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 d’ADHEOS

Olivier Périnet, maire de Suaux, a déjà réservé la salle des fêtes pour son mariage avec Sébastien. À Touvre, Stéphane et Dominic ont commandé leur alliance. Deux couples "comme les autres".
 
Ceint de son écharpe tricolore, il était de la première manifestation "mariage pour tous" à Angoulême. Trois mois plus tard, Olivier Périnet, le maire de Suaux, un informaticien de 44 ans, a déjà réservé la salle des fêtes pour son mariage avec Sébastien Leguéry, 36 ans. Son compagnon de seize ans. Une rencontre "par Minitel". Les deux hommes attendent l’aval du Conseil constitutionnel pour envoyer les faire-part. Ils ont tout prévu.
 
C’est Sabine Sautereau, la première adjointe, qui officiera, "peut-être assistée de ma mère, conseillère municipale", ajoute le premier magistrat. Ce sont leurs frères respectifs qui seront témoins "avec deux autres personnes: un ami et un cousin". Reste à trouver le traiteur pour une centaine d’invités: des élus, des employés communaux, des proches mais aussi des membres du collectif "L’égalité ni + ni -" avec lesquels ils ont combattu. De vrais soutiens. Ces pacsés de l’an 2000 ont choisi de franchir un pas supplémentaire dans leur union. "Parce que le mariage est une reconnaissance sociale importante. Ça ouvre la porte à une filiation, une adoption qu’on pourra réaliser plus facilement. Ça apporte beaucoup de sécurité en cas d’accident de la vie", estime Olivier Périnet, lucide. Une sécurité, un calme auxquels le couple aspire après les relents homophobes de ces derniers mois. "Un grand jour", savoure-t-il par avance, dans la quiétude de sa commune d’origine.
 
À Touvre, Stéphane Grand le photographe et Dominic Elvin le sculpteur-designer, 44 ans tous les deux, l’oeil clair, la silhouette élancée, ont déjà choisi leur alliance. Deux bagues identiques fabriquées par un artiste catalan, en titane poli, avec deux anneaux en or rouge mobiles à l’intérieur. Ils ont prévu de se marier la "deuxième quinzaine de juillet" dans leur nid de Touvre. Un nid douillet où ils se sentent acceptés. Ils restaurent une bâtisse depuis janvier 2012. "Il faut le temps d’avertir tout le monde. On a une famille de toutes tendances, de toutes couleurs, de toutes nationalités et ça fonctionne très bien parce qu’il y a de l’amour", glisse Stéphane. L’Angoumoisin d’origine est déjà assuré de la présence de son fils de 21 ans et de sa demi-soeur. "Une présence très symbolique."
 
Stéphane et Dominic se sont rencontrés par internet il y a douze ans. Ils ont vécu ensemble à Londres avant de choisir Touvre. "Le projet de loi n’était pas encore sur la table" que Stéphane s’inquiétait du devenir de leur maison si "malheur" lui arrivait. "Dominic n’avait plus qu’à prendre ses valises. Mais l’idée du mariage nous serait venue sans l’acquisition de ce bien. Nous avons survécu à toutes les crises", précise-t-il. "On fait une bonne paire, nous sommes très différents. Ce qui fait notre richesse", complète son compagnon. Tous les deux espèrent que ce long débat aura éclairé les regards. "On est normaux, on a les mêmes soucis, les mêmes joies que les autres couples." Ni plus, ni moins.
 
C’est plus romantique
 
Sam et Audrey (Photo S. C.), 29 ans, avaient prévu de se marier dès la promulgation de la loi mais les deux Chazelloises vont devoir patienter un an. "D’ici un mois, on sera propriétaires et on n’a plus les moyens financiers", reconnaît la première en assurant que ça ne remet pas en cause leur décision. "On le fait d’abord parce qu’on s’aime. Ça ne va rien changer au niveau de notre relation amoureuse mais rien ne nous différenciera plus d’un couple normal. Au niveau du symbole, de la société, on sera un couple à part entière. Le mariage simplifie les choses. On compte avoir des enfants par insémination. Il faut aussi penser à la succession", détaille Sam, agent de service qui voit dans le mariage un vrai engagement à la différence du Pacs. "On s’est pacsé pour des raisons administratives, parce qu’on achetait la maison et qu’on devait faire un testament." "Le mariage, c’est plus romantique", complète Audrey qui aimerait bien se marier à Mornac. Une mairie où elle se sent bien avec le maire, Jacques Persyn, qui a participé à la manif angoumoisine pour le mariage pour tous. "On fera peut-être le mariage et après les enfants", ajoute la jeune femme qui a "envie de vivre une grossesse".
 
Les "anti" en ordre dispersé
 
Il y a ceux qui ont baissé pavillon et ceux qui ne se voient toujours pas célébrer le mariage de deux hommes ou deux femmes. "Je n’ai pas changé de position. Je ne marierai pas deux hommes ou deux femmes. Je considère que cette loi est une erreur", persiste ainsi Robert Guilloton, maire de Salles-d’Angles, près de Cognac. À un moment, il avait même envisagé de rendre son écharpe tricolore en cas de vote de la loi. Il va finalement la conserver, au moins jusqu’à la fin de son mandat. Et si un couple homosexuel frappe à la porte de sa mairie pour se marier, c’est l’une de ses adjointes qui officiera. À Baignes, Pierre Jaulin (Photo archives CL), le maire, a mis un terme à son combat contre le mariage homo. Il est toujours contre, farouchement contre. Mais l’élu est légaliste avant tout. "En tant que maire, on est là pour représenter la loi. Je ne suis pas d’accord, d’ailleurs il y a beaucoup de choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord, mais j’ai ma responsabilité de maire. C’est voté, c’est voté", explique l’élu divers droite, qui verra tout de même si l’un de ses adjoints ne peut pas officier en cas de mariage homo dans la commune. "Mais s’il n’y a personne, je ne me défausserai pas. Je le célébrerai."
 
Premiers mariages possibles mi-juin
 
L’Assemblée nationale a adopté mardi par 331 voix pour et 225 voix contre le projet de loi Taubira, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. La France est le quatorzième pays à accorder le mariage aux couples homosexuels, le neuvième en Europe, à l’issue d’un marathon de près de quatre mois émaillé de manifestations et de violences homophobes jusque dans les derniers instants. Un individu a tenté de perturber l’ultime séance en déployant une banderole dans l’hémicycle. L’adoption du mariage pour tous est aussi un succès pour Christiane Taubira, la garde des Sceaux qui a défendu avec pugnacité le projet. La ministre a ponctué son discours en citant Nietzsche: "Les vérités tuent, celles que l’on tait deviennent vénéneuses." L’opposition a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel qui a un mois pour se prononcer. Si les magistrats ne censurent pas le texte, le président de la République pourra le promulguer. Les premiers mariages entre personnes de même sexe pourraient ainsi avoir lieu à la mi-juin.