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 d’ADHEOS

Après une période de tolérance, l’Inde a recriminalisé il y a peu les rapports entre personnes de même sexe. Dans ce contexte, vivre son homosexualité est un combat, surtout pour les plus jeunes. A 19 ans, Kushagra en sait quelque chose…
Etudiant à Bombay, Kushagra a commencé à accepter son homosexualité voilà deux ans, quand il a rencontré son premier petit ami. Réservé, il ne s’affiche pas au premier abord. Il veut rester discret. En décembre dernier, la Cour suprême a repénalisé, en Inde, les rapports entre adultes de même sexe.
Il y a cinq ans, pourtant, la Haute cour de Delhi avait jugé que l’article 377, criminalisant l’homosexualité, constitue une violation des droits fondamentaux. Mais la Cour suprême n’est pas d’accord, semble-t-il, et son avis s’impose aussi au gouvernement, qui soutenait pour sa part le combat des associations LGBT (lesbiennes, gay, bisexuels et transsexuels).
“J’étais très triste et perturbé en décembre, reconnaît Kushagra. Depuis que l’avis de la Cour suprême a été rendu public, je fais plus attention à mon comportement dans la rue.” Mais la médiatisation du sujet a eu une conséquence inattendue : “Mes parents ont deviné. C’était un peu un coming-out inversé. A cause de la loi, et même s’ils sont hindous, ils m’ont soutenu. Ils veulent mon bonheur avant tout.”
Cricket et films romantiques
Originaire de Bhopal (centre), Kushagra a dû affronter les discriminations très jeune. Il était considéré comme différent: “Ça a commencé quand j’avais 11 ans. J’étais à l’écart, très émotif et sensible, confie-t-il. Je n’aimais pas parler des filles tout le temps comme les autres garçons. Eux allaient même au temple et priaient pour qu’une fille les embrasse!” Plutôt que le cricket, sport national, il avoue son goût pour la mode et les films romantiques. Mais sa “différence” gêne: “Dans mon école, on s’est moqué, on m’a battu, on m’a fait du chantage.”
Les enseignants ne lui apportent aucun soutien. Au contraire. “A 13 ans, pendant un voyage scolaire, mes professeurs m’ont tellement poussé à bout que j’ai pensé me suicider. Ils se moquaient de ma façon de marcher, de manger, de m’habiller. On ne m’a jamais traité de gay mais on me disait que je me comportais comme une fille. A cette époque, en fait, personne ne savait ce qu’était un gay!”
C’est en 1999, à Calcutta, qu’a eu lieu la première Gay Pride indienne. Une petite dizaine de militants avait défilé, premiers pas pour rendre visible les droits des personnes LGBT. En 2008, Bombay et Delhi suivent le mouvement. “Moi, à Bhopal, je me cachais tout le temps, se souvient Kushagara. Je n’avais pas confiance en moi, et mes amis avaient l’habitude de me comparer à un transsexuel qui parlait souvent à la télé!”
 
L’exil
Il y a sept mois, le jeune homme décide d’aller étudier à Bombay, ville cosmopolite et plus moderne, de 20 millions d’habitants. “J’ai fait des recherches sur la vie LGBT en Inde, explique-t-il. Ici, j’ai vu que les associations étaient très actives”. Très vite, il rejoint Yariyaan [amitié, en hindi], un groupe de jeunes, rattaché à l’ONG Humsafar Trust, qui défend les droits des homosexuels.
“Dans cette ville, j’ai le sentiment de pouvoir vivre ma vie. Yariyaan est comme une deuxième maison, où j’ai rencontré de très bons amis. Je n’ai pas à réfléchir sur mon comportement, je suis avec des personnes qui sont comme moi.” Créé en 2007, ce groupe -le seul à rassembler des jeunes en Inde,- compte 800 membres. Dans un pays où la pression sociale impose toujours les mariages arrangés et où l’homosexualité reste un tabou, ils se retrouvent à Bombay ou sur Internet pour partager leurs difficultés.
“L’article 377 n’a pas d’importance, soutient Kushagra. Je suis ce que je suis. Et je continuerai de me battre pour mes droits. Je ne veux pas que les futures générations LGBT vivent ce que j’ai vécu. Je veux qu’elles puissent avoir le soutien de la société.”