Des annonceurs, dont Bosch, ne veulent plus de pubs autour de cette émission. L’animateur a piégé des homosexuels au cours d’un canular téléphonique. Cette séquence a suscité un record absolu de plaintes.
En moins de quatre jours, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a reçu plus de plaintes qu’en six mois. D’après le dernier décompte ce lundi soir, 20.486 plaintes ont été envoyées au régulateur de l’audiovisuel, un record absolu comparé aux 36.000 plaintes sur l’ensemble de l’année 2016, tous programmes confondus.
La chaîne C8 pourrait être déjà touchée au portefeuille. D’après une information de BuzzFeed News , cette mobilisation aurait déjà poussé Bosch à arrêter sa campagne de publicité en cours, une information confirmée par « Les Echos ». De leur côté, Chanel et Disneyland Paris affirment sur le site de Buzzfeed qu’elles ne feront plus appel à l’émission Touche pas à mon poste (TPMP) pour leurs prochaines campagnes et Petit Navire renonce à être son sponsor.
De nombreuses marques ont été interpellées directement sur Twitter par des internautes. Interrogée de cette façon, l’enseigne Decathlon a répondu qu’elle retirait elle aussi ses publicités de l’émission.
« Un canular d’une homophobie crasse et avérée »
C’est une séquence diffusée jeudi soir sur C8 lors de l’émission TPMP qui a suscité l’indignation de nombreux téléspectateurs. Cyril Hanouna, l’animateur vedette, s’est fait passer pour un bisexuel dans une petite annonce – "Jean-José, très sportif et super bien monté (…) J’aime quand on m’insulte !" – , puis a répondu en direct aux hommes qui le contactaient, face à un public hilare.
"Cyril Hanouna repart dans un nouveau canular d’une homophobie crasse et avérée", commentait, le lendemain de l’émission, Yohann Roszéwitch, conseiller à la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).
La voix de fausset et les manières efféminées adoptées par l’animateur ont particulièrement choqué les associations de lutte contre l’homophobie. "La voix efféminée, la caricature de l’homo, c’est grave. On est face à une sorte de récidive, dans une émission qui est beaucoup regardée par les jeunes, qui vont avoir tendance à imiter, à reproduire", soulignait le conseiller.
Une des victimes du canular "dans un état épouvantable"
Selon le président de l’association Le Refuge, qui fournit un toit à des jeunes victimes d’homophobie, une des victimes du canular les a appelés "dans un état de détresse morale épouvantable". Dans un communiqué, l’association se dit "consternée et particulièrement choquée" par la nouvelle séquence, qui véhicule "une image dégradante des personnes homosexuelles en les réduisant à une caricature".
De son côté, Cyril Hanouna s’est dit "le plus fervent défenseur du Refuge" lors d’une interview pour L’Express vendredi. "Il n’y aura jamais aucune séquence homophobe dans mes émissions ! Bien au contraire", a-t-il ajouté.
L’animateur est également revenu sur cette "séquence polémique" vendredi soir, lors de son émission, regardée en moyenne par 1,5 million de téléspectateurs. Il s’y est dit "blessé" par les accusations d’homophobie : "C’est contre mes valeurs. C’est à l’opposé de ce qu’est TPMP". Il a toutefois concédé qu’"il y a peut-être eu une maladresse" et a laissé la parole à deux porte-paroles d’association contre l’homophobie.
Cyril Hanouna compte attaquer le CSA
La polémique ne cessant de prendre de l’ampleur, l’animateur-vedette a indiqué dans le Journal du dimanche qu’il avait l’intention d’attaquer le CSA. Selon lui, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a posté un tweet "pour faire parler d’eux sur le dos d’une cause" et a "inciter à [les] dénoncer".
Le régulateur a en effet posté un tweet indiquant avoir reçu de nombreuses plaintes à la suite de l’émission. Mais le CSA conteste un traitement particulier pour l’émission d’Hanouna : "Nous procédons toujours de la même manière lorsque nous sommes largement interpellés."
Que peut faire le CSA ?
Touche pas à mon poste a déjà reçu plusieurs avertissements du CSA pour des séquences jugées choquantes ou humiliantes. En réaction à ce nouveau dérapage, une quinzaine de militants LGBT ont mené une opération ce lundi matin devant le siège parisien du CSA. Les trottoirs devant l’entrée du bâtiment ont été tagués de messages "Hanouna producteur d’homophobie" et "CSA complice".
Mais de quels moyens d’action dispose le CSA ? Avant toute sanction, le régulateur envoie une mise en garde par lettre, puis une mise en demeure. Cyril Hanouna a pour sa part déjà reçu une mise en demeure à la suite d’une séquence où le chroniqueur de l’émission Jean-Michel Maire embrassait les seins d’une femme sans sa permission (octobre 2016).
"Si la personne ayant fait l’objet d’une mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil peut prononcer à son encontre une sanction", explique le CSA sur son site web . Différentes sanctions sont possibles, de la suspension d’une partie du programme pour un mois à la résiliation de la convention. Une amende peut également être infligée.
En pratique, ces sanctions sont rarement appliquées. Concernant ce nouveau cas, le CSA l’étudiera dans les prochains jours et jugera s’il s’agit de faits répréhensibles.
- SOURCE LES ECHOS
