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 d’ADHEOS

Alors que l’Assemblée a voté la loi sur le mariage et l’adoption, la question de la PMA reste en suspens. Alix Béranger, membre du collectif «Oui Oui Oui» qui continue de se mobiliser, revient pour TÊTUE sur les raisons d’un fiasco.
 
TÊTUE: Que ressens-tu par rapport à ce qui s’est passé autour de la PMA?
Alix Béranger: Ce sont des sentiments mêlés: il y a de la frustration, parce que la loi sur le mariage a été votée à l’Assemblée mais elle aurait pu être plus complète. Ensuite de l’incompréhension, parce que la communication du gouvernement sur le sujet a été très floue. Et de la colère, parce que les gens qui devraient nous aider ne le font pas: on devrait pouvoir s’en remettre à des élus qui nous représentent, à un gouvernement pour lequel on a voté, à des intellectuels… Et en fait c’est pas le cas, on est, nous militants, relativement seuls.
 
A quoi sont dues ces tergiversations autour de la PMA?
Je pense que c’est lié directement à la nature de notre Président. François Hollande veut ménager tout le monde et attendre de voir ce qui va en sortir. Mais c’est une méthode dangereuse, quand on laisse un flou sur des questions de société aussi importantes, il y a forcément des dégâts collatéraux et ça nous nuit à nous, lesbiennes.
 
Il se peut que quelques personnes vraiment bien intentionnées aient poussé les députés à retirer l’amendement en faveur de la PMA du projet de loi sur le mariage pour de bonnes raisons, vu les tensions en interne au PS et vu l’opposition. Mais ce qui rend les choses si douloureuses, d’une manière générale, ces derniers mois, c’est qu’on ne sait jamais quoi penser.
 
Pourquoi à ton avis on a demandé au comité d’éthique de se prononcer sur la PMA? Pour gagner du temps?
Oui, clairement, mais si le gouvernement compte sur une stratégie d’apaisement, c’est un mauvais calcul. Nous on ne lâchera pas l’affaire et les antis non plus. C’est une farce, le comité est très conservateur et composé en grande majorité d’hommes âgés. Qu’ont-ils à voir avec la jeune femme que je suis? Rien! Ils ne sont pas du tout représentatifs et ils devraient dire aux femmes que faire de leur corps? Il y a une part évidente de sexisme là-dedans.
 
Pourquoi est-ce important de distinguer PMA et GPA?
C’est bien de séparer PMA et GPA car ça ne relève pas de la même chose: la PMA existe pour les couples hétéros depuis 1994. La GPA, en revanche, n’est pas légale de toute façon. Donc la PMA, c’est ouvrir l’égalité sur quelque chose qui existe déjà. La GPA, c’est légaliser quelque chose de nouveau, ça mérite un débat: réfléchir à pourquoi ça n’a pas été autorisé, quels sont les pays qui ont de bonnes ou de mauvaises pratiques, etc.
 
Tu parlais de sexisme, tu penses que ça a joué dans les péripéties de la PMA?
Les lesbiennes souffrent d’une double discrimination, puisqu’elles sont femmes et homos. Dans les débats, c’est essentiellement des hommes qu’on voit. A partir de là, c’est compliqué de faire exister des sujets comme la PMA. Et, il faut le dire, la sphère homosexuelle n’échappe pas aux discriminations: un homme homo, ça reste un homme. Au sein de Oui Oui Oui nous avons la chance d’avoir des hommes qui sont là depuis le début, et ça fait du bien! Mais ça n’est pas tout le monde.
 
Il a manqué des porte-paroles femmes, des lesbiennes médiatiques pour faire avancer la question?
Oui, et je ne m’explique pas pourquoi les lesbiennes n’ont pas émergé. En ce qui me concerne, j’ai répondu à pas mal d’interviews, y compris sur des médias nationaux, mon numéro est facilement trouvable mais c’est resté comme quelque chose de confidentiel. Pourtant les femmes sont là, je ne suis pas la seule. Sans faire d’attaque basique des médias, ce sont eux qui font et défont les choses ; Frigide Barjot, ce sont eux qui l’ont faite, on n’est pas obligé d’aller la chercher!
 
Dans les semaines à venir, notre objectif au sein du collectif c’est d’être auditionnés dans le cadre du projet de loi sur la famille. Il faut que les lesbiennes se fassent entendre.
 
Tu as d’autres regrets?
J’attendais des associations LGBT qu’elles soient plus offensives. J’aurais aimé qu’il y ait des prises de positions fermes, des rappels à l’ordre du Parti socialiste. On peut tout à fait faire un travail de finesse, de pédagogie, tout en étant en colère. C’est de l’auto-censure, comme il a pu y en avoir au début de la lutte contre le sida, à l’époque d’Act-up certains disaient «on n’est pas là pour jeter du faux sang sur les ministères». C’est pourtant grâce à ce type d’actions qu’il y a un rapport de force. Je ne reprocherai jamais aux associations de faire un travail institutionnel, on en a besoin, mais des coups de gueule de temps en temps s’imposent.