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 d’ADHEOS

Religion et homosexualité font rarement bon ménage. Pourtant, ils seront douze, chrétiens, juifs et musulmans et également laïcs, à apporter un autre message à l’occasion de la première conférence belge dédiée à la communauté LGBTQI avec les trois grandes confessions monothéistes. Le rendez-vous est donné ce samedi 6 décembre au Huisvande Mens à Bruxelles. Metro a sondé un intervenant de chaque grande famille religieuse. 
 
  • «L’Église a toujours été en retard sur la morale sexuelle»
 
Ancien moine, Michel Elias est l’un des membres fondateurs de la Communauté du Christ libérateur. Créée voici 40 ans, l’association milite pour réconcilier foi et homosexualité dans un climat écclésiastique plutôt hostile.
 
Comment résumeriez-vous la position sur l’homosexualité tenue par l’Église?
 
«L’Église tient un langage contradictoire. D’un côté, elle considère que nos comportements sexuels sont désordonnés. De l’autre, elle appelle au respect de la personne en tant qu’être humain.»
 
Est-ce que cette position a évolué?
 
«Il est difficile de parler de l’Église dans sa globalité. Malgré cette position officielle, l’Église de Belgique s’avère plus ouverte. Et il me plaît de rappeler que l’Église, c’est chacun d’entre nous. Nous ne demandons pas au magistère la permission d’être chrétien. La Communauté du Christ libérateur regroupe des catholiques mais aussi des protestants et des orthodoxes. Les sensibilités sont différentes. Les orthodoxes sont ainsi plus ouverts sur la question de la transsexualité.»
 
Quel a été l’influx de votre combat?
 
«Née dans les années 70 notre communauté est la plus ancienne association LGBT encore existante. Elle s’est inspirée de la théologie de la Libération (née en Amérique latine, le Mai 68 de la chrétienté, ndlr) qui s’adresse aux opprimés.»
 
L’Église trouve dans les textes de quoi justifier sa position, trouvez-vous dans la Bible des passages à lui opposer?
 
«Il y a en réalité assez peu de passages explicites sur l’homosexualité. Les textes qui nous sont opposés sont toujours ceux qui évoquent Sodome et Gomorrhe. On trouve plusieurs passages reliés à l’homosexualité comme l’histoire du roi David et Jonathan ou encore de Ruth et Noémie. Enfin, nous avons pour nous tout ce que le Christ a fait par rapport aux catégories opprimées.»
 
Peut-on espérer une évolution prochaine de la position de l’Église?
 
«Le combat risque d’être long. L’Église a toujours été en retard sur la morale sexuelle. C’est en cela que notre combat est très proche de celui des féministes.»
 
Pour vous, quel pourrait être le premier geste de l’Église?
 
«L’Église catholique doit être plus courageuse vis-à-vis des homosexuels persécutés en intervenant au niveau international, notamment via le représentant du Vatican auprès des Nations Unies.»
 
Comment comptez-vous réconcilier foi et homosexualité?
 
«Nous le faisons en apportant un double témoignage: celui de chrétien qui peut vivre son homosexualité et celui d’homosexuel qui souhaite vivre sa foi comme tous les autres chrétiens.»
 
  • « Aux USA, des juifs célèbrent déjà des unions»
Ingénieure de recherche en sciences sociales au Centre d’études interdisciplinaires des faits religieux au CNRS, Martine Gross a été la première présidente du Beit Haverim, groupe gay et lesbien juif de France. La sociologue milite pour la médiation entre judaïsme et communauté LGBTQI.
 
Quelle est la position officielle du judaïsme sur l’homosexualité ?
 
« D’abord il n’y a pas ‘le’ judaïsme, mais différents courants du judaïsme. Ceci dit, par rapport au texte biblique, il y a une condamnation claire de l’homosexualité masculine. Il y a un verset qui dit ‘Tu ne coucheras pas avec un homme comme avec une femme, c’est une abomination’, et qui punit de la peine de mort les contrevenants. Le courant orthodoxe s’en tient à la condamnation, évidemment pas à la peine de mort, et l’homosexualité est donc interdite. Le problème du judaïsme orthodoxe, c’est que la personne n’est condamnable que si elle choisit de transgresser la loi juive de son libre arbitre. Les autres courants comme le libéral et le Massorti sont plus ouverts. »
 
Pourquoi en débattre entre religions ?
 
