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 d’ADHEOS

Il y a encore seulement 25 ans, les homos n’existaient pas en Roumanie. Mais depuis la chute de la dictature, des actions citoyennes se multiplient pour combattre les discriminations conre les minorités sexuelles.
 
Bucarest, le 7 juin. Un après-midi pluvieux à côté de l’Arc du Triomphe, réplique quasi identique de l’Arc du Triomphe parisien. Quelques milliers de personnes participent à la Marche de la diversité, véritable gay pride roumaine dont l’origine remonte à 2005. Soit 15 ans après la chute du régime de Ceausescu et la fin du communisme. La Marche fait partie de la Bucharest Pride (anciennement Gay Fest), festival organisé par l’association ACCEPT, et dédié à la communauté LGBT roumaine, dont l’un des buts est de combattre la discrimination. Il suffit de regarder les incidents «annuels», en marge de la Marche pour constater qu’il y a toujours des discriminations.
 
Les statistiques du Conseil National pour la Lutte Contre la Discrimination ne sont pas réjouissantes: 53% des Roumains aimeraient que l’homosexualité soit considérée comme illégale. Ce qui était plus ou moins le cas jusqu’en 2001. Il a fallu la pression du Conseil de l’Europe ainsi que l’arrivée de Michael Guest, ambassadeur des Etats-Unis ouvertement homosexuel, pour abroger l’article 200 du Code Pénal, datant de la législation communiste, qui pénalisait l’homosexualité d’une peine allant de 1 à 5 ans de prison. A partir des années 2000, on assiste à des progrès significatifs.
 
Pendant le communisme, l’homosexualité n’existait pas: elle était fortement réprimée par les structures de l’Etat. La période post-communiste a vu naître une mobilisation sans précédent en faveur des droits des minorités sexuelles. Face à un pays dont les structures administratives connaissent encore beaucoup de corruption, la société civile joue un rôle de contre-pouvoir nécessaire. Alors comment expliquer que, malgré une législation progressiste, il y demeure encore tant de discrimination contre les personnes LGBT? Sans doute parce que la démocratie roumaine est jeune et que les mentalités évoluent lentement.
 
Un cas d’école
Les formes d’activisme politique et culturel en faveur de la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre se sont multipliées. Un des cas qui a marqué les esprits réside dans l’organisation de la première Gay Pride (en 2012) dans une institution d’éducation publique: le collège bucarestois George Cosbuc. A l’origine de cette initiative: le professeur Roxana Marin et CARE (Centre pour l’Action et la Responsabilité dans l’Education). CARE est la plateforme d’activisme pour les droits humains du Collège Cosbuc constituée par et pour les élèves du collège.
 
Programmée pour avoir lieu en février 2013, en parallèle avec le Mois LGBT initié par l’association ACCEPT, la deuxième Gay Pride du collège Cosbus a pourtant dû être annulée. La faute à un parent qui a déposé une plainte auprès de l’Instruction publique. Outre l’ampleur médiatique de l’affaire, elle a débouché sur une mise à l’enquête par le Ministère de l’Education Nationale du Collège Cosbuc, ainsi que du professeur Roxana Marin, qui a failli perdre son poste. Pire encore: elle a donné lieux à des réactions d’une rare violence. «La sodomie pénètre à l’école publique», titrait le site d’une association religieuse, qui dénonçait l’exposition «des enfants aux programmes de lavement de cerveau des organisations homosexuelles». Cette cascade de déclarations à caractère homophobe n’a vraiment étonné personne, car dans le contexte historique roumain, l’homosexualité existe dans l’espace public depuis à peine 25 ans.
 
Un pas en avant
Ce qui reste encourageant malgré tout, c’est que Roxana Marin a reçu un large soutien, de la part de la direction du collège, ainsi que d’un comité ad hoc de parents et d’anciens élèves. Ces derniers ont lancé une pétition pour prendre la défense de l’initiative de la Gay Pride. Les 1283 signataires ont protesté avec véhémence contre le fait que les autorités voulaient s’en prendre à une institution prête à promouvoir des principes de droits humains et d’anti-discrimination. Ceci sans oublier que l’enseignement des droits humains est une option prévue par le programme scolaire.
 
Au final, le cas du collège Cosbuc nous apprend qu’en Roumanie, la lutte pour les droits des minorités sexuelles n’est pas l’apanage des organisations LGBT. Il y a une volonté de mobilisation active pour créer et investir des espaces de pensée libre. Les individus travaillent ensemble sur des causes communes et deviennent des «watch dogs» en matière de discrimination, suppléant parfois le manque d’action des autorités. Toutefois, il ne faut pas se leurrer: il reste difficile d’être gay en Roumanie. Mais on peut au moins le déclarer librement!