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 d’ADHEOS

Face à un système législatif répressif et à un harcèlement dicté par les lois de la rue, les LGBT peinent à se faire reconnaître comme des citoyens dans un État de droit.
Lynchés par la foule, pourchassés par la police, bannis par l’ordre politico-religieux, les homosexuels au Maghreb sont confrontés aux mêmes interdits, aux mêmes stigmatisations. Être homosexuel au Maghreb est toujours perçu comme une tare, une honte, un outrage aux lois de la nature et aux lois de Dieu. Des citoyens jetés donc en pâture aussi bien par les États que par une certaine frange de la population.
 
Si certains sont sortis de l’ombre, réclamant ouvertement leurs droits, comme en Tunisie avec les associations Shams [Soleil], Damj [Intégrer], Chouf [Regarde], Mawjoudine [Nous existons]…, en Algérie et au Maroc ils sont encore terrés, dans la clandestinité, mais néanmoins visibles et actifs.
 
Système répressif
 
Les trois pays du Maghreb adoptent un système répressif concernant l’homosexualité. Si en Tunisie on a l’article 230 du Code pénal, criminalisant la sodomie et le lesbianisme de trois ans de prison, au Maroc l’article 489 du Code pénal punit “les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe” de peines d’emprisonnements allant de six mois à trois ans et d’une amende de 120 à 1 200 dirhams [de 11 à 111 euros].
 
Idem en Algérie, où les articles 333 et 338 du Code pénal énoncent : “Tout coupable d’un acte d’homosexualité est puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 500 à 2 000 dinars [de 4 à 17 euros]. Si l’un des auteurs est mineur de 18 ans, la peine à l’égard du majeur peut être élevée jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 10 000 dinars [83 euros] d’amende.”
 
Des peines sévères qui sont mises en application. En Tunisie, outre la prison, on a prévu [en décembre 2015] une peine de bannissement de la ville pour six jeunes condamnées pour homosexualité [arrêtés dans le foyer universitaire de Rakkada, ville de Kairouan].
 
La chasse aux homosexuels est de mise, qu’elle soit exécutée par l’État, ses politiques, sa justice et sa police ou au travers des médias. Harcelés aussi bien par la loi de l’État que par les lois de la rue, les homosexuels peinent à se faire reconnaître comme des citoyens dans un État de droit.
 
Au Maroc, la vidéo du lynchage d’un couple homosexuel à Beni Mellal [en mars 2016] a fait grand bruit. Rabaissés, ils étaient sauvagement agressés. Et, fait surprenant, la justice, au lieu de punir les agresseurs, a condamné l’une des victimes à une peine de deux mois de prison ferme pour “échange de coups et blessures”, alors que les assaillants n’ont pas été inquiétés.
 
Cette affaire est l’une d’une série de faits divers marqués par la traque des homosexuels, comme en témoigne la vidéo du lynchage à Fès d’un homme présenté comme homosexuel [en juin 2015] par une foule déchaînée à coups de poing et de pied à la tête. Une affaire qui a soulevé un tollé à l’époque.
En Algérie, ce 10 octobre, on a célébré la dixième journée de solidarité avec les LGBT algériens, “Ten Ten” [gay pride sur le web], mais toujours dans la discrétion, avec juste des bougies pour raviver la mémoire d’un État qui continue à discriminer ses citoyens à cause de leur orientation sexuelle.
 
Travaillant dans la clandestinité en Algérie et au Maroc, les militants LGBT forment des réseaux comme le collectif Alouen [“Couleurs”, fondé en 2011] et son magazine El-Shad [“Anormal”, lancé sur le Net en novembre 2014], le premier du genre au Maghreb. Il y a aussi le collectif Abou Nawas en Algérie [du nom du poète arabe connu pour son œuvre érotique, qui a vécu à Bagdad, où il est décédé vers 815]. Au Maroc, il y a l’association Aswat [Voix] qui œuvre en la matière. Tous ces militants ne cessent de dénoncer les violences à l’égard des LGBT dans leurs pays respectifs.
 
En Tunisie, les associations jouissent d’un espace de liberté plus grand, mais sont constamment en guerre contre leurs adversaires, qui les accusent d’"ébranler la paix sociale”.
 
Malgré les restrictions, les tabous, la lutte est en marche et le mouvement que mènent ces associations pour la dépénalisation de l’homosexualité et pour faire basculer les mentalités est bouillant, subi des revers mais marque des avancées. Sur le plan sémantique, du moins, se félicite Ahmed Ben Amor, vice-président de Shams :
 
Beaucoup de commentateurs n’utilisent pas les mots péjoratifs pour désigner les homosexuels, mais se contentent de dire tout simplement ‘homosexuels’, ça peut avoir l’air anecdotique mais c’est très important sur le plan symbolique. Une démarche certes inconsciente pour certains mais notable.”
 
La question est posée désormais publiquement, et les canaux de débat sont facilités par les réseaux sociaux, échappant ainsi à l’ostracisme de la répression étatique. Les associations du Maghreb ne sont pas indifférentes à l’actualité de chaque pays respectif, des communiqués communs – entre Alouen, Aswat, Mawjoudine et Quzah en Libye [“Arc-en-ciel”, magazine en ligne lancé en décembre 2013] – sont régulièrement signés pour appeler à l’abrogation des lois criminalisant l’homosexualité au Maghreb. La collaboration s’est cristallisée aussi avec la création de Shams France, qui réunit les homosexuels maghrébins en France et qui est coprésidée par un Algérien et un Tunisien, a annoncé Mounir Baatour, président de Shams Tunisie.