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 d’ADHEOS

La justice a délivré une incapacité totale de travail d’une durée de 10 jours à Jean-Paul B. (photo), agressé après avoir enlacé son compagnon. Témoignage.
Jean-Paul F. et Jean-Paul B. sont en couple depuis peu. Le premier évoque avec une pointe de légèreté dans la voix cette relation naissante et tous les rêves qui en découlent. Il se fait plus grave quand il doit aborder
 
«PERSONNE NE NOUS A RÉPONDU»
 
Pour l’heure, il ne veut plus replonger dans le récit de cette nuit qui a changé sa vie. «Nous allons beaucoup mieux», assure-t-il. Jean-Paul et lui ont passé le week-end dernier loin de Paris pour se changer les idées. Le soutien de plusieurs associations et les témoignages de solidarité en provenance d’ami.e.s comme d’inconnu.e.s l’ont touché. «Nous sommes très fiers de la communauté et de voir qu’en 2014, des structures sont là à nos côtés pour nous accompagner», confie Jean-Paul F. Il souhaite simplement que celles et ceux qui les soutiennent ne versent pas dans l’agressivité en devenant à leur tour violent.e.s sur les réseaux sociaux. «Nous n’avons pas de haine, précise-t-il. Mais ce qui nous a fait le plus mal, c’est de voir le bus fermer ses portes et partir, c’est l’épicier qui me rejette, c’est l’appel à me lyncher et deux ou trois personnes qui ont ri et sont parties. Il n’y en a qu’un qui qui a retenu l’agresseur. C’est le seul. Aucune fenêtre ne s’est ouverte, personne ne nous a répondu. En tant qu’être humain, c’est ça, le plus douloureux.»
 
Le conducteur du bus a été identifié et entendu comme témoin par la police la semaine dernière. «Les deux victimes envisagent de déposer plainte contre lui et la RATP pour non-assistance à personne en danger, indique maître Christophe Le Grontec, l’avocat des deux hommes. Il n’a même pas prévenu la police. Une plainte distincte pourrait également être déposée contre l’épicier qui a repoussé l’une des victimes sur la voie publique alors qu’il aurait pu faire quelque chose.»
 
«ON POURRAIT PRESQUE CROIRE QUE C’EST UN SURFEUR»
Lors d’une audience en comparution immédiate et d’une confrontation avec l’agresseur, les victimes ont eu l’occasion de l’entendre se défendre. Il a assuré ne pas être homophobe tout en reconnaissant qu’il s’en est pris à eux parce qu’il les a vus enlacés et qu’il n’a cessé de les insulter de «pédés». Il accuse de son côté le couple d’avoir répliqué «sale chrétien», mais Jean-Paul F. assure ne pas avoir tenu de tels propos. Maintenant qu’il a vu l’agresseur en pleine lumière, il est un peu impressionné d’avoir osé se défendre. L’homme est grand, pratique le rugby. Il a les yeux clairs, un menton carré. «On pourrait presque croire que c’est un surfeur», glisse Jean-Paul F. Lors de la confrontation, il s’est présenté comme chrétien et a présenté des excuses. «Jamais!», s’est exclamé Jean-Paul F.
 
Depuis l’agression, «quand la nuit tombe, j’ai des angoisses», raconte-t-il. Il devait commencer un nouvel emploi le lendemain. Il a dû décaler d’une semaine son entrée en fonction. Une incapacité totale de travail (ITT) de 6 jours lui a été accordée. Les séquelles psychologiques se font encore sentir: perte d’appétit, de mémoire. Jean-Paul B. «n’a même pas pleuré», confie son compagnon, mais il s’est réfugié dans une forme de mutisme et préfère ne pas communiquer avec la presse. Il a toutefois voulu diffuser sa photo pour témoigner de ce qu’il a vécu. Le concernant, une ITT de 10 jours lui a été reconnue. Lui qui possède une exploitation florale et des animaux n’a pas pu s’en occuper pendant trois jours. À son retour, des plantes pourries et des animaux affamés l’attendaient. Plusieurs mois de travail partis en fumée. «Il nous a balancés par-dessus un parapet haut de 1,20m, raconte Jean-Paul F. Mais qu’est-ce que ç’aurait été s’il y avait eu une rivière?»
 
SEPT ANS DE PRISON ?
Pour lui, cet acte de violence est «le résultat affligeant et dégueulasse des mots de Barjot, quand elle a appelé au sang. En voilà! On est le 8e dossier depuis le début de l’année chez SOS homophobie!» Les manifestations contre l’égalité des droits ont été évoquées, mais il n’est pas établi que l’agresseur y a pris part. «On ne va pas s’appesantir là-dessus, prévient maître Christophe Le Grontec, on ne fait pas le procès de cette mouvance mais de l’ambiance délétère.» Une audience aura lieu le 24 avril et selon l’avocat, le prévenu encourt au minimum sept ans de prison car il est poursuivi pour violences volontaires avec trois circonstances aggravantes (homophobie, ivresse manifeste et parce que l’infraction a été commise «dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs»). Si Jean-Paul F. affirme avoir déjà commencé à se reconstruire, il attend le procès: «Nous avons l’intention de lui reprendre notre vie pour pouvoir la continuer».