NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

Les organes de la victime de 25 ans du chauffard de Nantes ont pu être prélevés. Virgile était gay et ne pouvait pourtant pas donner son sang en raison de son orientation sexuelle. Pourquoi une telle différence ? N’est-ce pas incohérent ? Réponse du député et médecin Olivier Véran, auteur d’un rapport parlementaire sur cette question.
 
L’incohérence la plus flagrante n’est pas de pouvoir donner ses organes quand on est un homme homosexuel, mais pas son sang. Elle réside plutôt dans le fait que la seule orientation sexuelle, passée ou présente, peut devenir un critère d’exclusion à vie du don de sang. 
 
Car oui, aujourd’hui, tous les individus masculins qui ont eu au moins un rapport sexuel avec une personne de leur sexe, fut-il 20 ans en arrière, sont écartés pour toute leur vie du don de sang.  
 
Les pratiques présentent des risques, pas l’orientation
 
Cette décision a été prise dans les années 1980, en pleine épidémie de Sida, lorsqu’il s’est avéré que la transmission du VIH touchait davantage les homosexuels. 
 
Avec 30 ans de recul, avec la pratique systématique de tests sur les poches de sang prélevé, avec les connaissances que nous avons maintenant sur la transmission virale, continuer à écarter de manière systématique les homosexuels me semble relever davantage de la "facilité" que de la rigueur scientifique.  
 
Et répétons-le, le problème n’est pas l’orientation sexuelle mais les pratiques à risque. Des pratiques que l’on peut tout à fait retrouver chez des hétérosexuels. D’ailleurs, la moitié des poches de sang contaminées (repérées et détruites) provient de personnes hétérosexuelles, et pour un quart de donneuses.  
 
Un consensus à droite comme à gauche 
 
Et dans les faits, certains hommes ayant eu au moins un rapport sexuel avec un autre homme donnent leur sang. C’est ce qui ressort de l’enquête parlementaire que j’ai menée sur cette question. Pour différentes raisons, nous nous sommes rendu compte que les personnes n’étaient pas toujours sincères dans leurs réponses.  
 
La question qu’il faut se poser est : à partir de quand les critères sont-ils trop discriminants ? Le rôle du politique n’est pas de définir l’état de la science, mais d’interroger les autorités compétentes. En l’occurrence il y a consensus à gauche comme à droite pour remettre en cause ce mode de sélection. Xavier Bertrand parlait même de cette contre-indication visant les homosexuels au passé dans un article du "Monde" en 2006. Idem pour Roselyne Bachelot.  
 
Tout un symbole 
 
Le don du sang est un thème extrêmement sensible en général. Il n’est pas faux de dire qu’il a pu être utilisé pour affirmer des différences raciales, notamment aux États-Unis, où il était interdit de transfuser une personne blanche avec le sang d’une personne noire. En Russie, les homosexuels peuvent donner leur sang mais un député nationaliste a déposé une proposition de loi visant à l’interdire, à visée discriminatoire. 
 
En France, le motif d’éviction est tout autre, c’est le principe de précaution qui prend le pas sur toutes les autres considérations. Surtout depuis l’affaire du sang contaminé qui a laissé de très douloureuses traces dans la mémoire collective. Assouplir les règles en vigueur ne serait pas une marque de laxisme, ou un renoncement à la sécurité sanitaire.  
 
Au contraire, réviser les critères d’éviction pour tenir compte des pratiques à risque, toutes les pratiques à risque, au lieu de la seule orientation sexuelle, permettrait plus de sécurité pour les personnes transfusées.  
 
Un marronnier
 
Pour le don d’organe, l’orientation sexuelle n’est plus un critère discriminant depuis 2007. Le jeune homme homosexuel, victime du chauffard de Nantes, a ainsi pu être prélevé récemment. Je ne suis pas expert des transplantations, mais la fenêtre sérologique (période durant laquelle le virus est indétectable) me paraît sensiblement la même. 
 
On aurait juste besoin d’un arrêté ministériel pour changer le formulaire que toute personne remplit avant la prise de sang. Aux dernières nouvelles, nous attendons l’avis du Comité consultatif national d’éthique qui doit s’exprimer sur cette question depuis un an. La Cour de justice européenne, saisie de la question, pourrait bientôt condamner la France pour pratique discriminatoire. C’est en tous cas ce que vient de demander l’avocat général.