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 d’ADHEOS

  Les FtMs connaissent un succès grandissant auprès des lesbiennes. Comment les Transboys vivent-ils ce phénomène très récent?
 
  Pour toutes celles qui clignent des yeux en lisant ce titre, petit rappel: «FtM» est le sigle pour l’expression anglaise «Female To Male». Elle désigne les personnes nées avec un sexe biologique féminin, en transition ou ayant transitionné vers un genre masculin. Selon le ressenti ou les revendications politiques, les FtMs choisissent une identité d’homme ou une transidentité (ni homme, ni femme).
 
 
Sujet délicat ? Un peu. Véritable arène de tensions politiques, la question trans est à prendre avec des pincettes. En abordant le thème du succès rencontré par bon nombre de FtMs chez les lesbiennes, nous espérons participer, à notre échelle et avec légèreté, à l’intégration et à la visibilité des trans…
 
Nos beaux gosses à nous
Dans les soirées queer, on aime mélanger les genres et jouer avec. Là, dans ce microcosme qui fait rempart à certaines normes, la sexualité se pluralise. Alors on ne s’étonne pas de voir sa pote lesbienne au bras d’un type barbu… et si ce dernier a un peu de relief sous le tee-shirt, pas de quoi s’exclamer non plus! Les FtMs ont un sacré succès chez les lesbiennes – et pas qu’elles certainement…
 
Et puisque Têtue s’intéresse de très près à ce que vous aimez, on a fait notre petit tour de quartier pour récolter quelques témoignages. Plusieurs lesbiennes, "transloveuses" et FtMs, et se sont confiés…
 
Un succès contrasté
 
La première chose que rappellent les jeunes gens que nous avons rencontrés, c’est qu’ils ne plaisent pas partout ni à tout le monde. Dans la rue, quand le regard des passants montre clairement qu’ils s’interrogent sur leur sexe, certains s’en amusent, d’autres se sentent plutôt mal à l’aise… Hyppolite (photo), qui a récemment commencé une transition à Paris, insiste: «Dans la rue, je ne me fais pas draguer! On me dévisage parce qu’on se dit "est-ce que c’est une fille ou un garçon?". C’est la première chose qui à l’air de leur venir en tête!» Louis (photo), vit à Montpellier et rappelle que «ce n’est pas une ville très queer»… Pour lui, son apparence masculine lui confère une certaine invisibilité: «Dans ma vie quotidienne, je passe pour un mec lambda. Mais dans la sphère privée ou militante, je suis trans.»
 
Si la réalité sociale est loin d’être évidente lorsqu’on ne correspond pas aux catégories sexuelles juridiques et sociales, il existe une forte solidarité au sein du milieu trans et queer. La plupart sont frappés par une attitude très accueillante lorsqu’ils ont commencé leur transition. Pour Hyppolite, «il y a vraiment une solidarité: quand tu commences les hormones, il y a toujours d’autres trans pour te donner des infos».
 
Un rapport nouveau aux lesbiennes
Mais s’ils évoquent sans retenue le soutien de la communauté queer, ils montrent un sourire plus gêné lorsqu’intervient la question de leur succès… Du côté des parisiens, il y a confirmation: "c’est vrai que quand tu es un jeune trans qui arrive dans le milieu, tu te fais beaucoup draguer!" Par les lesbiennes? "Par tout le monde!", rigole Kay (photo), qui a commencé une transition début 2009, "mais il faut dire que dans le milieu queer parisien, il y a beaucoup de gouines. C’est un milieu beaucoup plus féminin qu’à San Francisco où Berlin par exemple". D’ailleurs, il précise que le succès auprès des lesbiennes hors milieu queer est "quelque chose de très récent, ça a commencé il y a un an et demi à peine". Cet aspect serait en bonne partie le fruit "d’un gros travail pour la visibilité des trans" qui passe par des shows, des manifestations etc.
 
En plus, de nombreux FtMs ont fréquenté le milieu lesbien. C’est le cas de Louis: «Avant de transitionner, je m’identifiais comme gouine, butch. Je connaissais très bien le milieu lesbien», ou de Kay qui passait plutôt pour une «gouine androgyne». D’ailleurs, leur transition n’est pas toujours bien vue par celles-ci: Kay nous parle des premières réactions: «j’ai plutôt eu droit à des réassignations du genre "t’es une femme, tu resteras une femme"». Quant à Hyppolite, on a pu lui reprocher une sorte de défaite: «Certaines m’ont dit qu’il était dommage que je n’assume pas d’être lesbienne…» Mais il nous rassure: «heureusement il y a plein de filles ouvertes à qui ça ne pose aucun problème!»
 
