme et "se l’insémine" à la maison. Quand elles connaissent le donneur, c’est bien mais quand cela se fait à l’hôtel avec un homme rencontré sur un forum et dont la sérologie n’est pas connue, les risques sont bien différents ! 
 
L’hypocrisie de l’adoption
La loi à venir va permettre aux gays d’adopter l’enfant de leur conjoint, à condition qu’ils soient mariés. En somme d’adopter son propre enfant et encore, après toute une procédure lourde et longue, pouvant aller jusqu’à une enquête sociale "dans l’intérêt de l’enfant", au bon vouloir d’un juge… C’est assez humiliant. Cet enfant, on le veut à deux, c’est un projet commun. Malgré cela, on voudrait nous faire croire que parce que Stéphanie va porter notre enfant, je ne suis pas la mère, c’est aberrant ! Hypocrite aussi. Refuser l’accès à la PMA, c’est refuser aux couples gays de devenir parents ou leur dire "allez, continuez à aller en Belgique". Mais paradoxalement, une femme pourra adopter l’enfant de sa conjointe. L’adoption à l’étranger ? Depuis qu’elle a été ouverte aux gays voilà plus de cinq ans en Belgique, il n’y en a pas eu une seule ! En France, il y a 2.000 enfants adoptables pour 5.000 demandants. Conséquence : la plupart des enfants sont adoptés à l’étranger, dans des pays qui majoritairement condamnent très fermement l’homosexualité. Alors accepter que des gays deviennent parents… C’est là le fond du débat dans ce mariage pour tous.
 
"Cette loi va reconnaître le couple, pas la famille"
 
Les homos font-ils de bons parents ?
Et les hétéros alors ? Je n’en sais rien ! Je ne pense pas que la réponse soit liée à la préférence sexuelle. Il est simplement question de parents aimant leurs enfants, un point c’est tout. Pourquoi les homosexuels seraient-ils moins à même d’élever un enfant que d’autres. On ne reconnaît pas de vertus éducatives aux drogués pour autant, on ne leur interdit pas d’avoir des enfants. Je ne dis pas que les gays feront de meilleurs parents, c’est faux aussi. Comme tous les parents, ils feront des erreurs et comme tous les parents, ils aimeront leurs enfants et essayeront de leur donner le meilleur. On nous oppose l’argument de référent masculin, féminin. Dans notre société actuelle, tous ces modèles sont archi représentés ! Nos enfants auront quatre tontons, deux papis, ça ira ! L’important, selon moi, est d’élever dans la différence. Que l’enfant soit confronté à toutes sortes de points de vue pour se construire celui qui est le sien. En fait, dans tout ce débat sur le mariage pour tous, on a l’impression que ce qui pose problème n’est pas tant le mariage mais l’idée de voir des homosexuels devenir parents. 
 
Stigmatisation et paroles choquantes
Aujourd’hui en tant qu’homosexuelle, je suis stigmatisée tous les jours par des paroles affreusement choquantes. Quand un cardinal, quelqu’un qui est censé prôner amour et tolérance, dit que l’homoparentalité revient à inciter à l’inceste, je trouve ça très grave et je ne comprends pas que de tels propos ne soient pas sanctionnables. A la base, je suis chrétienne mais j’ai quitté l’église lors de mon coming-out quand j’avais 21 ans à cause de ce type de propos. Ils y étaient largement tenus et pas uniquement par ceux qui s’expriment devant les micros, malheureusement. Ces gens qu’on entend si fort sont une minorité. Au quotidien, les gens sont plutôt bienveillants à notre égard. Le gouvernement donne l’impression de reculer sur le sujet sous la pression des lobbies anti-gay. Quand on voit une Christine Boutin, qui continue à être mise sur le devant de la scène alors qu’elle n’est élue nulle part, je trouve ça assez dramatique. Ce sentiment d’être un sous-citoyen commence à devenir vraiment pesant. Bon sang, nous payons tous nos impôts et nous estimons avoir le droit d’avoir les mêmes droits que les autres !