NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

Le tribunal de Brive a validé l’adoption plénière de Marie et Victoire par l’épouse de leur maman. Mais le parquet fait appel.
 
Lorsqu’elles apprennent la nouvelle, Chrystelle et Valérie (1) sont à New York avec leurs deux filles, Marie et Victoire. Un petit SMS de leur avocate Laurence Boucherat pour une grande victoire. Le jugement du tribunal de grande instance (TGI) de Brive leur est favorable : l’adoption plénière (2) par Valérie de Marie, 12 ans, et Victoire, 9 ans, est prononcée le 4 juillet.
 
« Comme n’importe quelle femme »
 
« C’était un grand soulagement. On a débouché le champagne », raconte Valérie, l’heureuse deuxième parente, enfin reconnue juridiquement. Chrystelle et elle, Tullistes, vivent en couple depuis vingt-quatre ans… Et travaillent ensemble depuis vingt ans.
 
Début des années 2000, le désir d’enfants monte chez Chrystelle, « comme chez n’importe quelle femme. Je ne voyais pas ma vie sans enfants mais pas à n’importe quel prix ». « Il a fallu des mois et des mois de réflexion avant de franchir le pas. Deux ans en tout », calcule Chrystelle. Très vite, le choix du donneur anonyme est retenu et la procréation médicale assistée (PMA) programmée en Belgique, car elle est interdite en France pour un couple homosexuel. Marie naît en 2002, suivie de Victoire, en 2005, « née du même donneur. Ce sont des vraies sœurs. C’était pour nous primordial », raconte la maman.

Maman et «nounou»
 
Des conditions de leur naissance, Marie et Victoire savent tout. « Nous n’avons jamais rien voulu leur cacher, explique Chrystelle. Elles n’ont qu’une maman, c’est moi. Valérie, c’est leur deuxième parent. Elles l’appellent “nounou” ».
 
Une « nounou » qui les élève pour qu’elles ne manquent de rien. Mais Valérie ne possède aucun droit sur les filles, pas d’autorité parentale. Impossible de signer les mots de l’école, de prendre une décision les concernant. Pire, s’il arrive quelque chose à Chrystelle, Valérie n’est rien pour les filles aux yeux de la loi.
 
Aussi, à Tulle, dans la ville du président de la République, dès qu’elles ont pu se marier, Chrystelle et Valérie sont passées devant le maire le 31 août 2013. « C’était une joie de pouvoir régulariser la situation des enfants car s’il m’arrivait quelque chose, ils partaient à la DDASS », explique Chrystelle. Le mariage homosexuel ouvre donc les portes de l’adoption à Valérie. Leur avocate Laurence Boucherat dépose le dossier au TGI de Brive en avril.
 
En se présentant en mai devant les juges, Valérie et Chrystelle s’attendaient plutôt à un moment de joie. « Ça a viré au cauchemar, se remémore Chrystelle. Les juges étaient glaciales, elles ne nous ont posé aucune question. Je me suis sentie piégée, accusée. » Le ministère public avait décidé de s’opposer (voir par ailleurs).
 
«Douche froide »
 
« Les filles étaient présentes, regrette aujourd’hui leur maman. Elles n’ont pas compris. La petite a pensé qu’on allait me mettre en prison?; que si l’adoption n’était pas acceptée, elle irait à l’orphelinat. C’était impensable puisque je suis leur vraie mère?! » Enfants et parents sont sortis en pleurs du tribunal. Chrystelle évoque une « douche froide ».
 
Rendu le 4 juillet, le jugement leur a été finalement favorable. Jusqu’à l’annonce de l’appel. « Ce que l’on veut juste, c’est que les filles soient protégées par la loi. On se bat pour elles », conclut Valérie.
 
Laëtitia Soulier
 
(1) Les prénoms ont été modifiés.
 
(2) L’adoption plénière, à l’inverse de l’adoption simple, rompt tout lien de filiation entre l’enfant et ses parents biologiques