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 d’ADHEOS

 «Je sais pas. Un des pédés a dû m’insulter et je l’ai frappé sur la gueule. Dany et Frédéric, ils ont dû mettre des coups. Chez nous, quand il y en a un qui frappe, tout le monde frappe. Je sais pas. C’est sous l’effet de l’alcool, M’sieur le juge.» C’est brut de décoffrage et sorti tout droit du box des prévenus, le cœur de l’histoire qui a intéressé le tribunal correctionnel d’Angoulême une bonne partie de l’après-midi hier.
 
 C’est Joé Lefleur, 21 ans, qui raconte la soirée du 20 décembre 2008 au Jardin vert à Angoulême et qui, au bout de l’audience, lui a valu deux ans de prison ferme. Qui a valu à son frère Frédéric, 24 ans, quatre ans de prison et la même peine à son cousin Dany Maille, 21 ans. Ces deux-là ont sans doute payé leur casier, déjà chargé de violences, et leur enfermement dans un système de défense intenable qui consistait tout simplement à nier l’évidence.
 
Joé Lefleur, lui, a présenté ses excuses à Frédéric, 44 ans, la victime de cette soirée agitée, de ce déferlement de violence.
Le seul parmi quatre agressés à avoir porté plainte, à être venu affronter ses agresseurs, leurs familles massées dans la salle. Roué de coups pour «l’intolérance jusqu’à la sanction physique d’un choix affectif qui n’est pas le leur», a pu résumer Sébastien Piffeteau, le procureur, dans ses réquisitions appuyées. Lynché et laissé inanimé simplement parce qu’il était homosexuel, en quête d’une rencontre dans les allées du Jardin vert, et qu’il a croisé la route d’une bande de quatre jeunes partis s’«amuser».
 
Les trois autres hommes ont eu moins de malchance. Ils ont simplement été «un peu secoués» ou coursés et insultés. Frédéric, hier encore, ne voulait pas croire qu’il avait été pris à partie uniquement du fait de ses orientations sexuelles. «Rien dans mon attitude, dans mes propos, lorsqu’il m’a demandé une cigarette, ne pouvait leur laisser supposer que j’étais homosexuel.» Les trois autres s’en doutaient bien.
 
Jusqu’à nier l’évidence
 
Joé Lefleur a tenté d’expliquer. Ils allaient en discothèque. Ils n’avaient pas d’argent. Ils ont choisi de «secouer des gens» pour les détrousser. Sauf que le Jardin vert, entre Saint-Yrieix et la discothèque de la rue de Montmoreau à Angoulême, ça fait un sacré détour. A demi-mots, Joé Lefleur a fini par le reconnaître. Pas ses compagnons.
 
«Il peut raconter ce qu’il veut. Peut-être qu’il a eu peur ou des pressions.» Son frère et son cousin, goguenards, se sont tenus à une version. Ils n’étaient pas là, ils n’ont rien fait. Même s’ils sont mis en cause par les deux autres acteurs de la soirée, même s’ils ont été reconnus par les victimes;
 
Même Audrey Berneron, l’avocate de Joé Lefleur, en insistant sur le repentir de son jeune client, a reconnu qu’ils niaient jusqu’à l’évidence. Une certitude pour le parquet. «L’orientation sexuelle de la victime, c’est le mobile. Il n’y a plus d’ambiguïté.»
 
Virginie Barraud-Le Boulch’, l’avocate de la victime, insiste: «Agressé par amusement, par homophobie.» Une «haine bestiale, primaire», appuie le procureur. «Par votre comportement, vous avez sali toute votre communauté des gens du voyage. Vous vous êtes comportés avec lui comme vous refusez, à juste titre, que l’on se comporte avec vous. Ce que vous avez fait, c’est affreux, sale et méchant.» Dès lors, la peine plancher de deux ans qu’il pouvait requérir devenait «en deçà de ce qu’ils ont fait».
 
Quatre ans et cinq ans requis, ça calme ou ça énerve. Dans le box, sur les rangs du public, les deux se sont mêlés. Alors, grand moment de solitude pour Jean-François Changeur, chargé de plaider la relaxe de ses deux clients, Frédéric Lefleur et Dany Maille. «L’évidence c’est facile. Tout n’est pas parfaitement clair. Il y a des incertitudes.» Il s’est rappelé que lors d’une précédente comparution immédiate, avortée pour qu’une information judiciaire approfondisse les choses, d’autres noms, d’autres frères, d’autres cousins avaient été évoqués. «Est-ce que Joé veut protéger quelqu’un d’autre?»
 
Ses interrogations n’ont pas fait douter le tribunal qui a dit que ceux du box étaient bien les auteurs de l’agression. Leur quatrième complice, mineur, sera jugé par le tribunal des enfants. Et les trois majeurs devront verser près de 3.500 euros à leur victime.
 
  • Source la Charente Libre