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 d’ADHEOS

Le «oui» pourrait l’emporter, vendredi, lors du référendum sur l’extension du mariage aux personnes de même sexe. Une décision forte dans un pays où l’Eglise catholique est encore très influente.
C’est un tournant qui s’annonce ce 22 mai en Irlande. Plus de trois millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour s’exprimer sur l’inscription du mariage homosexuel dans la constitution. Comme le prévoient les lois du pays, chaque modification de la constitution doit passer par le Parlement puis être soumise et approuvée par un référendum. La dernière modification remonte au 4 octobre 2013 pour instaurer une nouvelle cour d’appel.
 
Pourquoi est-ce un tournant ?
 
La légalisation du mariage homosexuel en Irlande est un pas en avant fort dans ce pays où les traditions catholiques sont encore profondément ancrées dans le pays. Malgré des sondages donnant une large victoire au camp du «oui» (environ 60% de «oui», 20% de «non» et 20% d’indécis), il existe encore beaucoup de réticences dans les zones rurales et les cercles proches des groupes religieux.
 
Le sujet de l’homosexualité est encore tabou en Irlande. Ursula Halligan, éditorialiste pour le quotidien national Irish Times faisait dans son article de samedi dernier son «coming out». La journaliste confie que l’Eglise catholique des années 60 et 70 avait rendu impossible toute mention de l’homosexualité car on enseignait dans les écoles que cette pratique était une «vile perversion». Cette chappe de plomb l’avait conduite à se haïr elle-même, devenant presque homophobe et bien décidée «à emporter son secret avec elle dans la tombe». Il existe de nombreux exemples d’Irlandais qui ont souffert de cette impossibilité de s’exprimer et de vivre leur sexualité librement.
 
Miss Panti Bliss (aka Rory O’Neill), drag-queen irlandaise menacée de poursuites judiciaires pour diffamation après avoir déclaré que faire campagne contre la légalisation du mariage homosexuel était un «acte homophobe».
 
Dans ce pays où l’homosexualité ne fut dépénalisée qu’en 1993 (vingt ans après la France et vingt-six après le Royaume-Uni), les couples de même sexe ont quand même pu bénéficier de l’instauration de l’union civile en 2010. Cette union civile fut accueillie positivement par les associations militant pour l’égalité (comme l’ONG irlandaise Marriage Equality) mais leur lutte porte sur les droits accordés aux couples unis par ce pacs qui ne sont pas les mêmes que ceux accordés par un mariage. Seul le parent biologique peut être reconnu comme responsable légal, les allocations ne leur sont pas versées et leur demeure n’est pas considérée comme le «domicile familial» mais comme une «cohabitation».
 
Quels sont les deux camps qui s’affrontent ?
 
Le Non. Malgré une avance plus que confortable pour le camp du «oui» dans les sondages (près de 60%), la campagne se poursuit et les opposants à la réforme ne baissent pas les bras. Bien qu’il y ait des dissidences au sein de l’Eglise catholique, des prêtres et des nonnes s’étant prononcés en faveur de la réforme, cette dernière tente d’inverser la tendance par l’intermédiaire de groupes de pression. Parmi ces groupes, Le Iona Institute, fondé en 2007 et basé à Dublin, a pour mission de promouvoir des valeurs plutôt conservatrices socialement. Cet institut, qui n’a rien d’un institut et dont le slogan est «Pour la religion et la société», avait menacé l’artiste drag-queen Miss Panti Bliss de poursuites juidiciaires après une interview donnée à la chaîne de télévision RTÉ. La chaîne publique avait dédommagé le Iona Institute à hauteur de 85 000 euros.
 
Les chrétiens évangéliques sont également présents dans le camp du non. Le prêtre irlandais d’origine nigériane Adewale Kuyebi, de la Christ Apostolic Church, confiait dimanche au Guardian que «100% des 300 membres de sa congrégation voteront non». D’après lui, les membres voteront «non» car ils ont conscience que c’est en opposition avec les écritures saintes. La campagne du «non» a même vu naître des alliances entre les Eglises catholique, évangélique et pentecôtiste.
 
L’opposition est dominée par des groupes religieux, et rares sont les entités séculaires vraiment autonomes. Le groupe Mothers and Fathers Matter («Les mères et les pères sont importants») a été fondé par l’universitaire Ray Kinsella, son actuel président, mais, parmi ses membres influents, se trouve David Quinn, chroniqueur catholique et membre du Iona Institute.
 
Le Oui. Dans le camp du «oui», on trouve les associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) tel que le Gay and Lesbian Equality Network (GLEN), le Conseil irlandais pour les libertés civiles ou Marriage Equality. Elles sont regroupées sous le terme général de «Yes Campaign». On trouve également des associations syndicalistes, humanitaires, étudiantes ainsi que des associations des professionnels de la santé comme les généralistes ou les infirmières.
 
Politiquement, la légalisation du mariage homosexuel est soutenue par tous les partis présents au Dáil Eireann (la chambre basse du Parlement irlandais). Le gouvernement de coalition des Fine Gael (conservateurs au niveau social) et des travaillistes, arrivés au pouvoir en 2011, avait parlé d’introduire cet amendement dès leur prise de position. Le Premier ministre irlandais, s’était fait photographier en décembre lors d’une visite au Pantibar, un bar gay de la capitale.
 
Même si les deux camps s’accordent à dire que l’écart entre le «oui» et le «non» se réduit petit à petit, beaucoup estiment, comme la coalition au pouvoir, que la proposition de légaliser le mariage homosexuel devrait passer.