 
On pourrait croire qu’une fille qui sort avec un garçon, ce n’est plus une lesbienne. Ou qu’une relation lesbienne n’est pas constructive pour quelqu’un qui ne veut plus être une fille… D’ailleurs, Hyppolite évoque ce problème: «J’ai eu une longue relation avec une fille lesbienne, et je crois que notre couple a été mis en péril parce qu’il y avait un décalage: elle se projetait dans un rapport lesbien, alors que moi je me sentais dans un couple hétéro…» Mais il se rassure, car la sexualité, c’est quelque chose de plus complexe que nos catégories sexuelles: «Je pense qu’une fille lesbienne peut sortir avec moi, me voir vraiment comme un garçon tout en appréciant ma part de féminité, que je veux d’ailleurs conserver.»
 
Ces garçons qui nous plaisent…
Car les garçons ou les trans FtMs rappellent souvent qu’il n’ont pas le même parcours qu’un homme biologique: «Je ne pourrai jamais dire que je suis comme un mec bio, parce que je n’ai pas grandi en tant que garçon, et qu’être un homme, c’est un construction sociale" confie Kay. Ce qui, pour Hyppolite, est aussi une force: «je ne peux pas renier ma culture lesbienne féministe, et je serai féministe avec de la barbe!», rigole-t-il. De toute façon, leurs relations lesbiennes antérieures ne les renvoyaient pas, pour la plupart, à une identité féminine: «Même sans avoir lu Wittig, je me disais qu’une gouine ce n’était plus une fille!» rigole Kay.
 
D’ailleurs, l’ambiguïté sexuelle et les personnes androgynes, c’est souvent très attirant, et les lesbiennes ne diront pas le contraire… Pour Maël, lycéen transgenre de Rouen, l’ambiguïté dans l’apparence agit comme du miel pour les abeilles! Tant dans son ancienne identité féminine que dans sa nouvelle identité: «Je pense que l’androgynie que je dégage attire vraiment! Car avant de m’assumer, j’étais déjà très androgyne. Et depuis que je vis en tant que garçon, j’attire encore plus!». Pour Hyppolite, c’est un avantage et un problème: «Je sais que l’androgynie plaît, on me dit toujours que c’est ce qui attire chez moi. Mais avec les hormones, je vais l’être de moins en moins alors j’espère que je plairai quand-même!».
Cet effet attractif suscite plus ou moins de méfiance. Difficile aussi, parfois, de faire le tri entre l’attirance et ce qui relève de la curiosité. D’autant que les trans subissent souvent une indiscrétion que les bios subissent rarement! Louis évoque les clichés véhiculés: «un homme avec une chatte, c’est marrant», «il doit avoir une personnalité intéressante»… Tous ont déjà senti planer des interrogations autour du contenu de leur caleçon. Pour Maël, c’est un obstacle à ses relations: «Au lycée, j’attire beaucoup de filles, on me dit que je suis beau. Mais pour aller plus loin, il n’y a plus personne…». Du coup, certains préfèrent être prévenant: «Socialement, j’ai envie qu’on me prenne pour un garçon. Mais quand je ferai des rencontres et qu’on me prendra d’emblée pour un mec, je mettrai en avant le fait que je ne suis ni un garçon ni une fille aux vues des attentes normées des individus», explique Hyppolite.
 
 
«Tout ce que je savais, c’est que j’avais une putain d’attirance pour lui»
D’ailleurs, beaucoup voient dans un amour «dégenré» une sorte d’idéal. Et ceux ou celles qui en font l’expérience, comme Marion, le confirment: «Je suis arrivée en mode "Martine à la plage" dans ce milieu queer que je ne connaissais pas. J’ai commencé à discuter avec cette personne, et je n’avais aucune idée de si je devais dire "il" ou "elle", si c’était un garçon androgyne, une fille masculine, en cours de transition ou pas. Tout ce que je savais, c’est que j’avais une putain d’attirance pour lui.»