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 d’ADHEOS

Dans «80 jours», qui sort aujourd’hui au ciné, deux grands-mères découvrent qu’elles n’ont jamais cessé de s’aimer. Un film magistralement interprété, sur un sujet rare, celui de l’homosexualité et de l’amour chez les plus âgées. Rencontre avec l’un des deux réalisateurs. 
 
Ce n’est pas forcément le film qui, au premier abord, séduit. Une ville côtière du nord de l’Espagne. Des existences solitaires qui se croisent. Dont celles de deux femmes. Axun et Maïté. Elles se sont connues adolescentes au lycée. Et aimées passionnément avec candeur et légèreté. Avant que le «qu’en dira-t-on» et les contingences sociales ne les séparent. L’une s’est mariée avec un homme bon, taiseux et maladroit. L’autre a vécu sa vie de lesbienne. Bien des années plus tard, elles se retrouvent par hasard.
 
Cette histoire d’amour que les années n’auront pas ternie ni brisée a été mise en scène avec subtilité -et même une belle malice- par deux jeunes réalisateurs qui se sont inspirés d’une histoire vécue dans leur entourage. Les deux actrices, Itziar Aizpuru et Mariasun Pagoaga (respectivement à gauche et à droite sur la photo ci-contre), sont tout simplement grandioses et débordantes de sensibilité. Rencontre avec Jon Garaño, l’un des deux metteurs en scène, aussi chaleureux que ses deux actrices.
 
TÊTUE: D’où vous est venue l’idée de ce premier film? Il aurait été inspiré par l’histoire d’un membre de votre famille?
Jon Garaño: En fait ce sont deux histoires réunies. Notre productrice souhaitait que nous fassions une histoire autour de gens du troisième âge. Et même temps, une de mes amies, qui a 70 ans, a vécu une histoire assez proche. En jumelant ces deux idées, nous avons réalisé qu’il n’existait pas de film sur une histoire d’amour lesbienne avec deux femmes de cet âge.
 
Un projet aussi particulier n’a pas dû être le film le plus facile à produire ?
On n’y a pas pensé de suite, mais nous nous en sommes rendus compte très vite, d’autant plus que le film est en langue basque. Mais la productrice nous a soutenus à fond, tout comme la télévision publique basque.
 
Les deux pépites sont vos deux comédiennes. Comment les avez-vous trouvées?
Nous savions que bien les choisir, c’était la clé du film! Nous avons dû rencontrer toutes les actrices de 75 ans. Mais aucune ne nous a convaincus. Pour le personnage d’Axun, celle que nous avons retenu avait juste fait un peu de télé. Pour celui de Maïte, elle commençait à faire un peu de théâtre amateur. Dès que nous les avons mis ensemble, l’alchimie était palpable. Et la crainte que ces deux femmes éprouvent en se retrouvant allait bien avec leur fragilité d’être pour la première fois devant une caméra. C’était vraiment un saut dans le vide pour nous. Surtout qu’il s’agissait de notre premier film!
 
Justement, pour des débuts, ces deux actrices n’ont-elles pas eu peur de l’ampleur du rôle? Les jeunes comédiens ont déjà souvent peur de toucher à des rôles d’homos… Comment cela s’est-il passé dans leur cas ?
Non, elles ont embrassé leur personnage avec naturel. C’est nous qui étions presque trop pudiques par rapport à elles…
 
Le film a fait le tour du monde. Quels types de réaction 80 jours a-t-il reçu ?
80 jours a été déjà voyagé dans plus de 100 festivals. Jamais nous n’aurions pensé que le film toucherait à ce point déjà des sélectionneurs, puis le public. Vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de fois où j’ai croisé de vieilles dames à la fin des projections venant me dire: «Vous savez, vous avez raconté mon histoire!» C’est le plus beau cadeau pour nous.
 
Comment vous êtes-vous réparti les tâches avec José Mari Goenaga?
Nous avons l’habitude de travailler ensemble chez Moriarty (leur société de production, ndlr), bien que nous dirigions seuls nos courts-métrages. Travailler ensemble c’est bien pour répartir la pression, c’était notre premier long! Certes, nous nous sommes fâchés parfois, mais ça va (rires)!