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 d’ADHEOS

 Il y a deux semaines, un kiss-in improvisé à Notre-Dame de Paris avait suscité un violent rejet des catholiques. Alors que la justice en est saisie, un témoin dresse pour TÊTU le récit de cet événement.

 
 Dimanche 14 février, le jour de la Saint-Valentin, un kiss-in avait lieu dans des conditions parfaites devant la fontaine Saint-Michel, à Paris. Mais quelques minutes plus tard, quelques homos revenaient au lieu initialement prévu pour l’événement: devant le parvis de la cathédrale Notre-Dame. Des centaines d’extrémistes catholiques les y attendaient de pied ferme…

 
Benjamin, 22 ans, étudiant parisien en sciences politiques et sociologie, était présent en tant qu’observateur. Il fait partie des personnes ayant porté plainte (lire notre article). Alors que l’affaire est en cours d’examen par la justice, il nous aide à y voir plus clair sur ce qui s’est vraiment passé ce jour-là…
 
Comment vous êtes-vous retrouvé sur le parvis de Notre-Dame?
Benjamin: J’étais à Saint-Michel pour le kiss-in «organisé» et j’ai ensuite décidé, accompagné de deux amis, de me rendre sur le parvis Jean-Paul II afin de constater par moi-même de l’ampleur de la mobilisation catholique d’extrême-droite, lancée par un certain nombre de sites extrémistes (les Intransigeants, le Renouveau français, Action française, et j’en passe).
 
Qu’avez-vous vu sur place? Avez-vous vu comment les choses ont dégénéré?
Après un rapide tour d’horizon avec mes amis, des policiers en civil nous ont intimé l’ordre de quitter les lieux par crainte de ne pouvoir assurer notre intégrité physique, ce que nous avons fait. En rebroussant chemin, nous avons rencontré un groupe de trente lesbiennes. Alors que mes amis engageaient une conversation avec elles, je donnais une interview à une journaliste de France Info. A ce moment-là, le sifflet de départ résonne et cinq individus se sont rués dans le groupe, rangers en l’air. S’ensuit quelques instants de flottement, puis les gendarmes ont mis à terre quatre individus et ont formé une barrière humaine entre les extrémistes catholiques et nous. Nous avons entamé un retrait vers la rive gauche, dans le but de nous disperser progressivement. Avec trois filles rencontrées sur place et mes deux amis, nous avons décidé d’aller déposer plainte au commissariat le plus proche, c’est-à-dire celui du 5e arrondissement.
 
Que s’est-il passé précisément?
L’on peut dire qu’ils étaient approximativement 250 individus, répartis sur l’intégralité du parvis et se sont rejoints d’un seul mouvement lors de l’attaque physique des cinq individus. La foule était parsemée de saluts nazis et nous étions affublés de «sacs à sida», «sales juifs», «pédés dehors», «sodomites extrémistes», «pédés», «open ass», «enculés», «lécheurs de merde», etc. Quant aux filles ayant été agressées, elles ont été jetées à terre avant d’être tabassées à coups de pied (avec les mêmes rangers), jusqu’à la réaction des forces de l’ordre. La violence fut inouïe, tant physique que psychologique, du reste une des filles victime des violences est aujourd’hui encore sous traitement anxiolytique. Les touristes assistant à la scène paraissaient décontenancés, semblaient ne pas comprendre les enjeux de la rixe et ont été mis à l’écart très rapidement par les gendarmes. Ces derniers, bien qu’étant peu nombreux, et n’étant pas des CRS, mais de «simples» gendarmes, ont réagi rapidement malgré tout. Notons néanmoins que seuls quatre individus ont été interpellés, alors qu’au moins cinq d’entre eux se sont rendus coupables de violence physique et que nombreux furent ceux qui nous ont injurié. Inutile de préciser que l’immense majorité des FAF («France aux Français», militants d’extrême-droite) présents avaient le crâne rasé à blanc, portaient des chaussures de type paramilitaire et présentaient des vêtements rappelant ceux de certaines milices. En outre, se présentaient des individus de catégorie sociale apparemment plus aisée du type «Versaillais» qui, drapés dans leurs fourrures, n’avaient rien à envier à la violence verbale de ceux ayant recouru également à la violence physique.
 
Avez-vous été vous-mêmes directement victimes de violences physiques ou verbales?
Excepté une bousculade assez pugnace (la journaliste de France Info qui se tenait à mes côtés a également été bousculée), je n’ai pas été directement victime de violence physique. J’ai en revanche été victime d’un nombre incalculable d’injures à caractère homophobe et d’incitations à la haine raciale.
 
Comment s’est passée le reste de la journée? Comment en êtes-vous venu à porter plainte ensuite?
La décision de déposer plainte allait de soi selon moi. C’est ainsi que j’ai entraîné mes cinq camarades pré-cités au commissariat. L’officier de police judiciaire qui a enregistré nos plaintes a été extrêmement agréable et a fait démentir nos préjugés sur l’univers policier. Cette histoire nous a pris environ cinq heures.
 
Depuis, on a appris que six plaintes avaient été déposées. Quelles sont les suites judiciaires que vous espérez? Pensez-vous qu’une condamnation est possible?
Notifions avant tout que mercredi 24 février, nous avons tous été convoqués par les officiers en charge du dossier afin d’identifier à nouveau les quatre individus – qui étaient alors en garde à vue – et de réexpliquer notre version des faits. Nous les avons tous reconnus une nouvelle fois et le magistrat en charge du dossier au TGI de Paris a reçu nos dépositions le soir même. Je déplore que les quatre furent relâchés le soir même, échappant donc de fait à la procédure de comparution immédiate. En revanche, il apparaît probable qu’une suite soit donnée aux plaintes et nous pouvons raisonnablement espérer la tenue d’un procès. En outre, les associations SOS Homophobie, la LICRA, le CRIF et l’Inter-LGBT envisagent de se porter partie civile.
Au vu de la gravité des faits constatés, du nombre de preuves crédibles, et des témoins présents, j’ose espérer que le parquet engagera des poursuites sans céder aux pressions politiques. Bien qu’aucun des quatre FAF n’aient de casier judiciaire, l’on peut souhaiter qu’ils soient condamnés à de la prison avec sursis, mais aussi à une forte amende. Enfin, il m’apparaîtrait intéressant de réfléchir à des travaux d’intérêt général – dans une association quelconque? – pour ces individus afin qu’ils prennent conscience de la gravité de leurs actes.
 
Propos recueillis par Fabien Wiktor.