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 d’ADHEOS

Le mariage et l’adoption pour tous, le projet de loi du nouveau gouvernement agite les sphères sociales, politiques et religieuses… A priori, seul le législateur est en mesure de modifier la constitution. Mais la communauté catholique ne l’entend pas de cette oreille et manifeste à haute voix son désaccord. Une question se pose alors : l’Eglise a-t-elle une légitimité démocratique à s’immiscer dans le débat politique ?
 
Les sujets de société sur lesquels les Français ont franchement changé leur regard sont rares. L’homosexualité en fait partie. Selon un récent sondage, en 2012, 87% des citoyens pensent qu’il s’agit « d’une manière comme une autre de vivre sa sexualité », contre 56% en 1986. Seuls quelques irréductibles Gaulois ne voient toujours pas d’un bon œil les couples gay, et encore moins former une famille. Parmi eux, les religieux, en particulier les catholiques.
 
Depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, les adeptes de Jésus Christ prennent leur revanche comme ils peuvent. Et pour prouver qu’ils existent encore, ils n’hésitent pas à prendre part aux débats publics dès qu’un sujet les touche. En l’occurrence, faire d’une famille homosexuelle une norme, les touche beaucoup. « Une supercherie » pour certains, « un pas vers la polygamie et l’inceste » pour d’autres, les propos tenus par les ambassadeurs du Tout Puissant sont parfois borderline. Attention, tous les cathos ne sont pas à mettre dans le même panier. Et les différences sont absolues : entre les mouvements homosexuels chrétiens (oui, ça existe !) et les catholiques intégristes pour qui l’homosexualité est une maladie qu’il faut guérir, on trouve des évêques plus modérés.
 
Tandis que le débat porte sur le mariage civil et non religieux, doit-on donner la parole aux instances célestes ? Il faut dire que la gauche, génitrice du projet, se la joue plutôt discrète… Pas surprenant que d’autres haussent le ton.
  • LES CATHOS, LE RETOUR 
Le 15 août dernier, jour de l’Assomption, un message religieux a été adressé à l’échelle nationale, une première depuis la Seconde guerre mondiale. Un texte, rédigé sous forme de prière par le cardinal André Vingt-Trois et transmis à tous les diocèses, qui s’adressait à « ceux qui nous gouvernent » pour que « les enfants cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère ». Des propos qui, on l’aura bien compris, sont aux antipodes du « mariage pour tous », projeté par le nouveau gouvernement. En rien homophobe, le message est pourtant clair : une famille se compose d’un père ET d’une mère. Autrement dit : NON à l’homoparentalité. Car ce que redoute surtout l’Eglise, c’est bien la légalisation de l’adoption pour les couples homosexuels. Le cardinal André Vingt-Trois, encore lui, parle d’ »une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société », au nom des « droits des enfants ».
 
L’Eglise a légitimé l’appel du 15 août par son intention de faire taire les catholiques extrémistes, dont les manœuvres radicales donnent une mauvaise image de la religion. En vain. Car les plus conservateurs continuent de donner de la voix. Il y a une semaine, une manifestation « décomplexée » contre le mariage gay, organisée par le mouvement catholique intégriste Civitas, a mal tourné. « Non à l’homofolie », « Non aux pédés, la famille c’est sacré »… Les tabous sémantiques sont tombés. Alain Escada, président de Civitas, a lui-même donné le ton : « L’homosexualité est un mauvais penchant qui nécessite d’être corrigé. Le mariage homosexuel va permettre à d’autres de revendiquer le mariage polygame ou l’inceste ». Puis, la brutalité verbale a laissé place à la violence physique. Des féministes de Femen et des journalistes ont été tabassés par des militants.
Écœurées par ces réactions, les associations de défense des homosexuels dénoncent la confusion faite entre le mariage civil – car c’est bien ça dont il est question – et le mariage religieux. Selon leurs représentants, il est contestable de voir un homme d’église expliquer au législateur le comportement à adopter.
 
La bataille de 2012 n’est pas exceptionnelle. Depuis des dizaines d’années, la communauté catholique s’immisce dans le débat public, quitte à contraindre les lois de la Républiques.  
  • 30 ANS DE CATHOLICISME DANS LA VIE POLITIQUE 
Une date : 1905. Année pendant laquelle a été proclamée la loi sur la séparation de l’Église et l’Etat. Année où la laïcité à la française fut inventée. Un coup de massue pour la communauté catholique, qui mettra plusieurs dizaines d’années à retrouver sa place dans la société. Écartée de la vie politique, elle saura s’imposer dans le débat public. Au début des années 1980, après un silence cathédral, les responsables religieux ont fait leur grand retour sur la scène étatique, sous la présidence de François Mitterrand. Motif : la création d’un grand service public de l’Education (loi Savary) au détriment des écoles privées confessionnelles. Les dirigeants de l’enseignement catholique montent au créneau et les tensions se font vives. Finalement, le projet de loi d’Alain Savary ne verra jamais le jour.
 
En 1996, l’Eglise prend la défense des sans-papiers expulsés de force, réclamant au pouvoir en place « des droits » pour ces exclus. Dès son arrivée à Matignon, un an après les faits, Lionel Jospin lance un processus massif de régularisation. En 1998, le Pacs fait tiquer les cathos, qui qualifient le projet d’ »inutile et dangereux ». Malgré la forte mobilisation des citoyens et des Evêques de France, le Pacs est adopté. En 2002, quand Jean-Marie Le Pen passe le second tour des élections présidentielles, la communauté religieuse s’alarme avec le peuple.
 
De l’euthanasie au travail dominical, les catholiques savent recréer le lien avec le monde politique. Avec le « mariage pour tous », ils sont partis pour se montrer tout aussi offensifs. D’autant qu’on aborde tout un ensemble de sujets sensibles : la famille, le couple, le sexe… 
  •  LA PAROLE POUR SEULE ARME  
La France, pays du progrès et de la modernité, peine à légaliser le mariage homosexuel, tandis que l’Espagne ou encore le Portugal, deux nations très catholiques, ont passé le cap. Même le Conseil français du culte musulman se montre plus ouvert, déclarant que même si le mariage gay est « non conforme » à l’islam, « les règles d’une religion ne peuvent être mises en avant pour s’opposer aux règles de la République ».
 
Le fossé est abyssal entre les cathos, historiquement imbriqués dans une sexualité moralisatrice, et le discours sociétal qui prône une liberté totale sur le sujet. L’Eglise, autoritaire et dominatrice pendant des siècles en France, doit se contenter aujourd’hui de proposer sa vision de l’Homme. Désormais, sa seule raison d’être. Et comment résister à la tentation de blâmer une société, qui a ses yeux, part à la dérive ? Surtout quand les sondages montrent un peuple divisé sur la question : 65% des Français sont favorables à l’ouverture du mariage pour les gays et 52% seulement sont pour la légalisation de l’adoption.
 
L’occasion est trop belle pour que la bonne parole ne traverse pas les murs de l’Eglise. Nos cathos ne sont pas plus coincés que ceux de nos voisins. En France, leur sentiment de revanche est plus fort.
 
Dans un pays où deux personnes sur trois disent se reconnaître dans la religion catholique , il n’est pas idiot que ses représentants émettent un avis sur les questions de société. A condition que les arguments soient nourris intellectuellement, qu’ils participent à l’avancée du débat. Et qu’ils n’attisent pas la haine.