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 d’ADHEOS

Alors que les mouvements nationalistes gagnent du terrain en Europe, une menace d’égale importance plane sur les droits LGBT. Dans ce contexte, les prochaines élections européennes s’avèrent cruciales.
 
Fin septembre 2018, près de 2’075’400 étrangers vivaient en Suisse. Plus de 80% des étrangers établis dans notre pays proviennent de pays européens. Si l’on ajoute à cela, comme le relate la «NZZ am Sonntag», qu’à travers le monde, près de 1,5 million de citoyens helvétiques ont désormais en poche au moins deux passeports, il est alors assez clair que la Suisse jouera un rôle dans les prochaines élections européennes qui se tiendront du 23 au 26 mai.
 
Ces élections, rappelons-le, dessineront le visage du Parlement européen de Strasbourg. Les eurodéputés éliront par la suite le président de la Commission européenne qui aura été tête de liste du groupe parlementaire victorieux. Les parlementaires valideront également les candidatures des commissaires proposés par les Etats membres. Autant dire que le renouvellement des pouvoirs législatifs et exécutifs va faire de Bruxelles et Strasbourg le centre de toutes les attentions politiques en 2019. Mais le vrai enjeu de ce scrutin se joue dans les Etats. L’euroscepticisme est un des socles idéologiques des partis nationalistes qui gagnent du terrain chez tous nos voisins et logiquement la défiance à l’égard de l’Union va crescendo. Ces mêmes partis font de l’homophobie un axe de mobilisation de leur électorat. On se souvient par exemple des propos du nouveau ministre Italien de la famille Lorenzo Fontana (Lega) qui nous gratifiait, dès son arrivée au palais du Quirinal, d’un aussi inquiétant qu’inoubliable «la famille naturelle est attaquée. Les homosexuels veulent nous dominer et effacer notre peuple.»
 
Beaucoup se joue à Bruxelles
A cette formule choc qui a fait mouche dans une Italie catholique, nous pouvons opposer celle du vice-président néerlandais de la Commission européenne invité lors du meeting annuel de l’International lesbian and gay association section Europe (ILGA Europe) réunie à Bruxelles fin octobre. «Nous ne détruisons pas les familles, nous les créons», affirmait alors Frans Timmermans, pour qui «empêcher ce retour en arrière est la responsabilité de tous et de toutes et non pas uniquement des personnes [LGBT] directement concernées.»
 
Nous le disions plus tôt, les mouvements nationalistes gagnent du terrain en Europe et les attaques sur les droits des personnes LGBT se multiplient. A l’image du récent référendum en Roumanie (pays qui assure depuis aujourd’hui la présidence de l’UE) sur l’interdiction du mariage égalitaire. Avant le scrutin, le président de l’association Roumaine Accept, Florin Buhuceanu, affirmait dans les colonnes du Monde: «Le but de ce référendum est de rompre avec l’UE et ses valeurs qu’une partie des hommes politiques détestent. C’est une attaque contre la démocratie, et c’est immoral de faire de nous les boucs émissaires de partis politiques qui essaient de regagner une popularité par tous les moyens. Mon pays me fait peur.» Le référendum aura au final été invalidé en raison d’une participation trop faible.
 
Une idéologie rampante
L’enjeu du prochain scrutin européen est donc bien de contrebalancer ces mouvements rétrogrades nationalistes. Pologne, Italie, Slovaquie, Hongrie, Autriche, Bulgarie sont autant de pays actuellement gouvernés en partie par des partis nationalistes. Des partis qui progressent en Suède, en Allemagne, en Croatie, en Grèce, en France, en Belgique ou encore dans les pays baltes (liste non-exhaustive). Ce qui est d’autant plus inquiétant est que l’objectif de déconstruire le tissu juridique en matière de liberté sexuelle et reproductive n’est pas voilé. Au contraire, il se cristallise dans une feuille de route tenue secrète jusqu’à peu et intitulée «Restoring the natural order» ou dans sa version plus soft«Agenda Europe». Un texte qui a produit des effets concrets sur le débat autour de l’avortement en Pologne, sur les tentatives d’interdire le mariage égalitaire dans certains pays d’Europe centrale ou encore sur les velléités de limitation des droits des femmes. L’hebdomadaire américain de Gauche The Nation rappelait en novembre dernier que «ce mouvement puise […] son inspiration et son expertise de groupes évangéliques américains proches de l’administration Trump et d’oligarques Russes ayant des liens avec le Kremlin, selon des documents d’initiés et des rapports des médias.»
 
Cette situation nous rappelle que la tendance nationaliste n’est de loin pas qu’une affaire européenne mais qu’elle s’exprime bien au niveau mondial. La récente élection de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil n’est qu’un des nombreux exemples récents qui s’inscrivent parfaitement dans cette tendance.
 
Des droits fondamentaux
Il serait bien audacieux de croire que cette trame pourra s’inverser par la seule force du prochain scrutin europééen. Bien au contraire, les tendances électorales sont plutôt inquiétantes malgré une poussée annoncée des Verts (10 à 15 sièges) et une éventuelle recomposition des coalitions. La mobilisation des électrices et des électeurs européens vivant en Suisse s’avère plus que jamais décisive.
 
Il devient également urgent que le corps électoral européen s’assure comme l’appelle de ses vœux l’eurodéputée écologiste Petra de Sutter – également invitée au meeting d’octobre de l’ILGA à Bruxelles – que l’on développe des mécanismes pour éviter des retours en arrière sur les questions liées aux droits des minorités. Bruxelles gère le budget européen et distribue les enveloppes, ce qui demeure un puissant outil coercitif.
 
L’Europe fixe le cadre pour les Etats membres et ceux qui les entourent. L’Europe n’est certainement pas parfaite, la gestion de la crise migratoire est là pour nous le rappeler. Quoiqu’il en soit, «l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits humains et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres» (Art.6 al.1 du traité de Maastricht). L’Europe fixe les standards et conditionne nos droits : voter fin mai, ce n’est rien d’autre que se mobiliser pour notre liberté collective et celle des minorités.