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 d’ADHEOS

 Un «avis» du contrôleur général des prisons pointe la situation préoccupante des trans en milieu carcéral, discriminés et privés de soins médicaux. L’administration pénitentiaire s’en défend.
 
 Un article des Inrocks faisait état en février dernier des discriminations et violences subies par les personnes transsexuelles incarcérées. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, tire la sonnette d’alarme dans un avis «relatif à la prise en charge des personnes transsexuelles incarcérés» paru le 25 juillet au Journal officiel.
 
 François Bès, de l’Observatoire international des prisons (OIP), salue la démarche: «C’est, à ma connaissance, la seule autorité qui se soit intéressée au problème à ce jour, à cause du petit nombre de détenus transsexuels (une dizaine actuellement en France, selon ses estimations, ndlr), et du rejet ou désintérêt de la société en général.»
 
Difficultés d’accès aux soins
Saisi par plusieurs détenus transsexuels, le contrôleur des prisons constate dans cet avis le manque d’«information précise relative aux modalités de leur prise en charge médicale», les difficultés d’«accès à l’offre de soins existant hors des établissements pénitentiaires en la matière» ainsi que «l’absence de principes directeurs»: «Chaque chef d’établissement pénitentiaire apprécie, au cas par cas, les mesures à mettre en oeuvre: port de vêtements féminins autorisé ou non, possibilité de cantiner (ndlr: acheter) des produits de beauté, affectation en détention normale ou placement à l’isolement…»
 
S’appuyant sur la législation existante et la jurisprudence, le CGLPL réaffirme le droit des détenus transsexuels à accéder aux traitements hormonaux et chirurgicaux nécessaires à leur conversion vers l’autre sexe.
 
Brimades et violences
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dans son article 46, établit ainsi que «la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population»: «En se basant sur des aspects légaux, il traite les transsexuels comme des personnes comme les autres, avec le même droit au respect et à la dignité», se réjouit François Bès.
 
L’avis insiste également sur la nécessaire modification d’état civil dès lors que la conversion (avec ou sans ablation des organes génitaux) est réalisée. Affectés dans des prisons pour hommes ou femmes, qui ne correspondent pas au sexe désiré, les détenus transsexuels ne s’intègrent pas et sont victimes de brimades et violences. Changer d’état civil peut prendre jusqu’à trois ans. Delarue suggère donc: «L’article D. 248 du code de procédure pénale pourrait alors être modifié comme suit: «Les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts, sauf autorisation motivée par des circonstances exceptionnelles.»
Intégrité physique
Enfin, il préconise de veiller à l’intégrité physique des trans: «Sans que cela conduise nécessairement à son placement à l’isolement, et que celle-ci ne subisse de pressions ou de brimades d’aucune sorte ni d’aucune autre personne du fait de son projet.»
 
Au nom du droit à l’intimité et à la vie privée, il estime que «dans l’enceinte de sa cellule, la personne concernée [doit pouvoir] porter des vêtements et utiliser des produits d’hygiène et de beauté en adéquation avec le sexe désiré. Par conséquent, elle doit être en mesure de cantiner de tels biens et produits.»
«Un avis global auquel se référer»
Depuis la création du CGLPL en 2007, seuls trois « avis » (sur le courrier, les biens des détenus, puis les trans) ont été rendus publics. Contrairement aux « recommandations » découlant d’une visite, ils portent sur des questions transversales. François Bès se félicite de cette parution: «On a enfin un avis global, auquel pourront se référer les associations pour faire évoluer la situation des personnes transsexuelles incarcérées qu’elles soutiennent.»
 
Selon lui, le CGLP est «une autorité qui en impose». Pourtant, l’absence de pouvoir contraignant des «avis» et «recommandations» formulés par le contrôleur avait alimenté les critiques lors de sa création. Jean-Marie Delarue se défend: «Après chaque visite, je saisis le ministère concerné, qui est tenu par la loi de m’adresser une réponse. Localement, l’administration pénitentiaire et la direction des établissements sont également très à l’écoute.»
 
Des retours qu’il liste dans son rapport annuel de 2009, au chapitre 5. Le premier «avis», portant sur le courrier des détenus, préconisait la mise en place de boites aux lettres dans les coursives pour que les détenus puissent poster eux même leur lettres, sans courir le risque d’être lus par les surveillants. «Cela n’a pas débouché sur une consigne générale de l’administration pénitentiaire, mais un certain nombre d’établissements ont pris sur eux de les installer.»
 
  • Par Anouchka Collette / Les Inrocks.com. Photo: Fotolia.
 
  1. MISE A JOUR: Réaction de l’administration pénitentiaire et de GayLib
«Au niveau national, une douzaine de personnes sont concernées», sur plus de 62.000 détenus, a réagi auprès de l’AFP Stéphane Scotto, sous-directeur de l’état-major de sécurité de l’administration pénitentiaire. Selon lui, toutes bénéficient d’une «prise en charge adaptée et individualisée». Les recommandations de M. Delarue correspondent selon lui à «des dispositions majoritairement appliquées». Les personnes concernées ont «accès aux soins» et «ont la possibilité de procéder à des cantines (ndlr: achats) exceptionnelles de vêtements» correspondant «au sexe désiré», a-t-il ajouté. Toutes sont en cellules individuelles. Une seule serait hébergée dans un quartier femmes, ce qui correspond à son état civil initial.
 
Dans un communiqué paru ce vendredi matin, GayLib se dit «heureux de constater que dans ce dossier ouvert par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports avec la dépsychiatrisation de la transsexualité en 2009 et la création prochaine d’un centre de référence, Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux a pris la mesure des implications nécessaires et poursuit le travail commencé avec la circulaire relative au changement d’identité de mai 2010.» «Ces nouvelles mesures postent une fois de plus la France à la pointe en la matière», note l’association qui émet toutefois «le vœu qu’il en soit de même pour l’ensemble des sujets LGBT comme le mariage et l’adoption, qui accusent un retard certain par rapport à ses voisins européens.»