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 d’ADHEOS

Alors que Twitter joue au chat et à la souris avec les associations et le gouvernement, beaucoup s’interrogent sur les dispositions juridiques qui pourraient faire plier le réseau social. Pour l’avocat Emmanuel Pierrat, la question n’est pas là.
 
Les hashtags homophobes, antisémites ou racistes sur Twitter ont créé la polémique ces dernières semaines. Mardi, les responsables de Twitter faisaient faux-bond à Najat Vallaud-Belkacem et aux associations de lutte contre l’homophobie qui réclamaient des comptes au réseau social après l’affaire du hashtag SiMonFilsEstGay (lire article). Mercredi, l’avocate en France de la firme déclarait ne pas savoir si l’entreprise devait se plier à la loi française lors de l’audience au Tribunal de Grande Instance de Paris, contre l’Union des Etudiants Juifs de France. Emmanuel Pierrat, avocat spécialisé dans les droits de l’édition, dénonce l’absence d’une volonté politique forte pour que le réseau social respecte les lois en vigeur dans notre pays.
 
TÊTU.com: La France a-t-elle les moyens juridiques de faire plier Twitter?
Emmanuel Pierrat: Oui, et le fait que Twitter soit une entreprise américaine ne change rien. A partir du moment où elle est présente sur le territoire français, elle est sous le joug de sa législation. Il y a 10 ans, Ebay vendait sur son site des objets nazis, le parquet a fini par faire retirer les objets de la vente. En tant qu’hébergeur de contenu – et non éditeur – Twitter a le devoir, selon la loi française, de nettoyer les contenus illégaux sous 8 jours, avant d’être considéré comme responsable. Quant à l’identité des utilisateurs, Twitter les balance sans problème aux Etats-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme, donc dénoncer les auteurs de tweets antisémites, racistes ou homophobes ne devraient pas davantage aller à l’encontre de leurs règles de confidentialité.
 
Alors pourquoi donnent-ils l’impression d’être intouchables?
C’est un manque de volonté politique. C’est aux pouvoirs publics de saisir la justice, même si les associations le peuvent, comme c’est le cas avec l’Union des Etudiants Juifs de France dans le cas des messages antisémites. Mais c’est surtout au gouvernement de montrer ses muscles, ce sont les seuls qui puissent mettre en place le rapport de force nécessaire. Quand Google s’installe en Corée du Nord, ce ne sont pas les lois américaines qui sont appliquées, mais bien celles du régime du pays d’accueil: censure et flicage. Le gouvernement devrait juste ne pas céder à la facilité.
 
Vouloir filtrer les messages homophobes, antisémites ou racistes sur Twitter est une atteinte à la liberté d’expression pour certains…
L’argument de la liberté d’expression, c’est une confusions de neuneus qui ont lu les quinze premières pages d’un bouquin de Tocqueville. La liberté d’expression américaine, le Freedom speech, permet aux racistes du Ku Klux Klan de défiler avec des croix pour revendiquer la haine. Notre liberté d’expression est solide, garante de notre démocratie. Les injures et les propos racistes ou homophobes troublent l’ordre public, conduisent à la haine et aux faits-divers sordides. De plus, faire de Twitter le terrain privilégié de la liberté d’expression – alors que l’on s’y exprime en seulement 140 caractères – c’est un non-sens intellectuel.
 
Mise à jour à 16h20 (avec AFP): Entretien téléphonique de Najat Vallaud-Belkacem avec Twitter
La ministre des Droits des Femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a indiqué aujourd’hui avoir engagé «un travail en commun» avec Twitter pour «prévenir» le «déferlement» de propos antisémites et homophobes sur le réseau social.
 
Mercredi, a l’issue d’un premier entretien téléphonique avec le vice-président de Twitter, Colin Crowell, chargé des politiques publiques, «un travail en commun» a été «engagé» pour «permettre d’apporter les clarifications juridiques nécessaires» et «mettre en oeuvre rapidement les mesures techniques utiles», a ajouté le ministère, sans d’autres précisions. Une réunion se tiendra «dans les prochains jours» afin «d’associer à ce travail» les organisations de la société civile mobilisées sur ces thèmes. Najat Vallaud-Belkacem a fait part de sa «détermination à ce que des résultats soient rapidement obtenus».