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 d’ADHEOS

Malgré le feu vert accordé lundi par un juge parisien à la sortie en salles mercredi de son film sur la pédophilie dans l’Eglise lyonnaise, François Ozon reste suspendu à une seconde décision judiciaire attendue mardi après-midi à Lyon.
 
Grâce à Dieu" raconte la naissance de l’association de victimes "La Parole Libérée", fondée à Lyon en 2015 par d’anciens scouts accusant d’abus le père Bernard Preynat.
 
Quelques heures après la décision du juge parisien, une autre audience se tenait à Lyon. Le réalisateur était cette fois assigné en référé "heure à heure" par Régine Maire, ex-membre du diocèse de Lyon, poursuivie aux côtés de l’archevêque de Lyon pour non-dénonciation. Elle demande que son nom soit retiré du film au nom de la protection de la vie privée et de la présomption d’innocence.
 
"Grâce à Dieu" donne seulement les prénoms des victimes mais cite nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire – dont les noms, dit François Ozon, "étaient déjà dans la presse".
 
Ce prêtre lyonnais, poursuivi pour agressions sexuelles, et qui ne devrait pas être jugé avant fin 2019, avait assigné en référé François Ozon pour obtenir un report de la sortie en salles de ce film, auréolé samedi du Grand prix du jury à la Berlinale, deuxième prix majeur après l’Ours d’or.
 
Mais le tribunal de grande instance de Paris l’a débouté, estimant que "les spectateurs sont informés, à l’issue du film, du principe de la présomption d’innocence dont bénéficie, comme toute personne, Bernard Preynat", selon une décision consultée par l’AFP. Et ce grâce à la présence de trois cartons rappelant notamment la présomption d’innocence de tous les mis en cause.
 
Et si le film devait attendre la fin de la procédure pénale de Bernard Preynat, il ne sortirait que dans "plusieurs années", ce qui constituerait "une atteinte grave et très disproportionnée au principe de la liberté d’expression et à la liberté de création", estime encore le tribunal.
 
La sortie du film tombe en pleine actualité judiciaire : un jugement est attendu le 7 mars dans un autre volet de l’affaire, celui qui accuse le cardinal Philippe Barbarin et cinq autres personnes de ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles pédophiles du père Preynat.
 
François Ozon explique que la date de sortie avait été fixée en raison de sa sélection à la Berlinale.
 
"La décision, très bien motivée, reconnaît que le film – avec les avertissements qui l’accompagnent – ne justifie pas les mesures demandées qui menaçaient sa sortie", s’est réjoui auprès de l’AFP Paul-Albert Iweins, l’un des deux avocats du producteur et du distributeur du film à midi, lorsque la décision est tombée.
 
Refaire la bande-son ?
 
Si la justice lyonnaise, qui doit rendre sa décision mardi à 17H00, répondait favorablement à a demande de Régine Maire, cela entraînerait de facto le report de la sortie du film d’au moins deux ou trois semaines, selon l’avocat du distributeur. Car le film a déjà été livré à quelque 300 salles. Il faudrait donc rappeler ces copies, modifier la bande-son, demander à tous les acteurs de reposer leurs voix, remixer, puis tout renvoyer.
 
Ce qui coûterait 50.000 euros, selon l’avocat, sans parler du million d’euros mobilisés pour la promotion du film ni des pertes indirectes pour les salles de cinéma prises au dépourvu. Soit "sa mort pure et simple", estime Me Benoît Goulesque-Monaux, l’autre avocat de l’équipe du film.
 
Censure
 
Au-delà du compte à rebours sur cette sortie ultra-médiatisée, François Ozon n’en a pas fini avec la justice. Car la défense de Bernard Preynat va faire appel de la décision prise à Paris. Un appel non suspensif mais c’est "une question de principe", estime Me Frédéric Doyez.
 
"Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n’a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomption d’innocence", argue son autre avocat, Emmanuel Mercinier.
 
Et à Lyon, Régine Maire, entend poursuivre le réalisateur sur le fond.
 
Le film suit trois des victimes du père Preynat, incarnées à l’écran par les acteurs Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud.
 
Construit en trois parties comme un passage de relais entre ses trois personnages principaux, il s’appuie largement, du moins dans sa première partie, sur les lettres et les échanges d’emails avec l’institution religieuse de l’une des victimes, Alexandre Hezez-Dussot, incarné par Melvil Poupaud.
 
Le prolifique réalisateur de "Huit femmes" avait estimé samedi à Berlin que si le film était suspendu de projection jusqu’au procès du père Preynat, "ce serait une sorte de censure".