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 d’ADHEOS

L’arrêt accorde une victoire aux minorités sexuelles en garantissant les mécanismes de lutte contre les discriminations au travail, et met fin à dix ans de controverse.
La Cour suprême des Etats-Unis a tranché, lundi 15 juin. Elle a estimé que la loi de 1964 pour les droits civiques, un monument du droit américain et de l’administration de Lyndon B. Johnson, s’applique également aux discriminations à l’emploi fondées sur les orientations sexuelles et les identités de genre.
 
La victoire de la communauté LGBT est nette. Deux juges nommés par des présidents républicains, John Roberts et Neil Gorsuch, ont en effet rejoint, à cette occasion, les quatre juges choisis par des présidents démocrates. Le premier, qui préside la Cour suprême, avait déjà joué les pivots en rejoignant ponctuellement les progressistes, reprenant le rôle longtemps joué par le juge Anthony Kennedy jusqu’à son départ en retraite, en 2018. Le second, nommé par Donald Trump, a créé la surprise. Auteur de l’arrêt, il était rangé jusqu’à présent parmi les plus conservateurs de la plus haute instance juridique du pays.
 
La querelle portait sur un passage de l’article VII de cette loi qui interdit les discriminations liées « à la race, à la couleur, à la religion, au sexe ou aux origines nationales ». Le texte visait les problèmes rencontrés par les femmes sur le marché du travail. L’interprétation du mot « sexe » a longtemps été restrictive. L’arrêt historique Bostock v. Clayton County, Georgia élargit l’application de cette loi aux personnes homosexuelles et transgenres.

« Un employeur qui licencie un individu pour être homosexuel ou transgenre licencie cette personne pour des traits ou des actions qu’il n’aurait pas remis en question chez des membres d’un autre sexe, écrit Neil Gorsuch. Le sexe joue un rôle nécessaire et indiscutable dans la décision, ce que l’article VII interdit. »

Une controverse ouverte il y a une décennie
 
Neil Gorsuch a répondu aux critiques, y compris au sein de cours d’appel, qui estiment que les législateurs n’avaient pas souhaité anticiper les procédures ouvertes des décennies plus tard. « Ceux qui ont adopté la loi sur les droits civils n’avaient sans doute pas prévu que leur travail conduirait à ce résultat particulier. Ils ne pensaient probablement pas à bon nombre des conséquences qui sont devenues apparentes au fil des ans, y compris l’interdiction de toute discrimination fondée sur la maternité ou celle du harcèlement sexuel des hommes, estime-t-il. Mais les limites de l’imagination des législateurs ne fournissent aucune raison d’ignorer les exigences de la loi. Lorsque les termes explicites d’une loi nous donnent une réponse et que des considérations extra-textuelles en suggèrent une autre, il ne peut y avoir de contestation. Seul le mot écrit constitue la loi, et toute personne a droit d’en bénéficier. »
 
L’association conservatrice Judicial Crisis Network a vivement réagi en dénonçant une « trahison ». « Tous ces évangéliques qui se sont rangés du côté de [Donald] Trump en 2016 pour les protéger des courants culturels viennent de trouver leur excuse pour rester chez eux en 2020 », a assuré Erick Erickson, un polémiste conservateur. Le même jour, la Cour suprême a par ailleurs rendu deux arrêts contraires aux attentes de l’administration républicaine, sur les armes à feu et sur les « villes sanctuaires » où les sans-papiers ne sont pas poursuivis.
 
L’argument de la liberté religieuse
 
De nombreux responsables de cultes ont en effet critiqué l’arrêt Bostock v. Clayton County, Georgia en estimant qu’il constitue une atteinte à la liberté religieuse. « Les organisations chrétiennes ne devraient jamais être obligées d’embaucher des personnes qui ne correspondent pas à leurs croyances bibliques et ne devraient pas être empêchées de licencier une personne dont le style de vie et les croyances » contreviennent à leurs convictions, a estimé Franklin Graham, fils du célèbre prédicateur Billy Graham. Aucune des parties qui défendaient une interprétation restrictive de la loi de 1964 n’avait invoqué l’argument de la liberté religieuse.
 
L’arrêt de lundi met un point final à une controverse ouverte il y a une décennie. Gerald Bostock, un fonctionnaire du comté de Clayton, en Géorgie, avait contesté son licenciement justifié par une mauvaise utilisation des fonds dont il avait la responsabilité, en estimant qu’il s’agissait en fait d’une sanction contre sa participation à un rassemblement homosexuel.
 
Un instructeur en parachutisme, Donald Zarda, qui s’est tué depuis au cours d’un exercice, avait engagé une démarche similaire après son licenciement par son employeur. Cette éviction était survenue après qu’il avait dévoilé son orientation sexuelle pour mettre plus à son aise une cliente avant un saut en tandem.
 
Un troisième cas concernait une personne transgenre, licenciée après avoir signifié à son employeur, une entreprise de pompes funèbres du Michigan, qu’elle souhaitait désormais apparaître habillée en femme. Pas plus que Donald Zarda, Aimee Stephens n’a pu cependant se réjouir de la décision de la Cour suprême. Elle est morte d’une insuffisance rénale le 12 mai.