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 d’ADHEOS

Le cinéma de Barbezieux Le Club projette le documentaire "Les Invisibles" demain soir. Sept histoires d’amour d’hommes et de femmes nés dans l’entre-deux-guerres. Ils n’ont aucun point commun sinon d’être homosexuels et d’avoir choisi de vivre au grand jour cette homosexualité à une époque où la société les rejetait. Parmi eux, Thérèse Clerc. Elle sera présente à Barbezieux pour apporter son témoignage. Cette femme, militante de toujours, n’a jamais rien lâché. Elle a sa conscience politique et n’y a jamais renoncé avec l’âge. Aujourd’hui encore, à 85 ans, elle milite pour une vieillesse épanouie et a monté les "maisons de Babayagas", un lieu de vie pour des vieilles femmes, citoyennes solidaires, laïques et d’orientation écologique.
 
Vous avez témoigné dans le film "Les Invisibles". Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette démarche?
 
Thérèse Clerc. Le réalisateur voulait faire un film sur les vieux homos. J’ai aimé sa démarche parce qu’il y avait un côté militant et puis, cela permettait de faire sortir une vieille réalité du placard.
 
Vous avez été mariée, mère de famille. Ce n’était pas si simple dans ces conditions d’être homosexuelle…
 
J’avais tout pour plaire! J’étais issue d’une famille bourgeoise de droite mais qui m’aimait. J’ai toujours été rebelle et je suis un pur produit de Mai 68. C’était le temps de la libération de la femme. Enfin, on avait la parole. On pouvait dire tout ce qui nous opprimait et parler de nos corps. Dire notre plaisir. Cela faisait partie de la lutte politique que de se détourner de l’homme, cet oppresseur.
 
Êtes-vous en train de dire que vous êtes devenue homo par militantisme?
 
Oui, c’est tout à fait cela. Et comme le plaisir était au moins aussi bien, je ne vois pas pourquoi je m’en serais privée.
 
Comment cela se passait-il à cette époque, quand l’homosexualité était encore considérée comme un délit?
 
Les homosexuels se cachaient comme des bêtes malfaisantes, surtout les hommes. Chez les femmes, c’était plus ambigu parce qu’elles, on pouvait toujours les engrosser. Mais globalement, le regard était extrêmement sévère. Du coup, on vivait en ghetto assez fermé. Il fallait les connaître. Et gare à celle ou celui qui fautait, il était marqué à l’encre rouge.
 
Pour vous, était-ce aussi un combat que de faire reconnaître l’homosexualité?
 
Oh vous savez, je n’allais pas chercher ceux qui n’acceptaient pas. D’ailleurs, je ne les fréquente toujours pas. Les conservateurs sont d’un ennui incommensurable.
 
Et vos proches?
 
Je ne l’ai jamais dit à mes parents. Mes avec mes enfants, oui, je l’ai dit tout de suite. C’était presque une rébellion familiale.
 
Vous sentiez-vous discriminée?
 
La discrimination des femmes est l’une des plus anciennes. Partout, les femmes ont moins de droits que les hommes. En France, elles sont théoriquement égales. Mais en fait, elles ne le sont pas. C’est un combat permanent.
 
Aujourd’hui, les homosexuels souhaitent pouvoir se marier. Et d’une certaine manière, ils réclament cette normalité que vous contestiez. Alors, quel est votre regard sur ce mariage pour tous?
 
(Sourire) Je pense que le mariage est l’une des formes supérieures de l’enfermement, surtout pour les femmes. Mais d’un autre côté, je suis démocrate et je milite pour que tout le monde ait les mêmes droits, même si je pense profondément que le mariage est une mauvaise action.
 
L’homosexualité n’est plus un délit. Les homosexuels se dévoilent plus facilement. Y voyez-vous un progrès?
 
Oui, mais je pense que nous traversons en ce moment une période de recul. Avec le débat sur le mariage, les cathos sont de retour, les vieux clichés reviennent et ce n’est pas très sain. Il faut rester vigilant.
 
Projection du film "Les Invisibles" ce mardi 2 avril, à partir de 20h30, au cinéma Le Club de Barbezieux. En présence de Thérèse Clerc, l’un des témoins de ce documentaire.