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 d’ADHEOS

Le texte, qui défend les valeurs de l’école contre tout prosélytisme, est présenté ce lundi par Vincent Peillon. Que faut-il en retenir ?
 
C’était un engagement pris il y a un an. Vincent Peillon dévoile ce lundi "la première charte de la laïcité à l’école", un texte qui rappelle que les élèves ne doivent pas contester une matière au nom de leurs convictions religieuses, elle élude d’autres thèmes polémiques comme la cantine ou les fêtes religieuses. Le document (que vous pouvez retrouver à la fin de cet article) sera affiché dans tous les établissements publics de France. Le ministre de l’Éducation nationale le présente dans un lycée de La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) entouré de personnalités, dont l’ancien président du Conseil constitutionnel Robert Badinter.
 
"Le point de départ de la laïcité, c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel", avait affirmé Vincent Peillon il y a un an. La laïcité ne doit pas tourner "à l’obsession de l’islam", avait-il ajouté cet été, alors qu’elle a souvent été instrumentalisée contre la deuxième religion de France. Dans un entretien au Journal du dimanche, il enfonce le clou. "La laïcité n’est contre aucune religion. Je vois bien que certains qui prétendent désormais défendre la laïcité et la République, après les avoir toujours combattues, veulent en faire des doctrines d’intolérance et de haine. Elles sont tout l’inverse. La laïcité rassemble, elle ne sépare pas", affirme le ministre, qui récuse toute accusation d’islamophobie.
 
Les ravages du créationnisme
 
Le projet de charte, présenté en juillet devant le Conseil supérieur de l’éducation (instance consultative) et révélé par le site internet Café pédagogique, rappelle que la laïcité permet aux élèves d’"exercer leur libre arbitre" et "les protège de tout prosélytisme". Le texte définitif n’a pas été rendu public, mais ne devrait pas trop s’éloigner de cette version, qui rappelle la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles et l’obligation de se conformer au règlement intérieur. C’est "un rappel du droit, sous une forme pédagogique et pas dans le jargon juridique", se félicite Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale.
 
Elle intervient alors que "dans l’ensemble, l’école de la République fonctionne bien", estime Valérie Sipahimalani, professeure de SVT (sciences de la vie et de la terre) et responsable du syndicat Snes-FSU. Sauf que certains établissements "sont aujourd’hui fortement communautarisés, voire ethnicisés", souligne Philippe Tournier, du principal syndicat des chefs d’établissement, SNPDEN-Unsa. Certaines matières, comme les SVT, sont devenues sensibles. C’est le cas de l’éducation à la sexualité, selon Serge Lacassie, président de l’Association des professeurs de biologie et géologie. Il raconte ainsi que "sur l’évolution, des élèves d’un lycée en Seine-Saint-Denis rendaient des copies blanches en partant du principe que le Coran et la Bible n’en parlaient pas". "Le créationnisme fait des ravages dans les trois religions monothéistes", renchérit Jean-Pierre Obin, coauteur d’un rapport sur les signes religieux à l’école en 2004.
 
"Une utopie commune"
 
Pour parer à ces situations, le projet de loi pose noir sur blanc : "Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une partie du programme." Comme toute charte, la question des conséquences pour les contrevenants n’est pas réglée. D’autre part, des sujets "récurrents de protestation et de revendications" ne figurent pas dans le projet, regrette Jean-Pierre Obin. Il cite, en connaissance de cause, "la nourriture à la cantine, l’obligation scolaire et en particulier l’assiduité à tous les cours et aux sorties scolaires, et les fêtes religieuses". La charte "peut paraître molle et peu précise", mais "c’est le propre d’une charte qui rappelle des principes généraux et laisse une large place à la négociation", juge Philippe Portier, directeur du groupe société, religion et laïcité au CNRS, en faisant un parallèle avec la "charte pour la laïcité dans les services publics" établie en 2007, qui n’a été que peu diffusée (à part dans les hôpitaux). Pour lui, la charte scolaire devrait rencontrer un plus grand succès, car elle "redonne du sens à des établissements qui ont longtemps été considérés comme des lieux de consommation scolaire".
 
La charte est présentée alors que le ministre a rappelé cet été aux écoles qu’elles doivent afficher un drapeau français, un drapeau européen, la devise de la République et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, note Valentine Zuber, historienne de la laïcité, maître de conférences à l’École pratique des hautes études. À compter de 2015, la "morale laïque" sera également enseignée du primaire au lycée. Le tout fait penser, selon l’historienne, à "une réactualisation de l’école de la IIIe République, avec une réaffirmation, peut-être pas inutile, d’une utopie commune d’une école de la République qui transmette des connaissances et rassemble les futurs citoyens autour de valeurs communes". Selon Vincent Peillon, "l’école doit enseigner ces valeurs, expliquer leur signification, rappeler leur histoire. Car si on ne les enseigne pas, il ne faut pas s’étonner après qu’elles soient méconnues ou même ignorées."