« Ca peut être intéressant de montrer que malgré l’apparence d’une condamnation unanime par toutes les traditions religieuses, d’autres dimensions existent dans chacune des religions abordées. »
 
La situation a-t-elle déjà évolué ?
 
« Oui, parce que même si la position du judaïsme orthodoxe est la plus sévère, malgré ça il y a eu un texte publié par les juifs orthodoxes américains pour prôner la lutte contre l’homophobie d’une part. Et d’autre part en France, en 2010, on a commencé à entendre assez officiellement un discours de réinterprétation des textes. Car l’homosexualité n’existait pas dans la Bible, il s’agit d’un terme qui date de la fin du 19e, et les actes condamnés étaient les actes de violence, comme le viol et l’agression sexuelle. »
 
Mais qui a envoyé le premier signal ?
 
« C’est le courant libéral, sans aucun doute, qui prône l’ouverture aux personnes de même sexe depuis plus d’une décennie. »
 
Est-il possible d’aller encore plus loin ?
 
« Oui. Déjà quand on parle de la position du judaïsme libéral ou Massorti, il s’agit de leur position officielle aux États-Unis. En France ces courants-là sont minoritaires. Il y a encore moyen d’aller plus loin, il faut faire un travail pédagogique vis-à-vis de la communauté. »
 
Faut-il avancer par étapes ?
 
« Oui. En France, il faut un travail sur les mentalités. Par exemple Delphine Horvilleur, une femme rabbin du mouvement juif libéral de France, organise des débats. C’est une première étape avant d’accueillir des couples. »
 
  • «L’Islam est déjà ouvert à l’homosexualité»
Ludovic-Mohamed Zahed a créé la première mosquée inclusive. Ce jeune imam est le fondateur et porte-parole de l’Association des Homosexuel(le)s Musulman(e)s de France et de l’Association des Musulmans Progressistes de France.
 
Y a-t-il une position officielle de l’Islam sur l’homosexualité?
 
«Pour moi, l’Islam, en tant que tel, n’existe pas sociologiquement. Les musulmans et les musulmanes élaborent personnellement une représentation du rapport qu’ils veulent entretenir avec leur héritage culturel et spirituel. Selon une étude réalisée par l’IFOP en 2009 sur la question de l’homosexualité, il existe une grande différence entre l’ancienne et la nouvelle génération. Pour la plupart des plus de 40 ans, l’homosexualité reste taboue. Par contre, pour la nouvelle génération musulmane ou d’origine arabo-musulmane en Europe, ils ne sont plus que 20% à ne pas accepter l’homosexualité. C’est une question de génération. »
 
Avec l’absence d’un représentant commun, comme le pape pour les catholiques, y a-t-il un discours commun sur la question?
 
«Non mais en réalité, la diversité des opinions est une chance! Le problème, c’est quand il y a des troubles politiques importants et qu’il n’y a personne pour réguler les violences sociales.»
 
Pensez-vous qu’un Islam totalement ouvert à l’homosexualité est possible?
 
«Je pense que c’est déjà le cas. Sinon, je ne serais pas homosexuel, musulman, leader religieux et imam de surcroît. Quand on regarde l’histoire des arabo-musulmans depuis des siècles, l’Islam, en tant que civilisation, n’a jamais condamné l’homosexualité, pas avant, en tout cas, le 19e-20e siècle lorsque les sociétés arabo-musulmanes se sont fait coloniser par les Occidentaux, qui à l’époque avaient un discours homophobe. Selon moi -et je suis inclusif et progressiste, je le sais, on ne peut pas être misogyne, antisémite, homophobe et musulman et dire en même temps que l’islam est une religion de paix. C’est aberrant.»
 
Qu’en dit le Coran?
 
«Le Coran ne parle pas d’homosexualité en utilisant ce terme. Comme je le disais, c’est une terminologie inventée au 19e siècle. Avant, cette qualification n’existait pas. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite, qui traduit le Coran dans toutes les langues, met entre-parenthèse, quand il parle de Sodome et Gomorrhe, ‘la cité des homosexuels’ comme si Dieu ne pouvait pas dire lui-même le mot ‘homosexuel’!»
 
Comment continuer aujourd’hui à faire évoluer les mentalités ?
 
« Parmi n’importe quelle couche de la population, vous trouverez toujours 20% d’extrémistes, racistes, antisémites, islamophobes, etc. Politiquement, cette question ne concerne pas donc uniquement les musulmans. Mais heureusement, ils ne sont qu’une minorité. »