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 d’ADHEOS

Le numéro 212 de Têtu – avec le chanteur Mika en couverture et un dossier « Tout sur la drague en 2015 » – sera-t-il le dernier ? La menace d’une disparition du magazine gay est désormais imminente. Placé en redressement judiciaire le 1er juin, le titre bénéficiait d’une période d’observation de quatre mois. Mais celle-ci va être plus courte que prévue, tant ses difficultés financières sont importantes.
 
Selon nos informations, une demande de conversion du redressement en liquidation judiciaire a été établie et l’audience au tribunal de commerce a été fixée au 23 juillet. A cette date, le tribunal pourrait donc prononcer la liquidation judiciaire de ce titre vieux de vingt ans.
 
Deux offres de reprise
 
Deux ans après la légalisation du mariage homosexuel en France, la disparition d’un titre emblématique des combats de la communauté gay serait paradoxale aux yeux de Yannick Barbe, directeur d’une rédaction qui ne compte plus que neuf membres permanents.
 
Deux offres de reprise sont pourtant arrivées sur le bureau de l’administratrice judiciaire. Mais elles ont été jugées insuffisantes. L’une d’elles, « Rachetons Têtu », comptait rassembler des lecteurs à travers une plate-forme de crowdfunding. Mais elle n’a pas réussi à mobiliser suffisamment de personnes. En outre, ce mode de financement n’offre pas de garanties de pérennité.
 
D’autres investisseurs potentiels ont regardé le dossier, sans déposer d’offre. « Ils ne semblent pas convaincus de l’apport de “Têtu” au sein d’un groupe de presse, pense M. Barbe. La marque ne trouve pas grâce aux yeux de tous les annonceurs. Et sans doute considèrent-ils que c’est un média de niche. »

Un modèle incertain
 
Au-delà des questions d’image, Têtu paye aussi son absence de modèle économique. « Notre modèle historique est celui du mécénat », rappelle Sylvain Zimmermann, rédacteur en chef adjoint. Jusqu’en 2013, date de sa vente pour un euro symbolique, les pertes étaient régulièrement épongées par Pierre Bergé, son propriétaire historique (et actuel co-actionnaire du Monde).
 
Le paradoxe est que les pertes du magazine ont été réduites ces deux dernières années : de 2,35 millions d’euros en 2013 à 1,1 million d’euros en 2014 et 500 000 euros prévus en 2015.
 
Mais cette cure de rigueur menée par Jean-Jacques Augier, actuel propriétaire du titre, ne lui a pas permis de se développer suffisamment. Les ventes du journal sont passées sous les 30 000 exemplaires, tandis que son site touche moins de 500 000 visiteurs.
 
Un concept qui a vieilli
 
L’analyse de M. Augier est que Têtu paye son isolement, notamment dans sa relation aux annonceurs. Pour lui, seule son intégration dans un groupe pourrait lui permettre de surmonter ses difficultés.
 
Mais la reprise des dettes de Têtu et les investissements nécessaires à la relance d’un concept qui a vieilli et dont le modèle économique est incertain refroidissent les investisseurs. Et pour certains, ne vaut-il mieux pas tenter de récupérer la marque une fois la liquidation prononcée ?
 
L’équipe de Têtu s’attend donc au pire. La préparation du numéro de septembre a été suspendue. « Les choses sont allées très vite, on a été pris de court », témoigne Sylvain Zimmermann qui se souvient qu’il y a cinq semaines à peine, le journal organisait une grande fête au Palais de Tokyo pour ses vingt ans.