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 d’ADHEOS

Le cardinal australien George Pell passera mercredi soir sa première nuit derrière les barreaux au lendemain de l’annonce de sa condamnation en Australie pour pédophilie, qui couronne la disgrâce de celui qui était encore il y a peu l’un des plus proches conseillers du pape.
 
Plus haut représentant de l’Eglise catholique jamais reconnu coupable de viol sur mineur, l’ex-numéro trois du Vatican, qui clame son innocence et a fait appel, s’est vu notifier mercredi son placement en détention par un juge de Melbourne.
 
Le prélat de 77 ans avait été hué dans la matinée par la foule à son arrivée, libre, au Tribunal de Comté de Victoria. Mais c’est une salle d’audience silencieuse, comme sans voix face au spectacle de la chute d’un des plus puissants hommes d’Eglise, qu’il a quittée quelques heures plus tard pour être conduit en détention.
 
Le cardinal a été reconnu coupable le 11 décembre d’un chef de pénétration sexuelle et de quatre chefs d’attentat à la pudeur contre deux enfants de choeur alors âgés de 12 et 13 ans en 1996 et 1997 dans la sacristie de la cathédrale de Melbourne, dont il venait d’être nommé archevêque.
 
Pour des raisons légales, ce verdict n’a pu être annoncé que mardi. Le juge Peter Kidd a qualifié mercredi pendant l’audience d’"évidente" la faute de l’ex-secrétaire pour l’Economie du Saint-Siège. "C’est un crime cruel et honteux", a affirmé le magistrat. "Il a impliqué un abus de confiance. Il a profité de deux jeunes garçons vulnérables".
 
La peine du prélat, passible de 50 ans de prison, sera annoncée le 13 mars. Ses avocats avaient obtenu que son placement en détention, qui aurait dû intervenir en décembre, soit différé car il devait subir d’urgence une double opération des genoux.
 
La défense devait initialement demander mercredi à la cour d’appel une nouvelle libération sous caution dans l’attente de son procès en appel. Mais elle y a renoncé en indiquant qu’elle pensait "approprié qu’il attende de connaître sa peine". Le procureur de la Couronne, Mark Gibson, a déploré de son côté que l’ancien archevêque de Sydney et Melbourne n’ait "montré aucun remord".
 
Relevant que la préméditation n’avait pas été retenue, son avocat Robert Richter a invoqué quant à lui les dix témoins produits par la défense: "Personne ne le croit capable de tels actes". "En dépit de la couverture médiatique sans précédent, le cardinal Pell a et continue de clamer son innocence", avait dit la défense un peu plus tôt. "Comme quiconque, il a des droits et continuera de les exercer."
 
Après l’annonce de son placement en détention, George Pell s’est incliné devant le juge et a été emmené sans menotte à l’extérieur de la salle d’audience. Sa condamnation a suscité l’effroi en Australie, car le prélat, qui recueillait naguère les louanges des plus hautes autorités du pays, était une voix très écoutée dans le camp conservateur, sur des sujets aussi variés que le mariage gay ou le réchauffement climatique.
 
Mercredi, l’ex-archevêque de Melbourne et Sydney a été confronté à une foule hostile à son arrivée au tribunal. "Tu es le diable. Tu es le Mal. Tu es un pédophile. Tu es un criminel. Tu es un monstre", criait un homme. "Va pourrir en enfer!"
 
Il s’agit d’une nouvelle gifle pour une Eglise catholique qui vient d’organiser un sommet historique sur la lutte contre la pédophilie, au terme duquel le pape François a promis dimanche "une lutte à tous les niveaux", mais qui peine à convaincre les victimes du sérieux de sa réponse face à la gravité et l’ampleur du problème. "C’est une nouvelle douloureuse", a réagi mardi le Saint-Siège, exprimant son "profond respect" pour la justice australienne et rappelant que le cardinal Pell "a réaffirmé son innocence et qu’il a le droit de se défendre jusqu’en dernière instance".
 
En décembre, au lendemain de la condamnation alors encore secrète du cardinal, le Saint-Siège l’avait écarté du premier cercle de neuf conseillers du pape. Mardi soir, le porte-parole du Vatican a annoncé dans un tweet que Gerorge Pell n’était plus plus préfet du secrétariat pour l’Economie, le troisième poste dans la hiérarchie vaticane.
 
Les avocats du prélat ont affirmé mardi que son appel attaquerait notamment le caractère déraisonnable du verdict et la composition du jury. En appel, un panel de trois juges doit rééxaminer les mêmes preuves qui ont été présentées aux jurés de première instance. Le processus pourrait prendre un an.
 
Pour Jeremy Gans, spécialiste du droit criminel à l’Université de Melbourne, ces juges pourraient mettre en cause le fait que le verdict ne repose que sur le témoignage de la seule victime encore en vie. Le deuxième enfant de choeur, mort d’une overdose en 2014, n’avait jamais fait état à ses parents de l’agression.
 
George Pell a notamment été reconnu coupable d’avoir imposé une fellation à l’un des adolescents et de s’être masturbé en caressant l’autre.