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 d’ADHEOS

Il y avait la désobéissance civique pour contrer la tyrannie, il y a désormais la désobéissance légale pour s’opposer aux décisions de la représentation nationale. Si la première est légitime, la seconde ne l’est évidemment pas : la loi s’impose à tous !
 
A l’occasion de la nouvelle Manif pour tous, le dimanche 2 février, le gouvernement a rappelé cette règle aux parlementaires du Palais-Bourbon, bientôt rejoint par les représentants de la droite républicaine, qui, soulignons-le, à quelques députés près, ne s’associent pas à cette nouvelle manifestation de rue.
 
Ce qui est en cause, avec ce mouvement, commencé il y a un an avec l’opposition au mariage pour tous, ce ne sont pas les convictions morales affichées par les contestataires – chacun, après tout, a le choix de sa morale familiale, sexuelle, dès lors qu’elle ne nuit pas à autrui – c’est le refus de ces Français d’appliquer la loi. Nous avions déjà vu pareille attitude chez des maires déclarant qu’ils ne marieraient pas des couples homosexuels.
 
DÉGRADATION DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE
 
Cette désobéissance légale, prônée, à l’évidence, par les éléments les plus conservateurs, les plus réactionnaires et les plus extrémistes du corps social, en dit long sur la dégradation de l’autorité publique et d’une perception de la loi, appréhendée, plus que jamais, non comme l’instrument de la liberté mais comme l’outil du pouvoir d’un camp politique et social contre un autre.
 
Or, jusqu’à preuve du contraire, notre démocratie repose sur le principe d’une majorité et d’une opposition, celle-ci ayant le droit, revenue aux affaires, de défaire ce que la majorité ancienne a décidé. Bien sûr, la démocratie française a changé, elle se veut dorénavant, aussi, participative. Elle veut l’accord des citoyens, du moins leur consultation, avant toute prise de décision. Mais, une fois celle-ci adoptée, elle applique la loi. La démocratie participative n’est pas un contre-pouvoir, elle respecte les décisions de la souveraineté populaire.
 
La désobéissance légale – de la loi votée ou de la loi à venir comme celle sur l’IVG aujourd’hui – n’est pas la seule nouveauté politique de ces derniers mois. Il y a en outre le procès en illégitimité fait aux plus hauts représentants de l’Etat.
 
Nous pensons naturellement au désaveu d’une partie des Français pour le président François Hollande. Ne pouvant contester la légalité de l’élection du président de la République, ces Français, arguant de l’inefficacité de son action économique ou de l’injustice de ses choix sociétaux, demandent son renvoi : « Qu’il s’en aille ! », scandent-ils, à la manière venue d’ailleurs. N’est-ce pas là une forme nouvelle et sournoise d’offense au chef de l’Etat ?
 
AFFIRMATION DE LA TOUTE-PUISSANCE DE L’INDIVIDU
 
Désobéissance légale, procès en illégitimité, mais aussi et enfin affirmation de la toute-puissance de l’individu contemporain, cet individu « trop certain » (de soi), qui se veut plus éclairé que ses propres représentants politiques. Citoyen aussi plus radical et, probablement plus grossier – si tant est que ce mot ait un sens chez lui.
 
Car tel est bien le dernier drame d’une société qui semble assister, comme résignée, à la montée du racisme, de l’antisémitisme et de tous les fanatismes. L’ancien président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, ne vient-il pas de rappeler dans un entretien au Journal du dimanche, que les cris « Dehors les juifs » prononcés lors de la manifestation Jour de colère, le 24 janvier, ne l’avaient pas été depuis l’Occupation.
 
Notre société semble regarder, avec la plus grande indifférence, le développement, sur les réseaux sociaux notamment, de toutes les insultes, injures, calomnies et méchancetés dont manifestement les hommes sont capables. Voilà, conjuguées en tout cas, toutes les « saloperies » modernes, pour parler comme Sartre.
 
Soyons-en sûrs, les libertés, la fraternité, l’intelligence elle-même sont aujourd’hui en grand danger. Alors, n’est-il pas temps de s’armer, et d’abord moralement, pour se défaire de tous ces ayatollahs de la pensée la plus rétrograde qui soit ?
  • Auteur : Michel Fize (Sociologue au CNRS, délégué national à la sûreté, à la justice et aux libertés du Mouvement unitaire progressiste)
  • Source Le Monde