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 d’ADHEOS

INTERVIEW – Contrairement à ce qu’il annonçait en décembre, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale ne déposera pas d’amendement pour inclure la procréation médicalement assistée (PMA) dans le projet de loi sur le mariage homosexuel. Matignon a convaincu les députés PS d’attendre un nouveau texte en mars, qui sera consacré à la famille. Défenseur de l’amendement, Patrick Bloche, élu de Paris, revient sur cette décision.
 
Le groupe PS à l’Assemblée a renoncé mercredi à introduire un amendement sur la procréation médicalement assistée (PMA) dans le projet de loi sur le mariage pour tous. Regrettez-vous ce choix?
Je suis à la fois très satisfait sur le fond et insatisfait sur la forme. Au moins, à l’heure d’aujourd’hui, les choses sont claires : le groupe parlementaire et le gouvernement sont en phase. Il n’y a plus besoin de débat pour savoir qui est pour la PMA, qui est contre. Tout le monde est désormais pour. Et en plus, l’ouverture de la PMA devrait se faire de façon large, en ne se limitant pas qu’aux couples de femmes mariées. Au moment où nous avons eu le précédent débat au mois de décembre, nous étions dans un contexte beaucoup plus imprécis. On ne connaissait pas très bien la position de Jean-Marc Ayrault et François Hollande avait annoncé que l’initiative revenait au Parlement. Cela donnait l’impression que le groupe socialiste était pour l’ouverture de la PMA et que le gouvernement trainait les pieds. Donc de ce point de vue-là, les choses sont réglées sur le fond.
 
Et sur la forme?
Sur la procédure – et je l’ai exprimé très spontanément auprès de mes collègues -, cela me fait penser à ce vieil adage : "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?" En termes de modification de la loi, je trouve qu’on aime bien compliquer les choses. On l’a fait dès le départ, quand le périmètre du projet de loi a été limité au mariage et à l’adoption. Et à l’arrivée, nous allons avoir deux projets de loi qui se suivent, l’un sera dans les tuyaux avant que l’autre ne soit voté. J’ai regretté qu’on ne fasse pas plus simple, en traitant ces sujets en un seul texte. Or, à partir du moment où la PMA n’était pas dans le projet de loi, nous ne pouvions que passer par la voie de l’amendement.
 
Au risque de rendre un peu plus sensible le débat actuel autour du mariage homosexuel?
Là encore, c’est ce que j’ai rappelé lors de la réunion du groupe. Je pense que dans cette affaire, la PMA n’est pas ce qui fonde l’opposition au projet de loi sur le mariage et l’adoption. Ceux qui vont défiler dans la rue dimanche prochain sont avant tout contre le mariage pour tous. Lors de l’arbitrage gouvernemental l’automne dernier, il y avait l’idée que l’on démobiliserait les opposants si l’on n’incluait pas l’accès à la PMA. On voit bien aujourd’hui que ce n’est pas le cas. L’inconvénient maintenant, c’est que l’on va offrir à ces opposants deux moments parlementaires lorsque nous aurions pu focaliser cette contestation une seule fois. On leur redonne un peu d’oxygène.

Vous contentez-vous quand même de cet engagement du gouvernement de proposer un nouveau texte pour le mois de mars?
Je suis pragmatique, je prends acte de cette décision. Compte tenu de mon implication sur cette question, j’essaye de positiver les choses en me disant que, finalement, gouvernement et députés socialistes ont trouvé une position commune. Et si ça permet aussi de rassembler le groupe socialiste, qui s’était divisé autour de cet amendement… Ce qui compte, c’est le résultat final. Je ne veux pas être plus royaliste que le roi sur cette question.
 
Ne craignez-vous pas que le gouvernement se donne du temps sur cette question?
Je resterai vigilant. Mais compte tenu des engagements du Premier ministre, de l’échéance qui nous a été donnée, je crois que c’est suffisamment concret… Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait revenir en arrière.
 
Les élus PS opposés à l’amendement, qui n’étaient qu’un tiers lors du vote du groupe en décembre, ont-ils remporté la manche?
Oui, mais nous étions dans cette situation où il n’y avait pas d’engagement sur une seconde loi. C’est justement parce que le groupe PS a voté aux deux-tiers pour la PMA que le gouvernement à changer de position. Du coup, les députés réticents à l’ouverture de la PMA se retrouvent désormais relativement seuls, puisqu’ils ne peuvent plus évoquer un soutien implicite du gouvernement. Et dans ce second projet de loi, ils seront par solidarité, au-delà de leur conviction propre, amenés à se prononcer favorablement. Il peut toujours y avoir des irréductibles qui ne seront pas en séance au moment du vote mais cela nous garantit au moins une majorité pour le futur texte.
 
Un amendement sera tout de même déposé par des élus écologistes ou communistes dans le cadre du texte sur le mariage pour tous. Le voterez-vous?
On verra au moment du débat parlementaire où on en sera. Peut-être que ces élus en question seront convaincus de ne pas déposer cet amendement, comme l’ont été les députés socialistes mercredi matin. C’est encore trop tôt pour en discuter.