NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

 Il y a 30 ans, pour la première fois en France, une librairie gay ouvrait. Cette pionnière: les Mots à la bouche, devenue depuis une institution au cœur du Marais. Retour sur son histoire avec son propriétaire, Walter Paluch
 
 TÊTU: Les Mots à la bouche sont devenus un lieu incontournable du Marais. Quelles ont été les principales étapes pour en arriver à ce succès?

 
Walter Paluch: Quand nous avons créé la librairie en 1980, le contexte était difficile, l’homosexualité n’était pas encore dépénalisée, mais nous voulions un lieu ouvert, qui ait pignon sur rue. Nous étions la première librairie gay de France et pendant 15 ans nous sommes restées la seule. Au tout début, nous étions dans le 18e arrondissement et les premières années ont été très dures. En 1983, nous avons emménagé dans le Marais et la librairie a progressivement pris son essor. Quand nous sommes arrivés dans le quartier, il n’y avait que deux ou trois bars homos et ce n’est qu’à la fin des années 80 qu’il est vraiment devenu un quartier gay. La librairie a joué un grand rôle dans cette évolution, en attirant de nombreux gays et en ajoutant un aspect culturel et intellectuel. De nombreux établissements se sont ensuite installés et une dynamique d’ensemble s’est créée. Mais depuis quelques années, on constate une diversification du public du Marais. Le dimanche, c’est presque un quartier hétéro…
 
Comment a évolué la littérature homo ces trente dernières années ?
Elle s’est énormément développée. Dans les années 80, peu d’auteurs s’affichaient homos, il n’y avait que quelques grands noms. Maintenant, on ne compte plus les essais ou les romans sur le sujet, on n’a plus la place de tous les mettre dans les rayonnages ! Mais on ne se limite pas aux livres homos, on s’est beaucoup diversifié. Nous sommes aussi une librairie de quartier et les lecteurs homos ne s’intéressent pas uniquement à leur sexualité. De plus, l’époque a changé : quand nous avons créé la librairie, on ne trouvait nul part des livres concernant les homos, à part ceux de quelques auteurs comme Proust ou Genet. Maintenant, toutes les librairies en proposent, on est contraint d’élargir notre offre. En Allemagne par exemple, les librairies homos vendent exclusivement des livres concernant l’homosexualité, et elles ne marchent pas très bien…
 
Qu’avez-vous prévu pour marquer cet anniversaire ?
Jusqu’au 25 juin, nous organiserons dix événements, des tables rondes, des rencontres avec des auteurs, pour mener une réflexion approfondie sur la situation des homos aujourd’hui. Le programme s’est construit autour de deux idées. Nous voulons d’abord soutenir les petites maisons d’édition gay et lesbiennes, qui sont toujours oubliées des médias. Ensuite, nous proposons deux soirées consacrées à l’histoire, je suis persuadé qu’il faut toujours regarder en arrière pour comprendre le monde et ne pas reproduire les mêmes erreurs. Nous ferons par exemple un hommage à Magnus Hirschfeld, sexologue allemand et pionnier des luttes homosexuelles dans les années 20, et nous recevrons le secrétaire de l’association Les oubliéEs de la mémoire, et auteur d’un livre sur le dernier survivant de la déportation homosexuelle en France.
 
Pour en savoir plus sur l’histoire de la librairie et consulter le programme complet des soirées thématiques : www.motsbouche.com