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 d’ADHEOS

Incertitudes hongroises Le pouvoir conservateur/chrétien-démocrate ralentit l’intégration de la communauté LGBTIQ dans la société. Les associations locales craignent un retour en arrière.
 
Les insultes fusent sur l’avenue Andrássy. Nous sommes en 2008 et la Budapest Pride arpente pour la douzième fois l’artère reliant l’hypercentre au Bois de Ville. Cordons et barrières policières longent le cortège. Sympathisants du parti d’extrême-droite Jobbik et ultracatholiques invectivent les participants qui tentent de faire abstraction. Ainsi débute le documentaire «Meleg Férfiak, Hideg Diktaturák» («Hommes chauds, dictatures froides», meleg signifiant aussi «homos»), signé Mária Takacs.
 
Cette année, ni crachats ni injures. La fête encadrée par un important dispositif de sécurité s’est déroulée sans heurts. Si la Hongrie a décriminalisé l’homosexualité en 1962 et légalisé le pacs en 2009, le retour du conservateur Viktor Orbán aux affaires, en 2010 après deux mandats sociaux-démocrates, a annihilé les espoirs de mariage gay ou lesbien. Pas question de bouleverser le moule familial classique fermement soutenu par un leader politique autrefois progressiste. Hors papa/maman, point de salut.
 
Défense de la famille
 
«Orbán a fait ratifier une loi dite «défense de la famille» en 2011 grâce à sa majorité des deux-tiers à l’Assemblée, puis constitutionnalisé l’union d’un homme et d’une femme en 2013», pointe Tamás Dombos de la Háttér Társaság, association accolée à la fédération LGBTIQ magyare. «Il n’est pas foncièrement homophobe contrairement à son vice-Premier ministre Zsolt Semjén ou au maire de Budapest István Tarlós. Disons plutôt qu’il refuse de prendre cette thématique au sérieux».
 
«Orban n’est pas foncièrement homophobe, disons plutôt qu’il refuse de prendre cette thématique au sérieux»
 
Le dossier s’est pourtant largement invité dans la société hongroise depuis la chute du «socialisme du goulash» en 1989-1990. L’ONG Homeros lancée en pleine vague du sida et le fanzine «Mások» («Les Autres») ont accompagné l’essor d’une communauté jusqu’ici contrainte de se rencontrer en catimini au Café de l’Université ou lors de soirées underground en appartement organisées des mois à l’avance. Aujourd’hui, l’AlterEGO Club et le Why Not incarnent la quintessence d’une vie nocturne foisonnante.
 
«L’entrée dans l’UE (en 2004, ndlr.) a facilité les rencontres et fragilisé ceux qui nous détestent», affirme Gergő Dékany de l’organisme Szimpozion, régulièrement en contact avec des confrères étrangers. «Notre situation s’est considérablement améliorée par rapport aux années 1970. Tobiás dans «Barátok Közt» (le «Friends» magyar) et le «Mónika Show» (une émission type «C’est mon choix») ont montré que l’homosexualité n’existait pas qu’a l’Ouest et qu’elle n’était pas réservée aux films hollywoodiens».
 
Diversité dans toutes ses acceptions
 
Le monde de l’entreprise s’est également mis au diapason via la fondation Nyitottak Vagyunk («Nous sommes open»), impulsée par Google et le logiciel maison de présentations par ordinateur Prezi. «Nous encourageons la diversité dans toutes ses acceptions: homos, sans-abris, femmes, handicapés…», explique sa porte-parole, Melinda Miklós. «La Pride en est la meilleure célébration. N’importe quelle compagnie qui partage cette vision peut nous rejoindre, petite épicerie ou puissante multinationale».
 
Nyitottak Vagyunk conduisait d’ailleurs un char lors de l’édition 2016 de la marche, qui a rassemblé environ 20’000 personnes sous la bannière arc-en-ciel. Une affluence record synonyme d’énorme pied de nez aux contempteurs du «lobby gay» à l’instar du dramaturge Imre Kerényi. L’artiste revendiquait en mai 2014 la nécessité de «stopper la décadence» et de «purifier les théâtres et les écoles». La charge au bulldozer visait essentiellement son confrère Róbert Alföldi, dont le coming out a partagé la Hongrie.
 
Dániel Holländer a supervisé la manifestation et se réjouit des avancées autour des questions LGBTIQ. «Quand tu compares le premier défilé confidentiel de 1997 et celui de 2016 où les médias pullulaient, la différence saute aux yeux. Le mouvement s’est professionnalisé, les grandes villes de province comme Pécs ou Szeged hébergent des assos et les outings sont courants. L’union civile existe et des dizaines d’ambassades nous appuient. C’était carrément inimaginable avant l’effondrement du communisme».
 
Inimaginable mais améliorable. Les droits des homos intéressent peu au-delà des cercles impliqués. Les forces de l’ordre ont tenté d’interdire la Pride en 2012, mais un tribunal en a décidé autrement. Le maire du huitième arrondissement de Budapest, Máté Kocsis, souhaite qu’une «hétéro pride» puisse investir la capitale pour «rétablir l’équilibre». Et la télévision publique hongroise? MTV refuse catégoriquement de diffuser le film de Mária Takács. Motif? Les familles ne doivent pas voir ça. Oui, il y a encore du boulot.