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 d’ADHEOS

Transphobie, blagues sur les violences sexuelles, racisme, «l’humour» d’un article sur la prostitution publié dans le magazine féministe ne passe pas.
Le nouveau numéro de Causette est sorti aujourd’hui… et il fait déjà beaucoup parler de lui avec un article finement intitulé «Prostitution, 55 raisons de résister à la tentation (pour vous, messieurs)». Sur Facebook, l’article publié dans le numéro de novembre est présenté ainsi: «Le 27 novembre prochain, une proposition de loi sur la prostitution sera examinée. Parmi les nouvelles mesures visant à abolir les rapports tarifés, la pénalisation des clients sera posée sur la table. Loin d’entrer dans un débat binaire, à savoir «pour ou contre le principe d’avoir des relations tarifées», j’ai préféré, par souci d’efficacité, en appeler à la responsabilisation des hommes, principaux intéressés. Et de leur donner quelques bonnes raisons de prendre conscience qu’on ne consomme pas une femme comme on s’enfile une bière… car la prostitution dans près de 90% des cas, n’est ni plus ni moins que de l’esclavage. Voici 55 donc raisons de résister à la tentation!»
 
PÉDAGOGIE ABOLITIONNISTE
Dans le mensuel, les fameuses 55 raisons sont introduites par un texte résolument abolitionniste: «En mars dernier, Causette a consacré dix-sept pages au sujet, pour répéter et asséner qu’environ 90% des prostituées ne sont rien d’autre que des esclaves… Et que l’image romantique et déculpabilisante de la prostituée consentante et heureuse ne constitue qu’un infime pourcentage de la masse. […] Les clichés, la passivité et l’inaction, ça va bien, maintenant! Place à la prise de conscience, messieurs-dames! Ne nous en remettons pas entièrement au législateur, qui, pétri de bonnes intentions, n’accouchera que de lois inefficaces, voire inapplicables. Loin de vouloir faire la morale, je vous engage à (re)prendre conscience de la formidable responsabilité de chacune et chacun d’entre nous. Comment? Eh bien, par exemple, en vous renseignant avant de propager des lieux communs; en faisant entrer dans le crâne de votre fils que non, on ne s’envoie pas une prostituée comme on s’enfile une bière; en disant à votre fille que toutes les prostituées ne finissent pas comme Zahia, égérie de Karl Lagerfeld, et quand bien même […] Ayez en permanence à l’esprit que consommer une femme, cela a des conséquence qui pèsent une tonne de misère.»
 
«PARCE QUE…»
Après l’introduction sérieuse, arrivent les 55 raisons. Deux doubles pages agrémentées de dessins réalisés par Morpheen et Camille Besse. Causette se risque à l’humour… et dérape: blagues sur le viol («parce que tant qu’à se taper une fille qui n’a pas envie, autant la violer, c’est moins cher (mollo on déconne)»), transphobie («parce que vous n’êtes jamais sûr que cette "fille" qui vous excite tant n’en a pas une plus grosse que la vôtre. Sauf si vous êtes là pour ça»), racisme («parce qu’une "mama" (mère maquerelle africaine) qui vous fait avorter a coup de pieds dans le ventre n’a rien d’une bonne mère»). De plus, sous couvert de vouloir alerter sur la réalité de la prostitution, certaines raisons affichent finalement un profond mépris pour les prostituées elles-mêmes: «parce qu’il y a toujours moyen de se bricoler une pute acceptable avec une pastèque trouée. C’est écologique et semi-comestible.»
 
COLÈRE ET DÉCEPTION
Depuis hier, des lecteurs/trices se déchaînent sur les réseaux sociaux face à l’humour plus que douteux du magazine. Le Syndicat des Travailleurs/euses du Sexe a aussitôt réagi en publiant un communiqué de presse: «Après "Les jeunes pour l’abolition" et leur méprisante vidéo auxquelles de très bonnes réponses ont été apportées ici et là, c’est aujourd’hui l’initiative putophobe de Causette que nous découvrons. Et parce que, quand on n’aime vraiment pas les putes et qu’on veut vraiment buzzer, il serait dommage de ne pas surenchérir avec du racisme, de la transphobie, et des blagues sur les violences sexuelles, c’est de tout cela en même temps que nous gratifie ce torchon prétendument féministe.» Une lettre ouverte a aussi été diffusée de façon anonyme, ainsi qu’une autre sur le blog de la yaggeuse @8DarkCat8 Comme une bombe dans une fosse septique. De nombreuses personnes ont tweeté leur étonnement, leur déception, mais aussi leur colère face au mépris affiché de l’article pour les prostitué.e.s;